Genèse d’une chute à Eden Park

Le fruit défendu avait un goût de chiottes

Ce qui est bien si comme nous vous suivez exclusivement le foot féminin et ne regardez aucun match de son homologue masculin, c’est qu’un Suisse-Espagne dans un grand tournoi ne vous rappelle aucun souvenir abominable. Ni en huitième de finale, ni en quart. Bon, ce qui est embêtant c’est que notre disque dur ne dispose d’aucune donnée non plus en ce qui concerne un match somme toute anecdotique au premier tour. Il ne nous restait qu’une statistique presque encourageante à laquelle se raccrocher en avant-match: 9 affrontements, 4 victoires à 3 et 2 nuls en faveur des Espagnoles depuis 1984. Et l’espoir fou que le collectif d’Inka Grings allait enfin oser une passe verticale voire même, dans un élan de hardiesse insensé, un tir. 

Le match en deux mots

Véritable corrida.

En même temps vous jouez l’Espagne et vous décidez d’agiter du rouge vif en 10 exemplaires devant leur visage pendant 90 minutes, vous vous attendiez à quoi ?

La femme du match

Aitana Bonmatí, autrice du 0-1 (5ème minute) et du 1-3 (36ème) après avoir fait joujou avec la défense de juniors E qui lui faisait face. Quelle patience, quelle précision, quelle classe. Et dire qu’on lui avait retiré le capitanat de notre équipe de Fantasy Football juste avant les huitièmes pour le donner à Lauren James…

Nous ? Ne pas croire en les chances de notre patrie ? Comment osez-vous insinuer des choses pareilles ?

La méduse du match (y’a pas de buses en Océanie)

Le vocabulaire marin étant proche du lexique footballistique, on pourrait parler d’un banc entier de méduses à croix blanche s’il s’agissait ici d’une contre-performance.

Malheureusement, cela n’a pas été le cas. En effet, la Nati a coulé corps et biens car elle a simplement été à la hauteur de son plafond actuel qui est à des années-lumière du très haut niveau. Ce n’est pas seulement cette équipe qui doit s’améliorer, c’est le football féminin suisse qui doit être réformé, popularisé et professionnalisé en profondeur. On parle ici du très long terme, probablement de joueuses qui ne seront pas encore en âge de porter le maillot national lors d’un Euro 2025 à domicile qui pourrait tout de même être la première pierre d’un édifice qu’il faudra consolider sur des années.

De manière fort prévisible, seule Ramona Bachmann, l’arbre qui cache souvent la forêt, a donc montré qu’elle pouvait rivaliser un tant soit peu avec la maîtrise technique ibère, en jouant toutefois souvent à contre-courant dans la zone de vérité. Pas de quoi se faire tatouer un « Bachmann forever » sur l’omoplate pour l’instant. Au niveau défensif, le dernier rempart en pré-retraite Gaëlle Thalmann, souvent forcée à naviguer en eaux troubles, a été la seule à surnager.

Bref, ça pique. Ce qui ne surprendra guère nos lecteurs océanographes.

Mais revenons à nos cnidaires: s’il fallait vraiment désigner une méduse, ce serait la Roja (tout de bleu… océan vêtue pour l’occasion) dans son ensemble qui a osé relâcher un peu son étreinte en fin de match pour s’enfoncer dans un abîme de 73% de possession de balle. Impardonnable.

Le tournant du match

Le premier tir cadré suisse du match, oeuvre de Meriame Terchoun à la 56ème minute. L’affrontement était enfin lancé, le début de la remontada était acté !

Vous vous doutez bien que pas du tout. Cette frappe anodine restera d’ailleurs la seule répertoriée dans la colonne des envois cadrés helvétiques (contre 12 de leurs adversaires).

L’aVARie qui aurait pu couler le match

« C’est presque de la censure émotionnelle », nous dit Fred Scola au sujet des sempiternelles vérifications de la VAR sur absolument chaque but qui nous empêchent d’y réagir immédiatement. On peut sans autre enlever le « presque ». Et appliquer cette formule à l’ensemble de la rencontre du jour, pendant laquelle même notre canapé était en position latérale de sécurité, ce qui n’aurait de toute façon pas aidé à en sauter de joie le cas échéant.

La Perth de balle catastrophique du match

Celle de Laia Codina avec un autogoal ma-gi-stral de plus de 35 mètres à la 12ème minute de ce calvaire. Quelle belle manière de fêter la première sélection de la gardienne Cata Coll (restée scotchée sur sa ligne), qui a ainsi pu faire honneur à son prénom. Comme Codina a également inscrit le 1-4 (45ème), on notera que c’est la deuxième fois qu’une joueuse marque des deux côtés du terrain lors d’une empoignade en Coupe du monde impliquant la Suisse (victoire 10-1 contre l’Equateur en 2015). Aucune idée de ce que ça peut bien vouloir dire, mais c’est rigolo.

Brandi Chastain est d’ailleurs surtout connue pour le topless le plus iconique de l’histoire du foot féminin après avoir marqué le penalty vainqueur en finale en 1999. Brandi était ivre de bonheur alors qu’il paraît que Ponce était restée de marbre en 2015.

Le chiffre Hamilton (parce que c’est quand même mieux qu’une stat’ à deux balles)

800’000. Comme le nombre de followers supplémentaires qu’Alisha Lehmann a empilés sur Instagram depuis deux mois, selon Blick (qui d’autre ?), ce qui porte son total à… 14,4 millions (oui, on a aussi checké 6 fois que ce « M » n’était pas un « K » sur sa page).

A titre de comparaison, Alex Morgan, probablement la joueuse la plus célèbre du monde sur les 10 dernières années en a 10,2 millions. Megan Rapinoe, qu’on ne présente plus à force, n’en a « que » 2,1 millions. Marta, présumée GOAT qui parle parfois d’elle-même à la troisième personne, 2,9 millions. Même chiffre pour Alexia Putellas, double Ballon d’Or en titre. Ada Hegerberg, première Ballon d’Or de l’histoire (non, Monsieur Solveig, elle ne twerk pas…), 835’000 (c’est-à-dire environ deux mois et demi de récolte pour Alisha).

Mission accompley !

Comme l’attaquante d’Aston Villa n’avait joué que 52 minutes en trois matches (en comptant 13 minutes d’arrêts de jeu) avant ce huitième de finale au cours duquel elle s’est à nouveau contentée de stories depuis la touche, on comprend qu’elle explore d’autres sources de revenus potentiels. Toujours d’après Blick, le moindre post de notre influenceuse sur Instagram vaudrait environ 20’000 euros, ce qui n’est pas très loin du plancher salarial en Barclays Women’s Super League, le championnat anglais. En ce qui concerne son activité de footballeuse à Birmingham, le site Sportsmanor.com avance un chiffre supérieur à 200’000 £ annuels pour la doublure de Margot Robbie. Voilà qui doit effectivement mettre du beurre dans les épinards une fois son salaire principal venu des réseaux sociaux (elle a aussi 10 millions d’abonnés sur TikTok) tombé.

Allez, on rigole une dernière fois ? Par curiosité, allez voir combien Roger Federer a d’abonnés sur Instagram…

L’anecdote qu’on aurait pu entendre à Bondi Beach…

… si seulement on y était.

On nous souffle que le Soulier d’Or de cette Coupe du monde revient pour l’instant à la fameuse Contre Son Camp avec 8 réussites.

Voilà qui est presque aussi triste que le fait que la Suisse est tombée dans le même groupe que l’Espagne dans le cadre de la première Ligue des Nations féminine de l’histoire, ce qui nous promet donc encore une double confrontation de cet acabit dans les prochains mois. Joie.

Si le match avait été une citation de Zlatan Ibrahimovic

Nos lecteurs les plus assidus remarqueront qu’on l’a déjà utilisée une fois, mais elle se prête parfaitement à la situation. Et pas seulement parce qu’elle était directement adressée à Stéphane Henchoz à l’origine.

« D’abord je suis parti à gauche. Lui aussi. Puis je suis allé à droite et il m’a suivi. Ensuite je suis retourné à gauche et il est allé acheter un hot dog. »

On est quasiment sûr que c’est mot pour mot ce que Bonmatí a expliqué aux télévisions espagnoles quand on lui a demandé de décrire ses arabesques dans la défense adverse.

Image rare de l’arrière-garde suisse en mouvement face à la numéro 6 catalane. Espérons que cela ne mènera pas au tombeau d’Inka.

Ce que vous allez regretter d’avoir manqué si vous dormiez encore (comme chacun sait, « qui dort Dunedin ») 

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La minute Johan Djourou 

La grand-maman du soussigné nous disait pas plus tard qu’hier que l’audio description ne fonctionnait pas toujours sur sa télévision, ce qui ne lui facilite pas les choses avec sa vue qui baisse. Noémie Beney résout ce problème pour les matches de la Nati puisqu’elle disserte en long, en large et en travers sur absolument TOUT ce qui se passe. Même les téléspectateurs aveugles ont ainsi pu profiter de la démonstration espagnole sur une RTS qu’on ne pourra pas accuser de ne pas être fidèle au « R » de son acronyme ou de ne pas être inclusive pendant cette Coupe du monde.

La rétrospective du prochain match se jouant dans le même fuseau horaire  

Honnêtement, vous avez trouvé que 7h00 c’était quand même un peu tôt pour un samedi matin ? Pensez aux Hollandais qui vont devoir se lever à 4h00 cette nuit pour suivre leur équipe et encore une fois à 3h00 en 1/4 en cas de qualification. Tout ça parce que le docte préposé à la programmation avait imaginé que les Etats-Unis finiraient premières de leur groupe et donc concocté un horaire local en soirée pour les téléspectateurs du pays du soccer. Enfin d’un des pays du soccer. Evidemment qu’aucune mesure de ce genre n’avait été prise pour le Canada en cas de qualification. Bref, on a clairement échappé le ballon (comme on dit au Québec) du côté de l’organisation.

Remercions en tout cas les Espagnoles d’avoir tiré la prise puisque l’adversaire du vainqueur de Pays-Bas-Afrique du Sud vendredi prochain à 3 heures du mat’, ce sera elles ! A nous la grasse matinée !

A propos Raphaël Iberg 175 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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3 Commentaires

  1. Ah le succès d’Alisha Lehmann sur les réseaux… le parfait exemple de la culture du vide. Aucun résultat probant en football, aucun engagement social, juste des poses en bikini. Mais c’est ça qui fonctionne.

    • Eh oui… Petit bémol quand même: contrairement à Crnogorcevic, elle est titulaire dans son club et contrairement à d’autres Suissesses, elle joue dans un championnat de haut niveau. Difficile de comprendre pourquoi elle joue aussi peu en équipe nationale du coup, surtout au vu de l’indigence offensive vue dans ce tournoi. Il doit se passer 2-3 trucs en coulisses (attitude ?).

      • Oui elle a l’air d’être une joueuse reconnue dans le championnat anglais, mais n’a que des miettes en équipe nationale… Peut être des histoires en coulisse effectivement. On ne peut pas vraiment juger de ses qualités sur ce qu’on a vu au mondial, car elle était souvent esseulée en attaque avec la Suisse qui défendait principalement. Cela dit je pensais qu’elle était rapide, mais apparemment même pas, sur les rares ballons en profondeur que j’ai vu, elle avait l’air moins rapide que les défenseuses et que ses coéquipières.

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