Un taser pour l’arbitre

T'as où le respect ?

*Dans cet article, pour faciliter la lecture, le masculin générique est utilisé pour désigner les deux sexes. Quoiqu’il en soit, vous allez très vite comprendre qu’en fait, l’un des deux sexes prend toute la lumière, dans ce sujet épineux.

Tu te souviens des types pris en flagrant délit de commentaires valesco-valaisan un soir d’avril, à Martigny, lors de la très fameuse Plus Grande Raclette of the World ? Tu te souviens qu’une fois encore, on s’était dit que la RTS avait dû faire exprès de choisir les pires spécimens pour symboliser ce « si beau Valais qui rayonne si loin dans le monde entchié » ?

Hé ben t’as rien vu en fait. Parce que les pires, c’était pas forcément ceux-ci. Que nenni. Ceux-ci, c’est des gentils. Des vrais gentils. De ceux qui, avinés ou pas, sont capables de dire du mal des (culs de) Vaudois ou des Frouzes avec bienveillance et le sourire. De ceux à qui, même filmés, revus au ralenti, discours décortiqué et passé au crible de la loi, on leur donne le bon dieu con-fessé et un bon raclette à faire valoir au stand Provins de la prochaine Foire du Valais. Et ils sont béatement heureux.

Les pires, les vrais pires, dans ce Vieux Pays si « authentique », on les trouve sur et aux abords des terrains de ligues inférieures, voire très inférieures, genre 3e ligue ou matchs de juniors. Ils jouent, ils boivent, ils soutiennent, ils boivent, ils le font savoir. Ils sont atteint de ce syndrome particulier que certains n’hésitent pas à nommer « tourette du footballeur », passant l’ensemble du match à insulter tout le monde – et en particulier l’abritre (ce con qu’a rien compris à l’esprit du fote) – à voix très haute, lorsqu’ils arrivent à se con-tenir, à agresser physiquement, le cas contraire.

« Connard, y’avait hors-jeu. T’as de la merde dans les yeux, bordel à cul ! »

En d’autres termes, des abrutis. Des arriérés, des crétins, des imbéciles. Des cerveaux en veille prolongée, des as de la réflexion tardive. Les maîtres du néant intellectuel, avec un grand L. Le genre de bonhomme qui se sent flatté quand tu lui dis que c’est pour lui que les Power Rangers disent leur couleur. Des glands. Loin du chêne. Mais glands malgré tout.

« Pénalty ! Mais y’a pénalty. Tu vas siffler, trouduc ! »

Pourquoi je vous parle de ces prix Nobel ? Simple. L’Association Valaisannne de Football (AVF) a annoncé, au mois de mai que, dès la saison prochaine, les arbitres de ligues inférieures seront équipés de caméra (première mesure), posée sur la poitrine, pour capter à la volée les flambées d’émotions, les feux d’artifice verbaux et autres gesticulations outrancières de joueurs surexcités, d’entraîneurs en roue libre et parents en pleine crise de nerfs.

« Siffle, bordel, siffle ! »

Pourquoi une telle mesure ? Parce qu’il semble qu’en 2025, le seul moyen de faire taire ces glands est de leur faire croire qu’ils passent à la télé. Plus besoin de charte ou de table ronde du fair-play : un petit bouton rouge clignotant, et comme par magie, le « gentil père de famille qui dérape » redevient « civilisé ». On n’est plus très loin du collier électrique pour chien teigneux, pour ces zigues qui sont manifestement -1 dans leur tête.

« Carton ! Fais chier machin. Attends que je te chope à la fin du match. »

Deuxième mesure, les images pourront servir à des motifs de formation. Comme les hotlines des assureurs, avioneurs, opérateurs, … Oui, parce que quand tu es un ado-arbitre qui vient de se faire hurler dessus par un coach quadragénaire en claquettes-chaussettes (ou en doudoune sans manche la saison venue), rien de tel que de revoir la scène au ralenti pour progresser.

Mais le plus beau, c’est qu’on présente tout ça comme un progrès. Comme si l’arbitre augmenté par la technologie allait faire renaître le respect perdu. Spoiler : non.

Croire qu’une caméra fera d’un bobet agressif un adulte responsable, c’est croire que s’enfiler une cuillerée de Nesquik sans s’étouffer au passage, c’est possible si tu respires pas en avalant. Ou que si tu pries assez fort ton bon dieu, il va se concentrer sur la victoire de ton équipe pendant qu’il laisse 30 000 gamins se faire génocider au bord de l’amer.

Allez, par applaudissement, qui veut changer de civilisation parce que celle-ci commence légèrement à sentir le linge mal séché ?

A propos Olivier Bender 48 Articles
Si j'étais de bonne foi, croyez-vous vraiment que j'écrirais ici?

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