Episode 6: le dimanche de la vie

Bonjour ici Genève, vous m’entendez (j’en profite pour demander de me mettre moins de retour, merci) ?

Vous vous demandez sans doute si l’on survit à une sanction disciplinaire comme la mienne ?Et bien, on trouve des moyens de passer le temps. Il suffit aussi de voir les choses du bon côté…Pour la première fois depuis mon entrée à la télé, je suis affecté à une tâche utile. En effet, vous avez sans doute remarqué que lorsqu’un invité est sur le plateau, le son tarde parfois à venir et qu’on aurait tendance à incriminer le réalisateur. En fait, ce n’est pas du tout de sa faute.
C’est le matériel qui est défectueux. Il y a plein d’objets qui se sont glissés au fil du temps dans la console où l’on peut régler le son. Tiens, hier, j’ai trouvé douze mégots de cigarettes, huit filtres en carton brunâtres, un bout de cuillère calciné. Et énormément de poussière, de la grise, de la brune et même de la blanche. C’est fou comme le matériel vieillit vite.
Plutôt que de vous expliquer le reste de mes affectations provisoires qui n’ont pas de quoi vous intéresser autrement, je crois qu’il est important de vous parler d’un collègue qui n’a pas l’air d’être très en forme. Car si le fait d’être invité aux Sports Awards et à d’autres petites sauteries sympathiques n’est pas déplaisant en soi, il se fait des moments en fin d’année où certains de mes collègues attendent patiemment la venue des petits vendeurs de Pro Juventute, histoire de troquer un peu de conversation contre une collection de timbre.
 
Et c’est pourquoi, je vous demande d’avoir une gentille pensée émue pour Pierre-Alain qui vit des moments difficiles. Car si son favori a été élu Ballon d’or il y a quelques jours, lui, est sur le point d’être nommé pigeon d’or de l’année 2008 (ndlr : n’oubliez pas de voter). Et avec un score à la Brejnev. Certes, d’ici quelques temps, il pourra se dire, comme son prédécesseur Constantin, qu’il est assuré d’avoir la paix pour trois ans et que cela lui donnera peut-être l’occasion de devenir président-directeur-producteur-réalisateur-présentateur de la TSR.
Alors, pourquoi faire le grognon ?
Parce pour Pierre-Alain, le sport, c’est la passion avant les honneurs et les gros sous. Et cet élan du cœur pourrait même se traduire dans les faits comme ceci :
« Une équipe grâce à son esprit collectif et sa jouerie réalise un exploit. Ce dernier soulève l’enthousiasme de tout un peuple. Et chacun, jusqu’au plus pauvre et plus minable supporter vit par procuration ces instants de plaisir. L’hystérie qui en découle peut s’avérer collective si le supporter dont il est question a d’autres compagnons que son téléviseur. »
En exposant cette sorte de théorème, il est de mon devoir de vous mettre en garde. Généralement, l’exploit n’est pas au rendez-vous. Certainement parce que la stratégie de l’équipe se base sur l’effet de surprise. Et pour que ce dernier soit possible, un certain goût de l’effort et un certain sens de l’abnégation sont nécessaires. Or on constate, de manière assez récurrente, que ce sont le goût du confort et un certain sens de la négation qui s’érigent en vertus patriotiques.
Oui, Dame Helvétie est bien placée dans ces opportunités de susciter l’enthousiasme populaire. Il pouvait s’agir de la Nati, comme il peut toujours être question de coupe Davis ou d’un club rhénan qualifié grâce à des décisions d’arbitrage douteuses pour la Champions League.
Et lorsque ces grandes attentes sont traduites par du vide, il faut bien trouver un responsable. Il n’est pas rare que les joueurs et particulièrement Ludovic Magnin arrivent à dire que s’ils perdent, c’est à cause des supporters. Ces derniers peuvent faire acte d’autant de mauvaise foi en rejetant la faute sur le commentateur, même si celui-ci n’officie plus à ce poste depuis.
C’est facile d’oublier que ce n’est pas au journaliste de créer la performance, mais à lui de l’accompagner, avec enthousiasme. Pierre-Alain a toujours joué ce rôle à merveille. On lui reproche son manque de connaissance et ses erreurs répétées. Mais connaissez-vous beaucoup de ces journalistes assez professionnels et passionnés pour donner l’impression au supporter moyen qu’il est un expert en matière de foot ?
Poser la question est y répondre.
Que cela soit dit : Pierre-Alain est un pur produit marketing. Vous savez, comme ces publicités que vous trouvez absolument affligeantes mais qui réussissent à vous graver le nom d’un produit dans votre tête jusqu’à la fin de vos jours. Et si le produit est bon, vous n’en tiendrez pas rigueur. S’il est nul, vous aurez au moins eu l’occasion de rire.
Bref, pourquoi donc Pierre-Alain se sentirait-il blessé de figurer à une première place ?
Parce que les honneurs individuels n’ont jamais intéressé le chef de la rubrique foot. Pour preuve, essayez de le surprendre durant un de ses commentaires à parler à la première personne. Il y a toujours ce « on » qui quoique grammaticalement indéterminé fait référence de manière évidente à un groupe, une collectivité.  J’ai surpris le futur lauréat qui se confiait à Marie-Laure. Il lui disait que si ce Pigeon d’Or était si populaire, il aurait préféré qu’on l’invite pour commenter la remise du prix plutôt que d’en être l’un des candidats.
Madame « Vers l’inconnu » (traduction libre d’Inderwildi)  a pour les membres de sa profession – du moins ceux qu’elle tutoie – une profonde empathie. Se sentant l’entière et légitime représentante de cette caste privilégiée, elle leur donne toute la douceur de son instinct maternel. Vertueuse comme une femme qui porte du léopard le dimanche, elle serra le petit Pierre-Alain très fort et lui dit que ce n’était pas si grave. Il aurait pu faire la Une du Blick au bras de Pascale, lors de leur dernière sortie Paintball. Et puis après tout, l’injustice est parfois une grande alliée. Elle fait partie de ces choses immuables, fidèles au poste.
D’ailleurs, il y a une opinion dans le département avec laquelle je suis assez d’accord. C’est Massimo Lorenzi qui mérite le Pigeon d’Or. Ce prétentieux n’est même pas en fonction qu’il prétend qu’il va faire changer les choses. Ça me rappelle certains qui se croyaient déjà champions d’Europe.
Sur ce, bon Noël !
PS : n’oubliez pas de payer la taxe Billag. Deux raisons à cette incitation :
– Les frères Guillaume pourraient réaliser le prochain spot publicitaire sous le nom de Moritz & co.
– On parle sérieusement de remplacer les derbies Genève-Fribourg par des rediffusions de snooker commentées par Eric Willemin. Puisqu’à la TSR personne ne s’y connaît en hockey sur glace, il faut commenter les matches à 5 personnes et cela demande de très gros moyens financiers.

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche

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5 Commentaires

  1. J’ai trouvé ce papier plus facile à suivre et plus drôle que le dernier, peut-être l’auteur [à jeun?sevré?] était-il plus à même de suivre le fil de sa pensée…??

    Quoiqu’il en soit, « des rediffusions de snooker commentées par Eric Willemin », rien que d’y imaginer..ça me met la pêche pour la semaine à venir!

  2. Grâce aux archives, j’ai pu redécouvrir cette sublime série !

    Un seul amer mais attendu constat à rendre : Rien à changé, si ce n’est la décoration, la mise en scène, les cravates, bref la forme.
    Le véritable problème, le fond (journalistique, j’entend le travail de recherche, de critique, d’intérêt naturellement induit par le travail de journaliste) l’a justement touché, et y reste inéluctablement encré.

    Lorenzi, fanfaronnant à qui veut l’entendre des grandes théorie de réforme, n’a rien fait, et pourra profiter de son poste en se foutant de notre gueule encore un moment.

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