20 ans après, un nouveau tournoi magic ?

Cinq participations en phase finale de Coupe du Monde dont une légendaire troisième place en 1998 après avoir fait trembler la France d’Aimé Jaquet, la Croatie des stars espagnoles et italiennes peut-elle imprimer de nouvelles pages glorieuses de sa jeune histoire ? J’aimerais y croire tant la génération Suker m’avait enthousiasmé. L’équipe au damier a tout pour y parvenir mais les Vatreni auront-ils la force mentale de leurs illustres aînés ?

Pourquoi j’ai choisi la Croatie ?

D’abord parce que j’aime les artistes et que, de tous temps, les footballeurs de ce coin du monde l’ont été. Ensuite parce qu’il me parait impensable qu’avec la qualité de l’effectif, on n’assiste pas à quelques splendides performances. Et puis, pour tout dire, j’ai un faible pour ce pays sublime à l’accueil délicieux et aux paysages somptueux. Enfin, et c’est là la principale raison, parce que c’est mon problème et pas le vôtre.

Comment se sont-ils qualifiés ?

Avec 10 matches et 20 points (6 victoires, deux nuls et deux défaites contre l’Islande et la Turquie), 15 buts marqués et 4 encaissés, la Croatie est seconde de son groupe et, donc, barragiste face à la Grèce. Un 4-1 sans appel à la maison et un 0-0 à l’extérieur l’envoie en Russie.

Quelles sont les chances de les voir soulever le trophée ?

Une première serait déjà d’être sur place ou devant son téléviseur au moment de sa remise. Pour le reste, le groupe D est coton de chez pas simple : Argentine, Islande (qui les a battus en qualifs), Nigeria, c’est du lourd ! La Croatie jouera son premier match le 16 juin à Kaliningrad contre les Super Eagles. Une victoire leur permettrait d’envisager une partie plus détendue face à l’Argentine et, dès lors… sachant que les Croates marchent souvent au moral, une dernière partie contre l’Islande contre laquelle un nouvel accident paraitrait bien improbable malgré des « hou » surpuissants et la moitié de l’île dans les gradins. Ensuite- c’est du Nostradamus pur beurre – s’ils sont deuxièmes, un huitième contre la France, sans Thuram. Après tout est ouvert. Je vais peut-être me planter façon Grand Veneur mais je les mets vraiment dans les outsiders sérieux au moins jusqu’en quart.

Présente-nous la star de l’équipe

À vrai dire, je ne connais pas bien les journalistes de l’Equipe et je doute qu’il y ait des stars parmi eux mais je peux peut-être disserter sur les étoiles croates qui, en cosmographie, ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles qu’on trouve par chez nous à condition, qualité première pour un footballeur, de lever la tête. Ceci dit, des stars, y en a : Modric, Rakitic, Manzukic, Subasic, Perisic. Kalinic. Une équipe nationale dont les membres font le bonheur du Real, du Barça, de la Juve, de Monaco, de l’Inter ou de l’AC Milan – j’en passe et des tout aussi bons – devrait, pour peu que Zlatko Dalic, le sélectionneur depuis octobre 2017, réussisse l’amalgame avec la créativité de son illustre aîné Blazevic, nous offrir un régal de football.

On parle du foot croate mais à quoi il ressemble, le championnat croate ?

Comme le championnat suisse, il ne ressemble à rien : 10 équipes, trente-six matches soit quatre tours. Pour progresser, y a mieux. Quand, chaque dimanche, tu joues contre le même adversaire ou presque, qu’à force, t’es le beau-frère de l’ailier gauche, le cousin du n° 6 ou le petit copain de la masseuse par interim du neveu du gardien d’en face, t’as qu’une envie : allez faire voir ton talent ailleurs. À preuve le nombre de joueurs magnifiques qui évoluent à l’étranger sélectionnés avec l’équipe nationale. Comme en Suisse, quoi. Sauf que eux, les Croates, ils ont des joueurs magnifiques.

Le championnat se terminera le 19 mai prochain. Aujourd’hui, c’est le Dinamo (pratique pour l’éclairage du stade) qui est en tête avec 6 points d’avance sur Rijeka, tenant du titre et 7 sur Hadjuk à quatre journées de la fin.

Au fait, c’est qui la personnalité croate la plus célèbre dans le monde ?

Sans qu’il s’agisse là d’un jugement de valeur, il faut bien avouer que dans le hit parade des gloires locales niche une foultitude de sportifs : la famille Kostelic, Ivica et Janica, skieurs émérites – je précise pour les ignares qui détestent le ski ; Goran Ivanisevic, vainqueur de Wimbledon en 2001 ; Blanka Vlasic, sauteuse (en hauteur, bande de vicieux) et aussi – là, j’avoue que j’en suis tombé accu – Nicolas Tesla et, not last but even not least, Marco Polo auquel certaines sources historiques attribuent une origine sur l’île de Korkula.

Fais-nous rêver avec la Croatie mais dans un autre sport

Outre le ski, ces dernières années, le basket, bien sûr. La Croatie est l’un des meilleurs représentants européens dans ce sport exigeant et l’équipe nationale s’est illustrée à plusieurs reprises dans des compétitions majeures : médaille d’argent aux JO de Barcelone, battue par la Dream Team américaine de légende, médaille de bronze aux européens de 1993 et au mondial de 1994. Outre ces performances, Dražen Petrović et Mirko Novosel sont inscrits au Naismith Memorial Basketball Hall of Fame (Panthéon du basket-ball) et au Temple de la renommée FIBA. La Croatie, du moins dans ses premières années après l’indépendance, a considéré que la prestation sportive en termes d’équipe nationale était l’affirmation de la nation. Admettons, pourtant, avec la réserve et le bon goût qui nous caractérisent, que la recherche de médailles est, et reste, une basse quête.

Au fait, ça mange et ça boit quoi, les Croates ?

Dans toute la Croatie, vous dégusterez du Prsut (du jambon fumé) ; du Paski (contrairement à ce qui est dit plus haut) sir, un fromage de brebis à pâte dure servi en entrée (en Croatie, on sert le fromage en entrée) ; du risotto à l’encre de seiche ; des sarmas, feuilles de chou déjà farcies (au contraire de certains quotidiens romands où il faut se la farcir soi-même, la feuille de chou) ; du brudet (sorte de bouillabaissic croate). Et comme la Croatie est un pays méditerranéen mais pas que, on y décline le poulpe, le calamar, la seiche à l’envi, vous savez, ces céphalopodes gommeux à la consistance de pirelli pluie qui vous font rebondir le maxillaire inférieur au rythme délicat d’une mastication appliquée. Là-bas – ça a l’air loin mais pas du tout – on boit du vin local absolument somptueux, qu’il soit blanc ou rouge. Il faut savoir que la viticulture, dans cette région, remonte largement plus loin que les ancêtres de Noé. Outre les nectars vineux, le Croate boit de la bière, excellente et bon marché. Pour la rédaction de Carton-Rouge, que je sais avide de mousses en tous genres et pour nos chers lecteurs qui désireraient migrer temporairement dans ce magnifique pays, je me permets, avec le secours bien involontaire du site « En Croatie.com », de vous glisser, en catiminic, un bref lexic indispensable à la satisfaction d’un vice houblonnesque : Bière s’y dit PIVO – comme Bernard mais sans les livres – et, l’incontournable : « une grande bière pression » – j’ai, à dessein, négligé les quantités enfantines – se dit : Pola litre točenog piva (pola litrè totchènog piva). Ravi que je suis de contribuer à votre plaisir local, je me permets de rappeler que le taux d’alcoolémie est, comme à Pully, de 0,5 g/L.

Une coutume surprenante de ce pays ?

Pour une approche exhaustive et sérieuse des traditions croates, je ne saurais que trop vous recommander, vous qui avez le clic facile et l’index introspectif, d’aller sur le site croatie.eu, rubrique « la société et l’art de vivre ». Il existe 13 éléments de la tradition croate inscrits par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Allez-y, ça en vaut la peine. Mais, pour ma part, j’ai choisi de vous décrire un jeu, peu répandu encore mais qui tend à devenir viral. Il s’agit, pour le ou les participants – c’est plus drôle à plusieurs, de s’asseoir face à une étendue aqueuse dont la géographie vous laisse le choix et de rester, malgré la présence sournoise d’insectes tourbillonnants genre moustiques ou diptères aménalogastènes (mouche bleue, par exemple), de rester donc la bouche ouverte le plus longtemps possible. À ce jour, le record est de 48 heures 27’ et 47’’. Garder la bouche ainsi accessible à toute sortes d’intrusions parfois dérangeantes (guêpes, frelons, araignées, etc…) a, pour effet induit, un affaissement des dents du bas qui, ainsi, s’ancrent optimalement dans la gencive. Le jeu se nomme « le croc assis ». Gardez vos commentaires, je les mesure déjà ! Comme disait Cyrano : je me les lance moi-même avec assez de verve et ne permets pas qu’un autre me les serve.

Ton pronostic ?

Une victoire contre le Nigéria, un nul contre l’Argentine et une victoire contre l’Islande. 7 points et la première place du groupe avec un huitième contre le Pérou ou le Danemark. Après, joker. Franchement, voilà une équipe que je vois nous offrir de belles satisfactions. Alors otići u Hrvatsku i sreću !