A l’image de Sherkan, Servette prend son envol

Ce n’était pas une journée comme les autres à la Praille, dimanche après-midi. Après s’être vu piéger dans une maison embrasée par Majid Pishyar et condamnée à mourir à petit feu, un homme, Hugh Quennec, est venu, tel un brave pompier, éteindre les flammes avec sa lance. Mais si Servette a sauvé sa peau pour le moment, il s’agira maintenant de réparer les dégâts occasionnés et de reconstruire la baraque. Face au FC Lucerne, des intrépides grenat y ont mis le cœur et ont posé la première grosse pierre du nouvel édifice. Retour sur cette magnifique journée qui en appelle tant d’autres !

Eh oui, cela faisait un moment que votre serviteur ne vous avait plus pondu de papier sur le club de son cœur. Car, justement, le cœur souffrait et peinait à raconter la fin annoncée d’un rêve qui s’était esquissé le 31 mai 2011. Croire en Majid relevait de la folie et chanter timidement son dédain n’aurait guère fait avancer les choses. Mais, décidément, depuis l’arrivée du providentiel Hugh Quennec, les Servettiens peuvent enfin se remettre à voir le bout du tunnel. Irréprochables sur le terrain de par leur état d’âme et leur orgueil de professionnels, les Genevois ont brillamment su répondre au rendez-vous et faire le nécessaire pour drainer le plus de partenaires et de sympathisants.

Le béton armé a une âme

Le Stade de la Praille est architecturalement froid. Le béton armé grisâtre combiné à la roseur des sièges rendent l’attachement identitaire difficile. Ajoutez à cela le fait que Servette ait passé la décennie la plus désastreuse de son histoire depuis l’inauguration de cette enceinte sportive, et vous comprendrez davantage encore pourquoi le peuple grenat regrette au plus haut point les défuntes Charmilles. Pourtant, face aux Lucernois, le public genevois était bien là et a su donner une âme au béton armé et à ces sièges rosâtres !
Oh que oui, il a fait sortir de sa cage thoracique toute la frustration qu’il avait contenue et accumulée depuis quelque temps. Le plus beau moment du match a sans doute été celui qui a précédé le coup d’envoi. En effet, lorsque les jeunes pousses grenat – qui faisaient un tour d’honneur – ont fait leur apparition sur la pelouse, la Praille a chaviré ! La tribune nord s’est époumonée sur les notes du chant «SFC, SFC, SFC !». Un moment fort puisque richissime en signification. Pour les enfants d’abord, cela a dû être un moment magique qu’ils garderont gravé à jamais dans leurs souvenirs. Du côté des supporters, c’est tout autant émouvant, car on peut y voir la ferme volonté d’inculquer l’amour du maillot grenat aux futures générations. A un niveau plus personnel, cela m’a évoqué des souvenirs puisque j’ai moi-même eu l’immense privilège d’effectuer un tour de terrain aux Charmilles lorsque je jouais au SFC à l’école de foot.

«La victoire du cœur»

Face aux hommes de Murat Yakin, les Genevois ont certes été quelque peu chanceux. Mais la chance à elle seule ne mène nulle part. Effectivement, Servette a fait preuve d’une volonté de vaincre hors du commun qui, presque excessive, a failli avoir un contre-effet crispant. Mais, dans une journée comme celle-ci, il était écrit, quelque part dans la bible du football, que le club du bout du lac ne pouvait pas perdre. Même réduit à dix suite à l’expulsion du capitaine Pizzinat, le club âgé de 121 ans allait résister. Pourtant, tout le monde a tremblé, car il semblait inéluctable que Lucerne allait passer l’épaule. Plus forts physiquement (le SFC n’avait pas pu préparer au mieux ce match), mieux placés sur le terrain et en supériorité numérique, les pensionnaires de la Swissporarena prenaient leurs hôtes par le cou. Mais un David Gonzalez infaillible s’est surpassé et a effectué quelques belles prouesses pour permettre aux siens de maintenir le cap. Et en toute fin de rencontre, à un moment crucial où le but du FCL pouvait définitivement assommer les espoirs genevois, l’esseulé Esteban offrait une victoire improbable à tout un peuple. Certes, le taux de déchet technique du côté local a vraisemblablement été élevé. Certes aussi, Lucerne aurait mérité d’engranger les trois unités.  Mais comme l’a relevé Pereira en conférence de presse, celle-ci était «la victoire du cœur», tout simplement !

A la conquête de l’Europe

Comme c’est le cas depuis l’ère Alves, les supporters et les joueurs de la cité de Calvin sont en parfaite symbiose. Mais hier, c’était une liesse, comme s’il s’agissait de la célébration de cette communion. Le public a très bien tenu son rôle de 12e homme ou de 11e après le carton rouge de Pizzinat. Le comportement exemplaire des joueurs et des employés a été apprécié par les supporters à sa juste valeur. C’est à relever, d’autant lorsque l’on vit dans un monde que les supporters de Gottéron illustrent de façon caricaturale : on t’encourage comme des groupies quand tu gagnes, mais dès que tu perds 1-0 on se met à te conspuer méchamment. 
Maintenant, sur le terrain – en espérant que le mois de sursis accordé au club permette d’éviter la faillite –, les joueurs peuvent aller chercher l’Europe. Cela passe par une victoire face au FC Zurich !
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Grégory Soldati

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6 Commentaires

  1. Vraiment un bel état d’esprit sur la pelouse et dans les tribunes, c’est ça qu’on veut! L’expulsion de Pizzinat était sévère et j’ai bien cru qu’on allait perdre les 3 points, mais un immense bravo à Esteban qui revient de blessure, et qui arrache la victoire à la 89e !!!

  2. Vraiment le week-end parfait pour le SFC au classement avec Thoune qui va perdre en Valais et cette belle victoire sur Lucerne. Mine de rien, l’Europe n’est pas loin et avec les lucernois qui sont gentiment en train de se péter la gueule comme l’année dernière (même si ça a l’air un poil plus contrôlé cette fois…), il est permis d’y croire!

    Après, l’arrivée de Quennec c’est vraiment le pied je pense. C’était difficile de trouver quelqu’un de plus adéquat pour le poste. Evidemment, personne n’aurait cracher si le Cheikh Mansour avait pointé le bout de son nez et sorti les biftons mais là, au moins, on a quelqu’un qui sait taffer avec les gens du cru, et ça, ça n’a pas d prix!

    Franchement, y a de quoi être optimiste. Maintenant s’agit de sortir définitivement ce club de la mouise et d’assurer un bon ptit budget pour la saison prochaine, et pourquoi pas, de voir pour un maillot un poil plus sympa et original! 😀 Parce que là, Nike a fait dans l’urgence, ça se voit! Mais bon c’est complètement secondaire…

    C’était d’ailleurs aussi enthousiasmant de voir ce stade de Genève bien garni pour l’ocase, parce qu’avec 6’000 courageux, faut bien l’avouer c’est vraiment bien glauque, déjà qu’à la base c’est sans doute le stade le moins chaleureux du pays… A l’image du Letzigrund, l’Euro 2008 est devenu le fossoyeur des ambitions zurichoises et genevoises sur la scène nationale avec des stades démesurés et vraiment pas super bien fichus. Je persiste à dire qu’avec des stades de 15’000 places bien mieux conçus et bien plus en adéquation avec leurs moyennes de spectateurs, le SFC, le FCZ et GC se porteraient un poil mieux aujourd’hui, mais bon, on refait pas l’histoire, alors autant essayer de mettre ce stade de Genève en valeur le maximum possible, un peu comme le projetait un certain… Pishyar.

  3. T’as joliment un bout de faux sur la ligne, Soldati. Que les supporters de Gotteron soient un peu plus exigeants aujourd’hui, c’est juste qu’ils connaissent un peu mieux le hockey que d’autres, a fortiori…. On chante pas au titre quand on a pas l’équipe.. Les années de vaches maigres, et il y en a eues!, on savait qu’on allait jouer les play outs mais on allait quand même à st-léonard… Aujourd’hui, tout le club (et son entourage économique) s’est donné les moyens de revivre les années folles du début des Bykov et Khomutov, alors on savoure, on espère et on en demande un peu plus.. Tout comme les dirigeants des époques difficiles ont demandé aux gens du canton de venir, de donner un peu plus, de pouvoir espérer des jours meilleurs, de sauver Gotteron… Jamais relégués, les dragons ne seront peut-être jamais titrés non plus… Et des mauvaises saison il y en aura encore.. Mais crois moi, à Fribourg et dans le tout le canton, de génération en génération, on parlera toujours de Gotteron…

  4. @Jaremir, « supporter » n’est pas uniquement « jubiler ». Même si je suis d’accord avec toi que le rapport avec FG n’a pas tellement sa place ici.

    Pour le reste, si on finit cette saison, ça s’annonce grandiose les années à venir!

    SFC !!

  5. Moi, suis quand même un peu dubitatif sur l’arrivée de Quennec. Ok, le club est sauvé et ça laisse une marge un peu plus importante pour se retourner. Ok, Quennec est une homme de synergie qui doit fédérer autour de lui des entreprises qui souhaitent s’engager dans le projet SFC.

    C’est ce qu’il fait au GSHC et… il faut bien dire que ce sont les miracles de McSorley qui maintiennent le club à flot ! Parce qu’année après année, les meilleurs joueurs suisses du GSHC quittent Genève (encore Rubin et Trachsler cet été) pour équilibrer le budget fait de bouts de ficelles avec le résultat que l’on connait cette année. Où sont donc ces entreprises qui mettent de l’argent ?

    Je n’ai pas envie de voir la situation en noir, mais objectivement, c’est quand même un peu inquiétant. Servette a toujours eu un mécène qui a fait tourner le club et cela n’existe plus aujourd’hui.

  6. Y en a pour qui l’élimination de Lugano laisse un petit goût amer, s’pas M. Soldati ?

    Sinon, ben allez Servette et mettez une caisse au FCZ et allez Gottéron, bien sûr !

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