Onze Mecque et un ballon

Au rayon des dictatures dans lesquelles la population a plus de probabilité de toucher la balle dans un peloton d’exécution que sur la pelouse, on trouve la riante Arabie Saoudite, avant-dernière à l’indice FROTI.

Pourquoi j’ai choisi de présenter cette équipe ?

Parce que tchador faire des jeux de mots faciles.

Comment se sont-ils qualifiés ?

Il faut leur laisser que c’est un peu un chemin de croix croissant de se qualifier en Asie. Minimum 18 matches en évitant le premier tour et les barrages, le tout contre des équipes comme la Palestine, le Timor Oriental, la Malaisie ou la Thaïlande… A la fin ils finissent deuxième derrière le Japon et laissent à l’Australie le plaisir d’enquiller quatre matches de plus, contre la Syrie puis le Honduras.

Quelles sont les chances de les voir soulever le trophée ?

En temps normal je t’aurais dit que les joueurs étaient surtout motivés par la qualification. Quand tu vis dans une dictature, c’est souvent la seule façon de déposer l’asile en catastrophe à l’étranger au détour d’un tournoi international, mais là pas de chance : déposer l’asile en Russie, c’est pas très glamour…

Alors je suis obligé de prendre au sérieux l’hypothèse qu’ils soient vraiment venus pour gagner.

Présente-nous la star de l’équipe.

Mohamad Al-Sahlawi qui mine de rien a terminé co-meilleur buteur des qualifications avec 16 goals, autant donc que Lewandovski et un de plus que CR7… Ma grand-mère aussi peut en planter six en qualif contre le  Timor Oriental, mais bon, un but c’est un but.

On parle du foot saoudien, mais il ressemble à quoi le championnat d’Arabie Saoudite ?

Le دوري المحترفين السعودي est créé en 1975. Il se joue à 14 équipes. Le FC Bâle local est Al-Hilal, le club le plus titré d’Arabie Saoudite, vainqueur de 53 trophées dont 13 championnats d’Arabie Saoudite et 2 ligues des champions de l’AFC. Ce palmarès a valu au club d’être désigné « meilleur club asiatique du XXe siècle », loin devant son principal concurrent le club nippon Yokohama Marinos.

Il y a quelques mois, des femmes ont pour la première fois pu assister à un match de foot au stade. C’est pas encore les ultras mexicaines, mais chaque chose en son temps.

Au fait, c’est qui la personnalité saoudienne la plus célèbre dans le monde ?

La personne la plus connue est le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud. Le gars, il a quand même un pays à son nom. C’est comme si la Suisse s’appelait la Confédération Bersetique.

La personne la moins connue est le Sous-secrétaire d’État chargé de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Fais-nous rêver avec l’Arabie Saoudite, mais dans un autre sport…

Si tu remplaces les cailloux par des boules et les femmes adultères par un cochonnet, les gars doivent être des bêtes en pétanque.

Au fait ça mange et ça boit quoi les Saoudiens ?

Chameau, pois chiche et dattes. Je ne saurais trop vous conseiller d’écouter ce sketch de Philippe Gelück à ce sujet, c’est à se pisser dessus et ça dure deux minutes.

Une coutume surprenante de ce pays ?

Drôle de coutume que celle de se comporter exactement comme si tu étais encore au Moyen-Âge. En Russie les organisateurs ne sont même pas certains d’avoir le droit de passer de la musique au stade s’ils marquent. On peut dire qu’ils ne sont pas très pro-fête en leur pays.

Pour vous dire à quel point ils ne sont pas à la page, neuf ans après la votation, ils construisent toujours des minarets.

Ton pronostic ?

En 2002, je suis allé aux Emirats Arabes Unis suivre le camp d’entraînement du LS, dans l’Emirat de Sharjah. Je tombe en plein milieu de la coupe du Golfe qui se joue à Riyad en Arabie Saoudite, et du coup il y a du foot plein la télé : Oman-Emirats, Qatar-Arabie, Bahreïn-Koweit… Je me tape la compétition depuis ma chambre d’hôtel et je vois l’Arabie Saoudite l’emporter en jouant franchement bien.

Quand je reviens en Suisse, je cause avec des potes du Mondial en Corée et au Japon qui va débuter dans quelques semaines, et je leur dis à quel point j’ai été impressionné par cette équipe saoudienne. Ils se foutent de ma gueule, mais on va voir ce qu’on va voir…

Le 1er juin 2002, pour leur premier match, l’Allemagne atomise l’Arabie Saoudite 8 à 0. Depuis, je ne fais plus de pronostics concernant ce pays, vous comprendrez.