Des étoiles plein les yeux – partie 1

Vous êtes fan de hockey romand et vous avez épuisé votre dernier cahier de sudokus dans l’interminable attente des play-offs cuvée 2025 ? Réjouissez-vous ! Réjouissez-vous parce que, déjà, la saison régulière est enfin terminée, et avec elle ses purges de fin de championnat où une équipe (voire les deux) joue sur un patin parce qu’elle a déjà assuré sa place au classement depuis 3 semaines. Réjouissez-vous aussi parce que ça pourrait être pire, vous pourriez être fan de Genève-Servette. Mais réjouissez-vous surtout parce que nous aussi, chez Carton-Rouge, on s’ennuie en attendant les choses sérieuses. Et quand on s’ennuie en attendant un événement sportif chez Carton-Rouge, on a la mauvaise manie d’écrire au sujet dudit événement quelques lignes dont le sérieux frise souvent celui d’un président français s’exprimant en anglais. Voici donc notre récapitulatif de la saison 2024-2025 de National League, à la sauce Carton-Rouge, bien entendu.

Si, comme moi, vous avez déjà terminé une partie d’un jeu vidéo estampillé Mario Party sans famille déchirée ni écran de télévision en miettes, vous avez compris une leçon de vie très importante qui, figurez-vous, peut aussi s’appliquer au hockey. Vous avez compris que le plus important, ce ne sont pas les étoiles glanées à la sueur du front au 4e tour de jeu, mais les récompenses prédéterminées que l’algorithme du jeu va arbitrairement décider de remettre en fin de partie à un joueur complètement aléatoire choisi sur des critères qui ne le sont pas moins (en deux mots, les « étoiles bonus »). Pour vous faire une image sportive, c’est comme si, à chaque match, le prix du meilleur joueur était décidé sur un critère tiré au sort entre la plus grande distance parcourue, le plus de pénalités reçues, le plus de tirs cadrés, le plus de minutes jouées, et j’en passe. Marrant en soirée, peut-être, mais ô combien frustrant pour le vrai meilleur joueur du match, n’est-ce pas ?

Eh ! Bien, laissez-moi vous dire qu’à l’échelle d’une saison de National League c’est un peu pareil, à l’exception près que l’algorithme est essentiellement composé d’une bande de Suisse-allemands déguisés en zèbres. Ce que je veux dire, c’est que le plus important, dans une saison de hockey, ce ne sont pas les trois points difficilement ramenés un mercredi soir de novembre d’une patinoire tessinoise à peu près aussi garnie que le crâne de Kad Merad. Le plus important, c’est ce qui se passe dès le mois de mars. C’est là que se forment les légendes et que naissent les héros. Mais en attendant, et puisque les étoiles bonus n’existent pas en tant que telles dans notre championnat, nous, chez Carton-Rouge, on a décidé de les décerner nous-mêmes. Sans plus attendre, embarquons donc pour la première volée des Galactiques de la saison 2024-2025 de National League* !

*Spoiler : si votre équipe n’est pas sur la photo de l’article, c’est pas très bien parti pour vous. L’inclusivité, c’est pas notre fort. Mais vous pouvez quand même lire la suite, surtout si vous vous demandez bien quelle étoile le HC Ajoie a-t-il pu gagner ou si, comme nous, vous aimez vous moquer des équipes favorites des autres.

L’étoile Alphons Maximilian Pfyffer von Altishofen

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Le saviez-vous ? Alphie (appelons-le Alphie, nos articles sont déjà trop souvent taxés de longueurs superflues), Alphie, donc, parce qu’il avait conçu les plans d’une forteresse dans le Gothard, est considéré comme le grand théoricien de la stratégie du réduit national. Il n’est donc que justice que l’étoile de la meilleure équipe à domicile, l’étoile de la forteresse imprenable, porte son nom. Quoique, si l’on se penche sur sa biographie, on se rend vite compte que l’homme a eu une vie de celles qui donnent une furieuse envie de crier KAMOULOX ou d’en faire un bingo un soir de nouvel an. Jugez un peu : toutes les informations suivantes à son sujet sont vraies, sauf une (on vous laisse le soin de deviner laquelle*) :

  • il fut chevalier de Saint-Georges
  • il créa les troupes cyclistes
  • il a construit le Luzernerhof et le Grand Hôtel National, qu’il a cédé à César Ritz
  • il supportait Manchester United
  • il a participé au siège de Gaète
  • il a eu six enfants (il paraît que sur les gravures faites avant ces six naissances, il avait l’air heureux.)

Revenons-en au hockey pour vous dire que c’est avec émotion que nous décernons notre première étoile, l’étoile Alphie von Altishofen de la forteresse imprenable 2024-2025, au Lausanne HC et à sa Vaudoise aréna, qui a fait le plein plus souvent qu’à son tour cette saison avec une moyenne de plus de 9’100 spectateurs, la 4e de National League. Des grands noms comme Berne et Zoug ne sont ainsi pas parvenu à s’imposer à Lausanne lors de cette saison, au contraire de Fribourg, de Lugano ou encore d’Ajoie. Gagner à Lausanne, c’est pas pour tout le monde, hein ?

*Pour les curieux, non, il ne supportait pas Manchester United, en tout cas pas qu’on sache. En tant qu’architecte, il devait probablement supporter les clubs bien construits.

L’étoile Napoléon Bonaparte

« La meilleure défense, c’est l’attaque. » Pas étonnant que cette célèbre phrase soit parfois attribuée à Napoléon, lui qui, en plus d’être Corse, ne peut pas se targuer d’avoir été gâté d’un physique d’attaquant (quoique, peut-être encore moins d’un physique de de défenseur d’ailleurs, mais passons). Cette étoile-là, c’est celle pour laquelle moi, vous, tout le monde met son écharpe tâchée de bière autour du cou pour aller se cougner entre deux trentenaires bourrés puant la cigarette et s’égosiller avec eux pendant plus de deux heures deux fois par semaine. C’est celle qui, plus que les expected goals, expected big saves against expected shots on target per 60 minutes, ou expected *insérer un terme technique de votre invention qui vous fera passer pour un fin connaisseur du hockey*, fait se lever les foules, remplir les patinoires et rappeler les joueurs à la fin du match. C’est le nerf de la guerre des étoiles. C’est l’étoile de la meilleure attaque, et elle revient cette saison à l’EV Zoug.

Tchou ! Tchou ! Tous à bord ! (Vous l’avez ?) Huit Zougois ont atteint la barre des dix buts cette saison, dont 3 ont dépassé les quinze : Lino Martschini, dont on disait à tort qu’il était fini depuis que les gourdes des gardiens ne sont plus posées sur le dessus des buts, Grégory Hofmann, et Daniel Vozenilek, dont il n’a fallu qu’une demi saison pour qu’on sache un peu partout en Suisse qu’il n’attaque pas que le goal (et que le goal n’est même pas sa cible favorite). Vous voulez savoir le meilleur ? Presque tous ces huit lurons ont manqué au moins cinq matchs cette saison, et Zoug a tout de même glané une avance de 8 buts sur son plus proche poursuivant (Berne), et de 17 sur le troisième de ce classement (Zürich). Je ne sais pas vous, mais moi, je commence à penser qu’on aura peut-être le droit en play-off cette année, et pour la première fois de l’histoire, d’assister à une corrida où le taureau gagnera.

L’étoile Grover Cleveland

File:President Grover Cleveland.jpg

Plutôt que de parler du powerplay ou du boxplay, où le LHC truste les meilleures places (on risque de crier au favoritisme), parlons un peu des punis, en décernant l’étoile nommée d’après le seul shérif à être devenu président des États-Unis. C’était en 1885, soit, pour les plus culturés d’entre vous, pile l’année où, quelque part en Californie et pour le bien de la science, on poussait une locomotive à vapeur à quatre-vingt-huit miles à l’heure droit dans un ravin. Ah ! Heureux temps, qui ont depuis bien changé, puisque d’un Shérif à la maison blanche, on est passé à un criminel. C’est pas le pied.

Entretemps, mes informateurs m’ont dit dans l’oreillette que le LHC truste aussi les meilleures places du classement Grover Cleveland 2024-2025, ou classement des pénalités reçues. Comme quoi on peut être bon en powerplay, en boxplay mais mauvais en boîtes infligées. Le LHC est donc bien notre élève le plus indiscipliné cette saison avec quelque 550 minutes de pénalités récoltées, ce qui équivaut à peu près à 10 par match. Ce n’est pas du côté de Zürich ni de Davos que cette statistique étonnera, on s’en doute. De notre côté, histoire de leur rendre la pareille, nous ne nous étonnerons pas plus de voir que Zürich est antépénultième (ça veut dire avant-avant-dernier) de ce classement.

L’étoile John Hammond 

Je vous vois venir : ça y est, on va enfin parler d’argent, comment va-t-il bien pouvoir défendre son LHC, là, hein ? Eh ! Bien c’était (dépenser) sans compter, naïfs que vous êtes, sur l’inventivité de la Ligue Nationale Suisse de hockey en matière de statistiques. Détrompez-vous et rangez vos langues de vipère, on ne va pas parler des billets verts dépensés, mais de… temps passé sur la glace. Car oui, apparemment, dans des bureaux zurichois obscurs, une chaîne de production a validé cette idée et quelqu’un a donné de l’argent à quelqu’un pour réaliser cette statistique, à savoir celle du temps passé sur la glace par équipe durant cette saison. Tout ça pour nous apprendre qu’Ambri-Piotta (lauréat de notre étoile John Hammond) a passé grosso modo une heure de plus sur la glace en 2024-2025 que son rival Luganais (dernier de ce classement). Et vous appelez ça dépenser sans compter, vous ? Sans blague, il ne manquerait plus que le fan de tennis infiltré dans les bureaux de la ligue qui a eu cette idée soit engagé à la fédération d’athlétisme !

Et voici, sous vos yeux ébahis, la statistique du temps passé sur la piste lors de la finale du 100 mètres des JO de Paris 2024. Elle est pas géniale, cette idée ?

L’étoile Unlucky Luke 

File:Lucky Luke statue in parc Reine Astrid, Charleroi (DSCF7707).jpg

On ne dirait pas comme ça, mais chez Carton-Rouge, on est plutôt calés en ce qui concerne les statistiques avancées et la logique élémentaire. En ce sens, vous ne nierez sans doute pas, chers lecteurs, un fait indubitable : chaque tir sur le poteau, en plus d’émettre un reconnaissable cling ! à faire frissonner les échines de toutes les places assises de la patinoire, est une chance de but partie en fumée (à l’exception près de la rarissime situation où le tir a en fait tapé la barre du fond du but et est ressorti tellement vite que les arbitres ne l’ont même pas vu et qu’ils doivent aller à la vidéo au prochain arrêt de jeu, qui arrive parfois cinq minutes plus tard, pour voir s’il y avait bien but et constater que oui, et du coup annuler comme si de rien n’était les cinq minutes précédentes pendant lesquelles l’équipe qui avait marqué a eu le temps de remettre un autre but qui, du coup, est annulé aussi. Mais comme on le disait, c’est rarissime).

Bref, comme nous sommes bons joueurs, chez Carton-Rouge, et que les montants d’un but de hockey ne mesurent après tout que 5 centimètres de diamètre, nous avons décidé de décerner l’étoile Unlucky Luke à l’équipe qui est passé le plus souvent à 5 centimètres du bonheur, autrement dit qui a tiré le plus de fois sur les poteaux : le HC Davos. C’est peu de dire que ce classement était serré, puisque les 9 premiers s’y situent à 5 poteaux d’écart (donc 25 centimètres, en gros). Mais ce sont bien les Grisons qui s’en sont tirés à moins bon compte cette saison avec 39 montants touchés (on n’est tout de même pas si loin d’un par match). Quand on dit que ça se joue à rien, le hockey, vous nous croirez, maintenant ? En revanche, s’il y a bien une équipe qui ne peut pas trop se cacher derrière cette maxime toute rhétorique, c’est notre dernier de classe de la malchance, j’ai nommé le HC Ajoie, avec 20 montants touchés cette saison. Comme quoi, on ne se refait pas.

L’étoile Raúl González Blanco

Un soir, t’en souvient-il, Harri Pesonen arrachait la prolongation pour le LHC à quelques secondes du terme de l’acte VII des quarts de finale des play-off dans l’antre du CP Berne. Et alors, selon l’adage bien connu, on pouvait dire que les Bernois étaient, pendant quelques minutes, bien contents de jouer en noir.

Cette année-là, l’emblématique capitaine du Real Madrid Raúl prenait sa retraite, et quant au rêve lausannois, il était principalement bâti sur la stratégie mourinhesque de l’entraîneur Heinz Ehlers (à moins que ce soit Mourinho qui ait adopté une tactique Ehlersesque après avoir eu une illumination dans un rêve fait durant une sieste lors d’un match à Malley en 2015, les puristes en débattent toujours) : une défense en béton (la 2e meilleure de Suisse), un mur de brique appelé Cristobal devant la cage, mais la pire attaque de la ligue, avec à peu près deux buts par match. On dit que jamais bus ne fut mieux garé dans l’élite du hockey suisse.

Berne, après avoir mis fin au taux de plancher du franc face à l’euro en début d’année, a fini par mettre fin au rêve du lion qui manquait de mordant en quelques minutes de prolongation. Pour les amoureux du beau jeu, au final, ça n’était peut-être pas plus mal. D’autant que les Vaudois ont en quelques sortes pris leur revanche plus tard dans l’année, lorsque l’un de leurs représentants a accédé au Conseil Fédéral pour la première fois depuis près de 20 ans. Peut-être nous sentons-nous obligés d’ajouter « en quelques sortes » parce que le représentant en question n’était autre que Guy Parmelin.

En 2015, l’étoile Raúl du classement rétro allait à Zürich, Fribourg-Gottéron était en play-out, le HC Davos gagnait son dernier titre en date de champion de Suisse, la coupe était soulevée par Beat Forster, les frères Von Arx et Arno del Curto. Sepp Blatter vivait de son côté son dernier scandale à la tête de la FIFA (celui sur l’attribution du mondial au Qatar, pour ceux qui se posent la question tout à fait légitime « mais lequel ? »). Mutatis, mutandis, un haut-valaisan chauve et corrompu laissait sa place à… un haut-valaisan encore plus chauve (et corrompu). Et quand on voit le monde de 2025, on peut difficilement s’empêcher de penser qu’au final, en 2015, tout n’allait pas si mal.

Ah ! Cette bonne vieille barre, ça réveille des souvenirs.

Étoile bonus bonus n°1 : l’étoile Céline Dion

File:Celine Dion Concert Singing Taking Chances 2008.jpg

Celle-là, même nous, on n’aurait pas pu l’inventer. Le classement des plus grandes divas de la ligue (non, non, c’est pas une blague, c’est aussi sérieux que les coupes budgétaires dans les plus grands organes journalistiques du pays) a récemment été établi par le Blick, en se basant sur un vote des joueurs. Oui, là encore, vous avez bien lu, sur un vote des joueurs. Ça veut dire que les joueurs de hockey suisse, pour satisfaire soit un pari perdu soit le plaisir d’un journaliste qui trouvait sa blague très drôle et qui était bien décidé à aller au bout, ont reçu un matin dans leur boîte mail un bulletin de vote leur demandant d’élire la plus grande diva parmi leurs collègues. C’est donc ça, le grand secret derrière les droits TV négociés avec MySports ? La transformation d’un des autoproclamés meilleurs championnats du monde en une téléréalité de bas étage ? Pour ce prix, j’espère qu’on aura au moins Denis Brogniart au commentaire de l’acte VII de la finale de cette année ! Comment ça, nous, jaloux d’avoir pas eu cette idée les premiers ? Bon, d’accord, vous avez gagné, voilà l’article en question.

Et pour ceux qui n’ont pas eu assez d’étoiles dans les yeux, ou qui se demandent toujours quelle étoile le HC Ajoie a bien pu gagner cette année, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour poursuivre notre exploration de la galaxie National League 2024-2025. Et l’avantage, reconnaissez-le, c’est qu’on sera quand même vachement plus près de la fin des play-in.

 

 

Crédits photographiques :

Alphie von Altishofen : Wikimedia Commons, https://en.wikipedia.org/wiki/Alphons_Maximilian_Pfyffer_von_Altishofen#/media/File:ZHB_SoSa_Portrait_205_cropped.jpg

Napoléon Bonaparte : Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/Napol%C3%A9on_Bonaparte

Grover Cleveland : Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:President_Grover_Cleveland.jpg

John Hammond : Wikipedia, https://en.wikipedia.org/wiki/John_Hammond_(Jurassic_Park)

Unlucky Luke : Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lucky_Luke_statue_in_parc_Reine_Astrid,_Charleroi_(DSCF7707).jpg

Raúl : Wikimedia commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Raul_Gonzalez_10mar2007_%28cropped%29.jpg

Classement rétro : SIHF, https://www.sihf.ch/fr/game-center/national-league#/standing/rank/asc/page/0/2015/1634/All

Céline Dion : Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Celine_Dion_Concert_Singing_Taking_Chances_2008.jpg

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