Barcelone a joué avec Rolfö

Le titre le plus littéral de l'histoire de CR

Saviez-vous que la ville de Sion était jumelée avec la cité argentine de Colón et sa consoeur hexagonale de Selles-sur-Cher ? Pas étonnant dès lors que la « qualification » du club local pour les barrages pouvant le conduire en Challenge League fasse chier tout un peuple. N’écoutant que son altruisme et sa bienveillance – tous deux aussi acérés que la conscience professionnelle de Mario Balotelli – votre serviteur a donc décidé de préserver ce qui reste de la santé mentale de ses nombreux lecteurs valaisans en les emmenant à 848 km du sinistre pour leur parler de tout autre chose en ce premier samedi de juin. Bienvenue à Eindhoven, capitale néerlandaise du design et accessoirement théâtre de la XXIIème finale de Women’s Champions League (et la IIème couverte dans nos colonnes). De rien, chers Sédunois !

Le match en deux mots

5 minutes. 

Le retard qu’il ne fallait pas prendre au retour de la buvette au début de chaque période sous peine de louper 3 des 5 buts, mais aussi le temps qu’il a fallu au Barça pour détruire une première mi-temps tactiquement parfaite de Wolfsburg au retour des vestiaires.

5 minutes, c’est aussi plus ou moins le temps de jeu alloué à la double tenante du Ballon d’Or Alexia Putellas, de retour depuis peu d’une déchirure des ligaments croisés, puisqu’elle est entrée à la 90ème minute, histoire de faire valoir son droit hebdomadaire à une standing ovation. C’est dire la supériorité actuelle des Catalanes, vainqueurs du championnat, de la Supercoupe d’Espagne et de la Ligue des Champions en l’absence de leur capitaine et meilleure joueuse.

La femme du match 

Patri Guijarro, auteure d’un doublé aux 48ème et 50ème minutes pour égaliser à 2-2. La numéro 12 catalane a littéralement éteint des Wölfinnen qui avaient été opportunistes en diable jusque-là. Patri, c’est un peu ton petit frère de cinq ans qui regarde ailleurs et marche sur ton château en Lego que tu avais mis tout l’été à construire patiemment pièce par pièce et dont tu as jeté les instructions de montage. Il y a en tout cas fort à parier que si ces scènes s’étaient jouées Porte d’Auteuil, il n’en aurait pas fallu beaucoup plus pour que l’assistance entonne un « Enfants de la Patri » bien senti.

Hein ? Comment ça « pas Fridolina Rolfö » ? Un game-winning goal (3-2, 70ème minute) et le jeu de mots épouvantable du titre ça ne lui suffit pas ?

Bon, et comme chacun sait, le (Rol)fö c’est Caldentey (Mariona de son prénom). Oui, on brûlait de vous la faire celle-là.

La buse du match

On aurait aimé vous parler de la gardienne allemande Frohms et vous dire que Merle était une buse, mais au vu de sa performance on se serait fait traiter de tous les noms (d’oiseau). Avec nos excuses pour cette vanne si douteuse qu’elle ne risque pas de faire son nid.

Image rare des 4 lecteurs de cet article réunis dans leur rejet de cette dernière #ExcellenteVanne.

Le tournant du match

Il faut remonter à 1866 pour le trouver. On veut parler ici du moment où la durée d’un match et par extension de la pause entre les deux mi-temps a été codifiée pour la première fois. De retour en 2023, on ne sait pas ce que Jonatan Giráldez a dit à ses joueuses pendant ces 900 secondes ni ce qu’il a glissé dans leur thé, mais on sait ce qui s’est passé ensuite.

L’esthète du match

L’esthète de tous les matches de Wolfsburg: Tommy « Tintin » Stroot. On vous parlait de « On a marché sur Arsenal » et de « Vol 714 pour Eindhoven » en demi-finales. En ce dernier samedi de la plus lucrative des compétitions (ou pas), c’était évidemment « Objectif Thune ».

« Le pouce levé », suite tant attendue de « L’oreille cassée ».

L’aVARie qui aurait pu couler le match

Lucy Bronze a malencontreusement perdu le ballon sur Ewa Pajor, avant-centre au transit (vers le but) foudroyant, qui a immédiatement enchaîné avec une frappe en pleine lucarne pour l’ouverture du score (4ème). C’était au passage le but le plus rapide encaissé par le FC Barcelone cette saison en WCL, lieu d’aisance par excellence pour les Blaugrana. Heureusement pour la latérale, ses coéquipières ont su tir… donner la chasse pour finalement rattraper puis coiffer Wolfsburg au poteau. Après avoir failli couler un(e) Bronze dans cette cuvette qu’est le Philips Stadium, on finit donc par lui décerner une quatrième Champions League après son triplé lyonnais entre 2018 et 2020. Bientôt de quoi lui réserver un petit coin au National Football Museum de Manchester ?

Oh ça va, vous n’allez pas faire un caca nerveux, le chapeau de cet article vous avait pourtant prévenu d’emblée qu’il ne fallait pas s’attendre à grand chose en termes de subtilité de la part de l’indécrottable balourd qui a commis ces lignes.

Décidément, on ne se lasse pas de soulever ce trophée aux petites oreilles décollées. 

Les chiffres à la con

3. Comme le nombre de Ligues des Championnes désormais remportées par la Bernoise Ana-Maria Crnogorčević (avec Francfort en 2015 et Barcelone en 2021 et donc 2023). Même si le ratio temps de jeu-nombre de titres de celle qui a fait son apparition à la 79ème minute commence à ressembler à celui de Xherdan Shaqiri au Bayern et à Liverpool. La bonne nouvelle est que finir sa carrière aux Etats-Unis aurait une tout autre valeur dans le foot féminin.

9. Comme le nombre de Wolfsburgeoises (allez, on leur invente un gentilé) qui font partie de la pré-liste des 28 joueuses convoquées par la sélectionneuse allemande Martina Voss-Tecklenburg pour la Coupe du monde qui débute le 20 juillet prochain. C’est-à-dire près d’un tiers du contingent. On rassure les fans de foot masculin, le Bayern, récent champion national (une fois n’est pas coutume chez les filles), est représenté par 6 joueuses. Les 13 sélectionnées restantes ont été piochées à l’Eintracht Francfort, Duisburg, Hoffenheim, Chelsea et Lyon. On ne sait pas si Gary Lineker s’intéresse au foot féminin, mais il y a fort à parier que la lecture de cette liste lui inspirerait une sortie du genre « le football se joue à 11 contre 11 et à la fin… »

En Espagne, c’est plus compliqué. Une bonne partie de l’équipe (15 éléments) est en grève depuis bientôt un an sur fond de bras de fer avec le sélectionneur Jorge Vilda, en place depuis 2015. Et comme l’ancien junior du Barça et du Real est dans le giron national depuis 2009 (coach des M17 et des M19), on imagine que toute une génération de joueuses a eu amplement le temps de se faire une opinion sur ses méthodes que d’aucuns (dont la meilleure buteuse espagnole de tous les temps Jennifer Hermoso) qualifient d’anxiogènes, tout en restant extraordinairement vagues sur les détails. La surdité absolue de la fédération jusqu’ici n’a sûrement rien à voir avec le fait que notre ami Jorge est aussi le directeur sportif national. Toujours est-il que la Roja joue avec une équipe B depuis des mois et les joueuses incriminées risquent entre 2 et 5 ans de suspension en équipe nationale, sans compter le fait que leur employeur les a d’ores et déjà priées de reconnaître leur erreur et de demander pardon pour être réintégrées. Tout un programme. On ne peut donc que vous signaler la présence de Lucy Bronze et Keira Walsh dans la sélection anglaise parmi les joueuses barcelonaises qui s’envoleront pour les antipodes cet été.

Qui pourra bien représenter la Patri (numéro 12, en bas à gauche) cet été ?

Une dernière interrogation demeure toutefois: le port du chasuble jaune est-il de rigueur lors d’une mutinerie ayant pour cadre un terrain de football ? Bref, on est arrivé à la croisée des chemins au rond-point en Espagne.

L’anecdote

Neil Diamond a paraît-il écrit la chanson « Sweet Caroline » en 1969 en l’honneur de la fille de John F. Kennedy. 54 ans plus tard, allez savoir pourquoi, cet air est devenu l’hymne plus ou moins officiel de toutes les victoires footballistiques de la galaxie. Pour les défaites, il y avait déjà « Wallis, unser Heimatland ».

Si le match avait été une citation de Zlatan Ibrahimovic*

« Je ne t’ai pas blessé exprès et tu le sais. Si tu m’accuses encore je te casse les deux jambes, et cette fois ce sera fait exprès. »

Cette sortie mythique s’adressait à Rafael van der Vaart à l’époque, mais elle résume également parfaitement l’extrême brutalité qui émane de la non moins géniale Alex Popp. L’attaquante allemande s’est d’abord illustrée en mettant tapis León au Mapi… euh… Mapi León… enfin bref, vous avez compris. Dans l’enchaînement, elle allait tranquillement marquer le 0-2 de la tête en dominant tout le monde dans les 16 mètres (37ème), puis finissait la partie en récoltant en quelque sorte ce qu’elle avait semé, c’est-à-dire un coude au visage et un protège tibia encastré dans l’os nasal. Un samedi après-midi normal pour la capitaine du Nationalelf.

*On en profite pour signaler à nos lecteurs les moins assidus que le brave Zlatan joue son dernier match s’assied sur le banc des remplaçants de l’AC Milan pour la dernière fois ce soir contre Vérone. On ne sait pas s’il a encore des contacts avec Super Mario, mais la deuxième division helvétique est certainement un challenge à la hauteur du personnage…

Et sinon dans les tribunes ?

Contrairement à la finale des ô combien décriés playoffs du championnat de Suisse entre le Servette FC Chênois Féminin et le FC Zurich Frauen (0-3) qui s’est jouée vendredi soir au Kybunpark de Saint-Gall devant quelques centaines de personnes selon la police, 3 pelés et 2 tondus selon Carton-Rouge et à guichets entrouverts selon les supporters des deux équipes, il y avait foule au Philips Stadium d’Eindhoven (33’147 spectateurs). Bon, à la décharge des absents genevois et zurichois, la concurrence du Complètement Sans Intérêt Objectif (CSIO) de Saint-Gall, fameux concours hippique se déroulant en même temps à portée de hennissement du stade, n’était pas loin d’être déloyale. Largement de quoi miser sur le mauvais cheval puisque même la RTS avait décidé d’interrompre  une fin de premier set au couteau entre Novak Djokovic et Alejandro Davidovich Fokina pour « donner la priorité à l’hippisme ». Oui, cette phrase a bel et bien été prononcée par Pascal Droz en direct, on vous laisse en mesurer la portée hallucinante.

Alberto Montessissa, préposé au comptage manuel des spectateurs vendredi, un travail de courte haleine.

Ne pas avoir couvert ce match nous laisse un seul regret. Le titre de l’article était là, tout fait, il suffisait de se baisser pour le ramasser:

Piubel la vie.

La minute Johan Djourou

La finale de WCL étant diffusée sur la RTS sans commentaires, on a bifurqué sur la chaîne YouTube de DAZN pour savourer les analyses de la consultante Jill Scott, ancienne joueuse de l’équipe d’Angleterre (161 sélections, vainqueur de l’Euro 2022*) et de Manchester City et par ailleurs propriétaire du café mancunien Boxx2Boxx Coffee, dans lequel elle enregistre également son podcast Jill Scott’s Coffee Club dont on vous conseille l’écoute en cette période d’examens de maturité qui débutent traditionnellement avec la compréhension orale.

Bref, tout cela est bien dommage car on a la ferme impression que Cédric Moret nous aurait donné plus d’une opportunité de remplir cette rubrique s’il avait pu s’appuyer sur la confiance acquise lors de sa prestation de vendredi soir au micro pour enchaîner moins de 24 heures plus tard.

*Jill est aussi connue pour avoir hurlé “fuck off you fucking prick” au visage d’une adversaire allemande en mondovision pendant la finale, au grand dam des docteurs ès lecture labiale du monde entier.

La rétrospective du prochain match

On repart pour un tour la saison prochaine ! Sauf qu’il y a un hic. Les qualifications pour la WCL 2023/2024 débuteront cet été, et plus précisément les 26 et 27 juillet prochains en ce qui concerne le tour préliminaire. Ces dates vous disent quelque chose ? Eh oui, c’est en pleine Coupe du monde. Bon, on avoue qu’on se moque plus ou moins sans raison (ce qui n’arrive d’ordinaire jamais sur ce site) puisqu’il ne doit pas y avoir une tonne d’internationales qualifiées pour la grand messe mondiale au sein du Lions Gibraltar FC Women, l’une des quatre équipes participant à cet amuse-bouche. Les trois autres étant les champions de Macédoine du Nord, d’Arménie et d’Azerbaïdjan, on est probablement à l’abri de tout conflit calendaire. Pour le reste du format, presque aussi scandaleux que le comportement des hooligans du Court Suzanne-Lenglen un jeudi soir, c’est par ici.

Ah tiens, au fait: regarder la WCL sur la chaîne YouTube de DAZN, ce ne sera bientôt plus gratuit (en tout cas pour 42 des 61 matches). La faute à 14 millions de nouveaux téléspectateurs par rapport à la saison passée qui ont donné une drôle d’idée à la chaîne: faire du bénéfice sur leur dos. Serait-ce encore un complot fomenté par le puissant Léman Bleu ? Qu’en pense Massimo Lorenzi ?

Les highlights gratuits (pour l’instant).

 

Crédits photographiques:

Mariona Caldentey : El Loko Foto/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mariona_Caldentey_20190421.jpg

Lucy Bronze: Steffen Prößdorf/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2019-05-18_Fu%C3%9Fball,_Frauen,_UEFA_Women%27s_Champions_League,_Olympique_Lyonnais_-_FC_Barcelona_StP_0154_LR10_by_Stepro.jpg

La Roja: EL Loko/CC0/Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Spain_womens_national_team_20181113.jpg

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

Commentaires Facebook

6 Commentaires

    • Hahaha ! Alors après vérification, Sion est aussi jumelée avec Philippi, en Virginie-Occidentale, mais c’est un peu moins drôle…

  1. Suite à l’allusion de la cuvette qu’est le Philips Stadium, je me permets de préciser que la « cuvette » est le stade de Feyenoord à Rotterdam et non Eindhoven. Stade De Kuip = Baignoire, cuvette….

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.