Le Tour de Romandie en perte de vitesse

Longtemps cataloguée comme première course par étapes montagneuse de l’année, le Tour de Romandie se voit boudé depuis plusieurs saisons par les têtes d’affiche. Sa position dans le calendrier, sa météo souvent difficile ainsi que l’hyper-spécialisation du cyclisme lui ont progressivement fait perdre du crédit.

Depuis que le Tour d’Espagne a été déplacé du mois d’avril au mois de septembre en 1995, il y a de cela déjà 24 ans, le Tour de Romandie est devenu la première grande course par étapes du calendrier cycliste international. Première grande course par étapes dans le sens première grande course avec de la montagne à foison et pas un seul mètre de plat. Finis les arrivées en côte de Tirreno-Adriatico en mars, comme les toboggans du Pays basque en avril, où les meilleurs puncheurs du peloton peuvent encore tirer leur épingle du jeu. En mai, tout commence réellement sur le sol romand pour les grimpeurs et autres prétendants aux classements généraux des Grands Tours.

Le palmarès du Tour de Romandie fait d’ailleurs saliver lorsque l’on épluche la liste des différents vainqueurs de ces vingt dernières années. Aucun coureur de seconde zone n’a pu accrocher cette course printanière à son palmarès. Il n’est propriété que de champions plus ou moins respectables (Dario Frigo, Tyler Hamilton, Santiago Botero et Thomas Dekker l’ont cependant remporté avant d’être rattrapés plus tard par des affaires de dopage) tellement la conjonction de la montagne et de l’effort solitaire (un prologue court en ouverture et un chrono d’une trentaine de kilomètres, souvent le dernier jour, pour clôturer l’édition) ne laissent pas de place au hasard.

Pour conquérir la Romandie, il faut être à la fois un bon grimpeur et un solide rouleur. Il faut également posséder une équipe forte autour de soi et ne pas avoir peur des conditions météorologiques souvent difficiles à cette époque de l’année entre Jura et Alpes. Au début de la décennie, cette course était même un parfait avant-goût de juillet. Entre 2011 et 2013, les trois vainqueurs du Tour de Romandie Cadel Evans, Bradley Wiggins et Christopher Froome ont ensuite remporté le Tour de France deux mois plus tard.

En 2014, Froome a même réalisé le doublé sur les routes romandes mais a également gravement écorné son image en déclenchant un premier scandale sur sa personne mystérieuse. En effet, le Kényan blanc a eu recours à un corticoïde, produit interdit en compétition, pour se soigner d’un coup de froid pendant la course, tout en étant couvert par l’UCI avec qui son équipe, la Sky, a toujours nourri des relations préférentielles. Il n’a évidemment jamais été sanctionné, à l’instar de son contrôle non négatif au Salbutamol quelques années plus tard au Tour d’Espagne. Cela lui avait cependant coûté un printemps pourri puisqu’il avait ensuite lourdement chuté au Dauphiné avant d’abandonner prématurément au Tour de France sur chute également.

En 2013, Chris Froome remporte le Tour de Romandie en se couchant dans les virages.

Sur les éditions 2015 et 2016 remportées par Ilnur Zakarin et Nairo Quintana, toutes les plus grandes stars du peloton se croisent encore en Romandie. Les top 10 sont d’une incroyable densité avec la présence conjointe de Froome, Dumoulin, Nibali, Uran, Pinot ou encore Bardet. Mais en 2017, tout bascule. Si les favoris du Tour d’Italie ne viennent déjà plus depuis un bon moment en Romandie (sa date est trop proche de la course rose qui débute une semaine plus tard), les prétendants au Tour de France se mettent également à bouder le fameux rendez-vous helvétique.

La météo souvent incertaine au début du mois de mai sur les bords du lac Léman est une explication, mais pas la principale. Cela tiendrait davantage aux techniques d’entraînement et de préparation des scientifiques en constante évolution ces dernières années. Pour être performant à haut niveau, la mode est maintenant de courir peu mais juste. Les entraîneurs suggèrent donc des blocs compacts de course dont le premier cycle se finit généralement le dernier dimanche d’avril sur Liège-Bastogne-Liège. Le début du mois de mai est dorénavant consacré à une coupure d’une dizaine de jours pour recharger les batteries avant de partir en stage en altitude préparer le Dauphiné et surtout le Tour de France. Le Tour de Romandie placé début mai paye ainsi les conséquences de ces nouvelles stratégies.

Pour vérifier cette tendance, il suffit juste de regarder le plateau extrêmement faible cette année pour une course de niveau World Tour. Hormis Geraint Thomas qu’on n’a pas encore vu à son véritable niveau en 2019, le duo redoutable de la Lotto-Jumbo Primoz Roglic-Steven Kruijswijk, et Ilnur Zakarin vainqueur en 2015, nous n’aurons pas le plaisir de voir de grands champions s’expliquer sur les difficiles reliefs romands. On se consolera en surveillant les locaux de l’épreuve Sébastien Reichenbach, Mathias Frank ou Stefan Küng toujours fortement motivés à l’idée de briller sur leurs terres. Pour apercevoir les grandes stars du cyclisme international en Suisse, il faudra comme souvent patienter jusqu’à notre Tour national en juin, dernier grand rendez-vous cycliste avant le Tour de France.

A propos Thierry Bientz 47 Articles
Après avoir parcouru 250 000 kilomètres à vélo en 20 ans, j'ai décidé de prendre un peu la plume pour raconter le cyclisme...

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