Unser Nati : à déguster sans modération

Notre équipe nationale a été véritablement magnifique au cours de la première semaine olympique. Quitte à se répéter, c’est la plus forte de l’histoire, avec en particulier un seul but encaissé contre les Suédois, Tchèques et Lettons, rien que ça. Mais attachez vos ceintures et réorganisez vos meeting et agendas pour ne pas manquer une minute de Suisse – Lettonie mardi à 18h, car c’est demain que le «vrai» tournoi commence et tout va aller très vite.

Les Suisses vont mettre le ton

C’est avec une immense confiance que l’on peut aborder ce huitième de finale contre la Lettonie. En effet, déjà lors de la première confrontation en ouverture du tournoi, la domination avait été complète, même si stérile pendant 59’52 minutes. Or, la Suisse a encore progressé durant la compétition, et la victoire historique contre la Tchéquie  –  plus encore par la manière que part le résultat – va encore donner des ailes à la bande à Simpson. Décidément, une Lettonie, même solide comme jamais, aura maintenant beaucoup de peine à freiner notre Nati en pleine lancée. 
Un rapide retour en arrière nous permet de mesurer l’immense progression faite par notre équipe nationale en 16 ans : nous sommes à des années-lumière de Nagano 1998 (la Suisse ne s’est même pas qualifiée) et de Salt Lake City 2002 (élimination au premier tour suite à une défaite contre l’Ukraine et un match nul contre la France). En 2006 à Turin, on se souvient bien des victoires historiques remportées contre la Tchéquie et le Canada en se repliant défensivement devant un Gerber au sommet de son art, mais on oublie que nos compatriotes avaient aussi pris un sec 0-5 contre la Finlande et réalisé deux matchs nuls décevants contre l’Allemagne et l’Italie, tout cela pour une défaite logique 2-6 en quarts contre la Suède, future championne olympique.
Et en 2010 à Vancouver où pour la première fois la formule applicable à Sotchi a été utilisée, défaite serrée contre les USA, point magnifique remporté contre le Canada, mais point perdu aussi contre la Norvège au premier tour. En huitième ce n’était pas la Lettonie mais la Biélorussie qui se trouvait sur le chemin des Helvètes, obstacle passé difficilement aux tirs au but (réussites de Lemm et Déruns, Dieu que ça paraît loin). En quarts, duel superbe mais perdant (0-2, deux goals au 3ème tiers de Zach Parise, un en supériorité numérique et l’autre dans la cage vide) contre les futurs médaillés d’argent, les USA. Voilà où nous en sommes.
Rien n’est fait pour ce huitième, et l’histoire nous prouve que parfois les petits arrivent à battre les grands (cf Suède – Biélorussie à Salt Lake City), mais FINI l’époque où c’est avec la peur au ventre que nous affrontions les équipes moins fortes.

Hiller ou Berra ?

La Suisse n’a marqué que deux buts dans le tournoi ? Il ne faut pas s’en alarmer, les stars du Canada n’ont réussi qu’à en mettre 3 à la Norvège et 2 à la Finlande, et les Russes 0 aux Slovaques. Pas facile de marquer contre les équipes regroupées en défense. Et il suffit d’en marquer un de plus que l’adversaire pour gagner. Encore une fois, trop de commentaires selon le résultat dans les médias romands, et non selon la performance.
En réalité, Jonas Hiller est le pilier de l’équipe de Suisse et le gardien de la première semaine olympique avec ses 120 minutes d’invincibilité contre la Lettonie et la Tchéquie. Il fait l’objet de l’admiration de toute la presse mondiale. En effet, plusieurs articles ont paru en Amérique du Nord en citant Hiller comme la raison pour laquelle la Suisse est un outsider dangereux pour une médaille !
Il n’y a bien sûr que la RTS pour trouver pendant son match contre la Tchéquie qu’il était «nerveux» et «peu à son affaire». Je ne comprendrai décidément jamais l’acharnement continuel ces dernières années de la RTS contre nos joueurs suisses qui évoluent en NHL (cette année c’est Brunner qui en prend aussi pour son grade), est-ce que c’est parce qu’ils piquent des places aux Romands, ou en raison d’un préjugé négatif contre l’aspect business de la NHL ou par simple méconnaissance ? Je ne peux qu’encourager tout fan de hockey suisse à regarder plus de matchs de NHL (je suis en particulier tous les matchs de Josi avec Nashville) : quel professionnalisme, quel niveau et quelle intensité lors des play-offs. Il faut taper sur le clou encore une fois : c’est grâce aux immenses progrès réalisés en NHL (Hiller en tête) que la Suisse est actuellement la plus forte de tous les temps. D’ailleurs, le fait que la Suisse ait la meilleure défense du tournoi n’est pas étranger au fait que Hiller, Berra, Josi, Streit, Diaz et Weber sont tous titulaires en NHL. Sans oublier Niederreiter (certes depuis peu), Moser et Brunner. Ça fait 9 titulaires, contre 2 (Streit, Hiller) en 2010.
Simpson pourrait calculer en titularisant Berra en huitième pour disposer le lendemain d’un Hiller reposé contre le Canada. Cependant, l’alternance avait sans doute été une erreur lors des CM 2013 et la non-titularisation du portier en forme (en l’occurrence Berra, auteur d’un shutout en demi-finale contre les USA) a peut-être coûté la médaille d’or aux Suisses lors de la finale contre la Suède, souvenez-vous en.
Je pense sincèrement que Jonas Hiller est notre cheval, et que tant qu’il n’a pas de défaillance, c’est sur lui qu’il faut miser, et ce jusqu’au bout. Avec un peu de chance, il ne sera pas trop sollicité contre la Lettonie, donc pas trop fatigué pour le «Back-to-Back» et, surtout, il ne perdra ainsi pas le rythme (et sa baraka – 5 poteaux jusqu’à maintenant) avant LE choc contre le Canada. Et en cas de défaite surprise contre les Lettons, au moins il n’y aurait pas de regrets.

Price gâcheur de métier

Pour la suite du tournoi, l’issue du match Canada – Finlande a été déterminante pour notre équipe nationale. En effet, si Carey Price n’avait pas fait un bel arrêt contre Salo en prolongations, la Suisse aurait eu la Finlande comme adversaire en quarts de finale. Une équipe du même calibre que la Suède contre laquelle un exploit était tout à fait envisageable. Malheureusement, le but du décidément très offensif défenseur Doughty donnant la victoire (mille fois méritée) au Canada en prolongations a scellé le destin de notre Nati puisque c’est désormais le Goliath canadien qu’il faudra terrasser pour espérer une médaille.
Vu la cuvée exceptionnelle du Canada 2014 qui n’a pas encore mis le turbo, il faudra un miracle pour battre le tenant du titre dans un match éliminatoire. «Do you believe in Miracles ?» pour citer Al Michaels, commentateur du légendaire match de Lake Placid 1980.
Le grand vainqueur de la journée d’hier, c’est… la Russie, malgré sa contre-performance contre la Slovaquie. En effet, une victoire en prolongations du Canada était le seul résultat possible qui permette à la nation hôte d’éviter les deux mastodontes nord-américains, les USA, équipe la plus impressionnante du premier tour, et leur Némésis le Canada, avant le dimanche 23 février. Maintenant, le chemin jusqu’à la finale passe par la Scandinavie (au sens large), les Russes devant affronter la Norvège, puis la Finlande et la Suède pour arriver en finale. Et comme tous les champions olympiques passés de l’ère moderne la Tchéquie (1998),  le Canada (2002), la Suède (2006) et le Canada (2010), ils n’ont pas terminé premier de leur groupe et auront sans doute l’occasion de reprendre confiance lors de leur parcours scandinave, affrontant à chaque tour un adversaire un peu plus fort. Encore que je ne suis pas sûr qu’ils aient les nerfs et une défense suffisamment solides pour déjouer les fins stratèges finlandais et suédois. Et on ne peut que se réjouir d’une finale qui sera de toute vraisemblance et pour la première fois de l’ère NHL une opposition de style entre une formation de l’Amérique du Nord et une équipe européenne.  

Le paradoxe de la grande glace

Deux éléments plaident cependant en faveur d’un exploit possible de la Suisse lors de la confrontation espérée contre le Canada.
Premièrement, historiquement, avec leur jeu pur et offensif (au contraire du style défensif et calculateur de la Suède), l’équipe à la feuille d’érable convient très bien aux Helvètes, comme on l’a évoqué ci-dessus.
Secondement, il s’avère que paradoxalement, la grande glace européenne est favorable… au jeu défensif. En effet, si la patinoire est plus large, les zones offensives sont plus petites (ligne bleue plus proche du but qu’une patinoire NHL). Il est ainsi plus facile de défendre dans sa propre zone, de boucher le slot (l’espace juste devant le gardien), de se regrouper autour de son gardien et de minimiser les occasions de but, comme le coach Babcock le mettait en évidence lui-même hier. On arrive à des matchs style Canada – Norvège ou Canada – Finlande, où Crosby et sa bande ont maîtrisé de manière quasi-constante la possession du puck (souvent on avait l’impression que c’était un power-play à 5 contre 5), en se créant en définitive relativement peu d’occasions de but. L’ailier de Colorado Matt Duchene remarquait également que le Big Ice favorisait le jeu défensif en réduisant drastiquement le nombre de buts marqués et que, dès lors, il était exclu qu’un jour la NHL agrandisse la surface de jeu. 

La solution des Suédois à ce problème, c’est de jouer également très défensivement, et d’attendre les moments propices pour porter le surnombre et créer une occasion. Les Canadiens n’ont pas cette mentalité. Eux c’est l’attaque, un point c’est tout. Le calcul, ils ne connaissent pas. C’est pour ça qu’on les aime. La recette de Mike Babcock, pour éviter de tourner en rond stérilement dans la zone offensive, c’est «mettre le travail avant le talent et travailler, travailler».
A notre Nati, devant notre Hiller national, de les faire travailler très très dur.

A déguster sans modération

«Du bon hockey quand même» ; c’est tout ce que Jean-François Rossé a trouvé à dire à la pause du fantastique Finlande – Canada. Un peu à l’image d’un beauf en vacances à Rome qui, sous le plafond de la chapelle Sixtine, dirait «c’est pas mal… bon Marcel, on va se boire une bière ?». Non Jean-François, le niveau des grandes équipes est phénoménal, peu importe le résultat des matchs, le nombre de buts marqués ou l’équipe qu’on supporte, une autre galaxie que par exemple un championnat du monde ou la fameuse Coupe Spengler sans cesse encensée. Et le tournoi commence en réalité demain, même si le duel Russie – USA de samedi ne sera jamais oublié avec les exploits de «T.J. Sotchi» et restera le plus grand match non-éliminatoire que j’ai vu.
Maintenant, pour nos Helvètes comme pour les autres, tout va aller très vite. Alors dégustez chaque seconde de ce millésime exceptionnel de la Nati, sans se focaliser sur le résultat et sans peur. Appréciez la classe mondiale de Roman Josi, qui une fois sa carrière terminée sera – j’en suis persuadé – considéré comme le meilleur joueur suisse de l’histoire ; l’aventure étincelante de Jonas Hiller, dans la forme de sa vie ; l’incroyable présence de la ligne Moser – Pluess – Niederreiter, capable de semer le trouble et créer le danger contre n’importe quelle défense au monde ; enfin le team Geist et la fantastique discipline défensive. La Suisse sera observée pour une fois par le monde entier du hockey.
Et pour reprendre la formule du head coach canadien : «It’s time to put work before skill, and work, work». Tout reste possible. Hop Suisse !
Photos Pascal Muller, copyright EQ Images

Écrit par Andy Tschander

Commentaires Facebook

17 Commentaires

  1. Même si battre la Lettonie reste à faire, une victoire contre le Canada en quart serait assurément LE plus grand exploit du hockey suisse. On a hâte d’y être…

  2. Super article!

    Pour suivre également les matches de NHL je suis tout autant impressionné par Roman Josi que l’auteur. Ce joueur a un immense talent, Nashville a réussi un beau coup en ne dépensant que 28mio sur 7 ans…

  3. En tous les cas, merci à Andy et à toute l’équipe de carton rouge pour ces superbes articles, ça fait du bien de lire ça surtout en comparaison des conneries de la RTS et des torchons du 20 minutes et du matin. C’est pas le même registre, mais surtout pas le même talent !

  4. Mouahaha… La meilleure équipe de Suisse de tous les temps? Bin tous dans l’avion et retour maison pour apprendre la modestie.

    Belle ironie du sort quand même que de finir derrière la Slovénie…

  5. @Logoz et Max

    Mais non, vous avez sûrement très mal lu. C’est l’incompétente et arrogante RTS qui a dû dire ça. Pas Carton Rouge (et blanc) qui eux sont des vrais connaisseurs, les meilleurs de tous les temps de l’Univers…

  6. Eh les frustrés!

    Oui, c’était la meilleure équipe de Suisse de tous les temps, et ils ont perdu en 1/8e.

    Oui c’est une déception.

    Mais non ca n’est pas un scandale. Le hockey a toujours été serré, les matchs de la Suisse ont toujours été serrés, ca peut donc toujours basculer sur un match, c’est le sport et c’est ainsi.

    Souhaitons au hockey suisse de continuer sa progression et d’être encore meilleur dans 4 ans.

    Après, les théories de la RTS et des autres journalistes abrutis sur le fait que notre 2e place aux mondiaux faisait de nous la 2e équipe du monde, ou quand Bastardoz ose sous-entendre que sans nos joueurs de NHL on aurait eu le « spirit » pour aller plus loin, je n’ai même pas envie d’y répondre.

    C’est surtout un beau pied de nez pour tous ceux, médias en tête, qui ont chié sur Krueger et glorifié à l’excès Simpson. Simpson qui a foiré 2 tournois mondiaux sur 3 et qui nous fait perdre en 1/8e des JO avec des 1-0, 0-1, 1-0, 1-3, soit des scores encore plus défensifs que Krueger! Sacré ironie!

    Bref, grosse déception, on salivait déjà de jouer contre la Canada. Restons malgré tout fier de notre équipe d’avenir, on va pas se la jouer à la française en chiant sur ce qu’on a adoré.

  7. Finalement, il n’avait pas si tort que ça Bastardoz en critiquant Brunner…
    Il n’aura pas été top-top dans ce tournoi.
    Au moins cette défaite aura montré que l’on avait tendance à sous-estimer la Lettonie…
    Putain, les Slovènes devant nous…
    J’ai tellement mal au cul que je n’arrive plus à m’assoir

  8. On fait souvent référence à notre deuxième place aux championnats du monde, mais le tournoi était beaucoup moins relevé que le tournoi olympique… C’est sûr, nos joueurs de la NHL n’ont pas fait la différence, mais peut-être qu’on a vu notre vraie place dans la hiérarchie..

  9. « Tout va aller très vite »; en effet, un p’tit tour et la meilleure équipe suisse de tous les temps s’en va en scellant notre plus grande désillusion de tous les temps, puisque tout est relatif. Comme quoi, entre le papier et la réalité des faits, il y a un écart qu’on aura douloureusement pu sentir durant ce -court- tournoi.

    D’ailleurs vous me permettrez de noter qu’entre le désormais mythique « objectif maintien » des derniers mondiaux et ce non moins culte (plus au niveau des circonstances que du qualificatif lui-même, on s’entend) « meilleure équipe suisse de tous les temps » annoncé à la veille d’une défaite tristement historique contre de rugueux mais limités Lettons, CR aura largement illustré toute la difficulté du métier de journaliste, dans lequel on risque vite de perdre toute crédibilité dès le moment où on ose se mouiller. De quoi relativiser quelque peu les « performances » de vos confrères de la RTS, alias « les guignols »?

    Une chose est sûre, si ces deux termes avaient été lancés par notre chaîne romande préférée, on en rigolerait encore longtemps ici et les commentateurs à l’origine de tout cela auraient été nominés d’office pour le prochain Pigeon d’Or. Et qu’on ne vienne pas me prétendre le contraire, je lis ce site depuis suffisamment longtemps pour avoir la certitude que ce serait le cas.

    Enfin bref, pour en revenir au tournoi, s’il semble effectivement que nos bases arrières n’aient pas grand chose à envier aux autres nations, nous manquons cruellement de chasseurs de but et ce ne sont pas ces statistiques peu enviables de 124 tirs cadrés pour 3 goals (!) qui me feront mentir. Voilà donc le chantier qui nous sépare encore de la solidité des meilleurs, bien plus polyvalents à l’heure actuelle.

    Maintenant je ne vais pas me lancer dans la traditionnelle chasse aux sorcières si chère à la RTS, pour moi on juge une équipe en équipe, qu’il serait trop simple de réduire à une vulgaire somme d’individualités. On a essayé une stratégie, on a (trop?) privilégié le passage par les ailes, ça n’a pas fonctionné, soit par manque de lucidité soit parce qu’on a buté sur une défense adverse (ou surtout un gardien en l’occurrence) particulièrement à son affaire…

    Au final, certes la déception est amère, mais il s’agit maintenant de continuer sur les bases encourageantes de ces dernières années ainsi que de poursuivre notre progression en apprenant de cet échec et en revoyant notre approche pour la suite, en fonction des conséquences que Simpson et sa bande en tireront. Je sais ça sonne un peu langue de bois dit comme ça, mais ça sert à rien de se morfondre sur cet échec, c’est en allant immédiatement de l’avant qu’on reviendra meilleur la prochaine fois, avec qui plus est des jeunes qui auront « pris de la bouteille » comme on dit ! « Ever tried. Ever failed. Try again. Fail again. Fail better. », comme l’a brillamment affiché notre Suisse de l’année le mois passé 😉

    Alors merci quand même pour ces bons moments et HOP SUISSE!!

Répondre à Skull Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.