Pigeon de juin 2 : Dimitri Oberlin

Passer de grand espoir du foot suisse à un prêt au SV Zulte Waregem en l’espace d’un an et demi. Y a-t-il vraiment besoin d’ajouter quelque chose à cette triste destinée ?

L’histoire était belle. Celle d’un jeune homme quittant son Cameroun natal pour rejoindre sa mère à Moudon. Et qui gravit les échelons du FC Etoile-Broye au FC Zürich, en passant par Team Vaud, jusqu’à effectuer ses premières minutes en Super League, à l’âge de 16 ans. Avant des débuts en Ligue des champions à 18 piges avec le Red Bull Salzburg.

C’en est suffisant pour le FC Bâle qui décide de miser cinq millions sur le jeune Dimitri Oberlin à l’été 2017. Les Rhénans avaient peut-être omis de vérifier que le Vaudois bouclait une saison en prêt dans le mythique club du SC Rheindorf Altach. Qu’importe, pour les décideurs bâlois, Marco Streller en tête, être prêté par le Red Bull Salzburg doit forcément donner des ailes…

Et pourtant, cessons dans un premier temps l’ironie. Deux mois après son arrivée, il explose aux yeux du grand public, dans la future ancienne formule de la Ligue des Champions, au cœur d’une victoire 5-0 du FC Bâle face au Benfica Lisbonne. Son bilan du soir est exceptionnel : deux buts, une passe décisive et un penalty provoqué.

Lors de cette rencontre, une action du nouveau prodige fait le tour du monde. Un sprint supersonique, mesuré à 38 km/h, d’une surface à l’autre, un ballon glissé par Steffen, un contrôle (raté), quatre grands pas, puis une frappe entre les jambes du gardien lisboète. Un enchaînement de gestes qui le rapprochait déjà plus d’Alex Wilson que de Samuel Eto’o mais qu’importe, la hype Oberlin était déjà en route.

Profitant de l’exposition de la SSR, il enquilla au total quatre pions en Ligue des Champions devant le plus grand nombre de ses nouveaux fans. Une performance respectable qui lui valut une nomination par l’UEFA dans le onze des « newcomers » de 2017.  C’était décidé, Oberlin était l’avenir de l’équipe de Suisse selon la « vox populi ». Ras-le-bol du cirque des Seferovic et autre Derdiyok, il fallait mettre en place le clown Dimitri !

Pourtant, déjà, outre son exposition européenne, ses performances en championnat auraient dû faire ravaler à certains leurs furtives certitudes. Lors de la même saison 2017-18 (sa meilleure globalement), on dénombre vingt-cinq apparitions pour huit titularisations et cinq buts en Super League. Pas vraiment la même histoire.

A travers ses belles lunettes, Raphael Wicky avait déjà reniflé la supercherie. Outre sa vitesse, Oberlin n’avait pas beaucoup d’autres arguments à faire valoir. C’est pratique lorsque l’on joue en contre en coupe d’Europe, moins quand il y a peu d’espace et que les défenses sont resserrées. Et quand ton best-of Youtube s’intitule littéralement « Crazy Speed Skills & Goals », cela donne un indicateur assez précis du niveau technique du bonhomme.

Pourtant, la « vox populi » a failli réussir son coup. Au printemps 2018, Oberlin effectue ses débuts en équipe nationale, à l’occasion d’une victoire amicale 1-0 en Grèce. On passera sous silence que même le rédacteur du match sur Carton-Rouge n’avait pas jugé bon de mentionner son entrée en jeu. La « vox populi » est terrible mais n’a pas réussi à pousser son poulain jusqu’au mondial russe. Elle s’est rabattue depuis sur Noah Okafor qui a l’avantage d’être plus ami avec le ballon.

Depuis cette parenthèse enchantée, le pauvre Dimitri n’a vécu que des déconvenues. Des passages en M21 du FCB, un prêt de six mois à Empoli pour 132 minutes jouées et l’annonce, le 13 juin dernier, d’un prêt d’une année avec option d’achat au SV Zulte Waregem.

Pour l’ensemble de son œuvre et pour avoir participé à la supercherie, il mérite ainsi une savoureuse nomination au titre de pigeon d’or du mois. Et s’il le remporte, il pourra le partager avec tous ses fans éphémères qui l’ont abandonné depuis, et avec Marco Streller qui avait misé gros sur lui en 2017. On ignorait jusqu’à aujourd’hui que le bon vieux Marco cumulait les postes. On sait désormais qu’il était donc également en charge du recrutement du Leichtathletik Club Basel.

A propos Pierre Diserens 75 Articles
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1 Commentaire

  1. Tout à fait d’accord concernant la déception après les belles promesses qu’on nous avait faites à son sujet. Par contre, pourquoi le nominer pour un pigeon d’or ? S’il avait foutu en l’air sa carrière avec des conneries, à cause un comportement immature ou quelque chose du genre, ok. Là on l’a juste vu trop beau et finalement il n’est pas assez bon. On ne va pas lui reprocher d’avoir jouer crânement sa chance en se montrant en LDC…

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