London wasn’t calling

But we went anyway

Pendant que notre collègue expat’ et désormais ex-pote (on a passé 72 heures ensemble dont 12 dans des trains, autant vous dire qu’on est contents d’être désormais séparés par une frontière cantonale) Florent Gonnet se chargeait de la partie sérieuse du reportage au cœur de Stamford Bridge à l’occasion du match du millénaire (au bas mot) entre le Chelsea FC Women et le FC Barcelona Femeni, votre serviteur a rouvert son fameux journal aussi intime qu’une demande en mariage sur l’écran géant du Madison Square Garden. 

Vendredi 21 avril, 9h26: Alors que notre TGV décélère en gare de Dijon, on arrive pour notre part péniblement au bout de la file menant au bar du train, où le franc suisse a mystérieusement exactement la même valeur que l’euro. Notre niveau extrêmement standard en mathématiques ne nous permet pas de savoir à quelle profondeur on se fait entuber exactement. Alors que nos prédécesseurs dans ladite file indienne vaudoise au vu de l’accent commandent leurs cafés et mélangent par inadvertance quelques cents américains à la petite monnaie qu’ils donnent à la barmaid, celle-ci nous apprend qu’elle s’en sort plutôt bien car d’habitude on essaie plutôt de lui refourguer de la monnaie de parc d’attractions. Vu le prix du café long (sic) et du cookie triple sucre avec supplément de glucose et un nuage de diabète, on aurait aimé avoir nous aussi ce genre de deniers sous la main.

13h01: Pendant que les ultras bâlois sont probablement toujours en train de fêter la mise à Nuhu niçoise quelque part sur la Côte d’Azur, il est temps pour nous (et apparemment pour l’épouse du portier parisien de West Ham Alphonse Areola, dont la silhouette élancée a suffisamment fait baver les douaniers pour faire monter le niveau des eaux de la Seine de deux bons mètres) de prendre place dans l’Eurostar Paris-Londres après avoir survécu au parcours non fléché de la Gare du Nord qui ferait passer le labyrinthe de la troisième tâche du Tournoi des Trois Sorciers pour un pique-nique en famille. Cette phrase étant longue comme le bras de Peter Crouch, on vous propose un petit break photographique pour reprendre votre souffle:

Une pièce de musée encore en activité (contrairement à Jordane Hauert qui vient lui de prendre sa retraite) en Gare de Lyon.

14h00: Tandis qu’on se rapproche au pas (334 km/h) de Calais, une terrible nouvelle nous parvient via une notification de The Athletic: Leah Williamson, capitaine emblématique des Lionesses, s’est déchiré les ligaments croisés et manquera la Coupe du monde cet été. Notre convoi dans son ensemble – sauf un passager danois qui n’en a clairement rien à foutre, le malotru – retient son souffle en signe de deuil national.

15h53: Arrivée à l’hôtel et découverte de la salle de bain et ses toilettes-lavabo en circuit fermé. On vous reparle de plomberie et d’écologie bientôt.

C’est un concept. On vous rassure, le bidet n’était pas connecté au lave-vaisselle.

20h00: La rédac’ vous conseille le 99 Comedy Club à Leicester Square en termes de stand-up. On y a appris que Portsmouth n’avait d’égale que Southampton en ce qui concerne les cités pourries du bord de mer, que seul un Danois pouvait porter une chemise à fleurs à manches courtes sur un col roulé gris, qu’un Brésilien pouvait s’appeler Igor pour autant que ses parents soient fans de telenovelas (et probablement jumeaux) et que les “trouples” n’étaient pas qu’un mythe urbain.

Notre dernière visite à Stamford Bridge. A l’époque, Yann Sommer, Alex Frei, Marco Streller et un jeune freluquet nommé Mohamed Salah affrontaient Petr Čech, Frank Lampard, Eden Hazard et Fernando Torres. On ne se souvient pas du nom du coach bâlois, un gars peu charismatique adepte du 3-5-2 sauf erreur. Et on n’avait pas encore appris que poster des codes barres sur les réseaux sociaux n’était pas l’idée du siècle (bon, vu la qualité de la photo on ne risquait pas grand chose).

Samedi 22 avril, 8h14: Chose promise, chose due: on reparle de plomberie et surtout d’écologie. Il faut exactement 7 minutes pour obtenir de l’eau chaude dans la douche de notre hôtel partenaire d’Extinction Rebellion. Et pourtant on était certain que les précipitations étaient une spécialité locale.

8h41: Notre acolyte nous demande s’il faut prendre des lunettes à soleil pour aller au stade. Des lunettes à quoi ? On est à Londres, mec.

“ – Excuse me sir, c’est quoi ce drôle de liquide dans votre verre, est-ce bien raisonnable (ou même légal) ? – Et si on parlait du design de vos assiettes d’abord ?”

9h02: Drôle d’ambiance au Shakespeare’s Head à un jet de bière de la station de métro de Holborn. Alors qu’on essaie courageusement d’avaler notre sausage muffin et notre cappuccino, les pintes coulent déjà à flots parmi les fans de Brentford s’échauffant le gosier pour le duel de l’après-midi face à Aston Villa. Vendre des assurances maladies et des greffes de foie doivent être des businesses florissants dans le coin. Bon et on dit qu’il faut soigner le mal par le mal. A hair of the dog that bit you.

Un stand de nourriture de foot féminin se doit d’être inclusif.

11h05: Visite obligatoire à la boutique officielle du Chelsea FC à notre arrivée à Stamford Bridge. On nous y annonce qu’une bonne partie des noms de l’équipe féminine ne sont pas disponibles pour le flocage et que… la lettre “R” non plus, en tout cas pas dans la police d’écriture de la Barclays Women’s Super League. Voilà qui peut rendre les choses problématiques au vu du contingent:

“Joli ce maillot floqué ‘KE__’ ! Une pièce _a_e !”

12h33: Fin officielle du match Chelsea-Barcelone après l’ouverture du score magistrale de la génie norvégienne Caroline Graham Hansen. Retenez bien ce nom, notez-le dans un calepin ou sur le dos de votre main, cette dame va faire très, très mal à la défense suisse cet été à la Coupe du monde.

A Stamford Bridge on est vacciné contre les désillusions.

Les 87 minutes restantes se sont résumées à une démonstration de force et de maîtrise de la phalange catalane, jusque dans la noblesse qui consiste à refuser de marquer si on ne peut pas rentrer dans le but avec le ballon. Bon, et Lucy ne s’est pas contentée de Bronze(r), elle a aussi fait quelques exploits défensifs en or massif. 0-1 score final donc.

Caroline entre Hansen. Rideau pour Chelsea.

On aurait adoré que machin devant nous et ses potes arrivent à l’heure et ne fassent pas lever une section entière du stade pour aller s’asseoir, nous faisant rater les deux tiers de l’action menant au game-winning goal par contre. Il faut d’ailleurs bien avouer que dans la plus pure tradition du sport américain, le jeu des chaises musicales dans les estrades s’est intensifié en deuxième mi-temps, au mépris des efforts des 22 actrices. Nos spectateurs souffrant de TDAH se rendraient-ils compte de quelque chose si Eve Périsset sous leurs yeux distraits ?

Un Barce-loner au milieu de 25’000 Londoniens.

14h35: Un besoin pressant nous prend dès la fin de la rencontre. On craint le pire: généralement il y a de quoi rater le dernier métro du jour suivant si on compte se frayer un chemin jusqu’au petit coin à ce moment-là. Eh bien pas du tout puisque l’assistance est composée d’exactement 62,7% de femmes selon le pifomètre officiel de la rédac’ qui carbure à l’extrait de doigt mouillé naturel et est donc d’une justesse aussi redoutable qu’une décision de René Fasel. En plus de faire baisser drastiquement le taux de beauferie au mile carré, pas trace d’une ébauche de file devant le lieu consacré aux ablutions masculines. La liste des raisons de retourner voir du foot masculin s’amenuise presque aussi vite que la crédibilité de Neuchâtel Xamax en tant qu’entité sportive.

Même les plus âgés d’entre nous n’ont rien à craindre pour leur vessie un soir de WCL à Stamford Bridge.

20h27: On n’arrête pas de croiser des gens, du sécu hilare (oui, ça existe) au caissier de Waitrose mancunien, qui aperçoivent le col de notre maillot de Chelsea et se paient notre tête. Un truc en rapport avec une onzième place au classement. Le Chelsea FC Women est tenant du titre de BWSL et actuellement troisième avec 4 points de retard sur United, 1 sur City et 2 matches en moins donc on ne voit pas vraiment de quoi ils peuvent bien vouloir parler.

22h17: Une notification lointaine s’échoue sur les côtes britanniques telle une bouteille numérique à la mer, via le wifi de l’hôtel. Le préposé aux titres de la RTS n’est clairement pas anglophone (ou alors c’est un sacré plaisantin).

Un jour il faudra peut-être changer le nom de ce stade ou celui de son équipe quand même. On espère qu’il y avait des Servettes en réserve.

Dimanche 23 avril, 8h08: C’est reparti pour l’Eurostar, c’est qu’on doit être au taf demain nous ! Notre camarade ironisait sur le nom de la Gare St. Pancras et ses potentielles difficultés de transit (vers l’Europe évidemment). On a voulu tester:

De Sir Choc-a-lot à Sir Choke-a-lot. En tout cas on peut vous dire que le doughnut a traversé la ville assez rapidement. Bon c’était vegan alors ça va.

13h52: On pensait que les affichages contradictoires (ou inexistants) sur les voies du RER en Gare du Nord seraient le dernier obstacle à franchir ce week-end. Que nenni ! Comme d’habitude en France, le train patiente tranquillement depuis des plombes, mais on attend la dernière minute pour annoncer la voie sur laquelle les dizaines de passagers agglutinés attendent de se précipiter tous en même temps dans le désordre et la mauvaise humeur les plus totales. Mais vous savez, on a toujours fait comme ça. Ben oui, pourquoi changer quelque chose dont la faillite est encore plus claire et irrémédiable que celle de Credit Suisse ou de l’honnêteté intellectuelle d’un chroniqueur de Fox News après tout ? Bref, on est prêt pour Paris 2024.

Image rare des secondes précédant et suivant l’annonce de la voie 11 pour le TGV Lyria Paris-Lausanne.

14h07: Le retour sonore à la réalité est assez brutal dès notre arrivée à notre siège (on a réservé en business par erreur et du coup on a pris un abonnement cervelas maigres chez Lidl pour les trois prochaines semaines pour compenser): « Ze barbu-fett iz lokétid in car fortine. »

Sveindís Jónsdóttir-un-goal. Ça va rentrer à votre avis ?

15h30: Début de la deuxième demi-finale de Women’s Champions League entre Wolfsburg et Arsenal. Petite pensée à Brian Wakker puisque la qualité du stream de DAZN depuis le train n’est pas loin de celle de la diffusion d’un match de hockey féminin au championnat du monde. On arrive tout de même à entrevoir les quatre réussites de la partie (2-2). L’attraction de ce match est clairement Tommy Stroot, le coach des Allemandes. On est pour le moins surpris qu’il ne soit pas accompagné d’un petit chien blanc et d’un barbu fumant la pipe.

Ne manquez pas l’album “On a marché sur Arsenal” et son tome 2 “Vol 714 pour Eindhoven”.

18h10: Arrivée à Lausanne. On a réalisé vers la 70ème minute de notre stream en mode salle de l’esprit et du temps que le match était terminé depuis belle lurette dans le monde réel. A noter qu’on a arrêté de nous avertir au haut-parleur de la présence potentielle de pickpockets dans le train depuis qu’on est de retour sur sol helvétique. Ce genre de chose n’existe pas dans notre pays, c’est bien connu.

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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