
Force est d’admettre que la mauvaise foi est consubstantielle au sport. Mais en matière de foot féminin, ça devient parfois lunaire, au point que certains préfèreraient passer sous un train plutôt que d’admettre que c’est parfois regardable et qu’il n’y pas forcément besoin de partager son opinion minoritaire dont beaucoup se contrefoutent… Florilège des arguments capillotractés que j’ai pu entendre par-ci par-là en juillet dernier à l’occasion de l’Euro féminin en Suisse.
« Je regarderai le jour où les terrains seront adaptés à leur taille ! »
L’argument lunaire par définition, vu qu’il n’y a déjà pas assez de terrains et que des coupes budgétaires (Jeunesse + Sport) sont en cours de décision un peu partout. Je pense qu’on peut tout à fait dire que l’intensité du foot féminin n’est pas à sa convenance sans s’inventer une excuse pour ne regarder aucun sport féminin pendant le reste de sa vie. Car oui, la plupart des sports féminins collectifs et individuels utilisent les terrains des hommes (handball, rugby, hockey sur glace, tennis, etc.), en adaptant certes parfois la hauteur (volley-ball, basket-ball), toutefois sans que personne ne chouine.
De quoi se plaignent-elles ? Elles n’ont qu’à attendre que les terrains rapetissent par enchantement…
Le problème avec le relativisme, c’est que ça justifie tout : Les femmes ne devraient être payées la même chose que lorsqu’elles travailleront sur des bureaux conçus à leur taille ? Les femmes ne devraient conduire que lorsque les voitures seront adaptées à leur taille ? Allons au bout de la réflexion en disant que c’est complètement idiot de comparer le foot féminin d’antan à celui de 2025, vu les changements très rapides qui s’y produisent.
D’ailleurs, la SRF a apporté un éclairage intéressant en organisant une expérience qui consistait à faire jouer des hommes sur un terrain dont les proportions étaient calculées pour représenter les contraintes que les femmes rencontrent en jouant sur un terrain masculin. Verdict : les gars avouent sans problème qu’ils sont claqués, que le ballon plus lourd est plus dur à manipuler, que la technique en pâtit, etc.
Faites plutôt le test par vous-même !
D’un côté, on peut interpréter cette expérience comme plaidant justement la cause d’un terrain plus petit, mais, d’un autre côté, elle a le mérite de démontrer que, vu que c’est pas demain la veille que ces terrains verront le jour, il n’est pas très objectif ni constructif de juger le sport féminin sans tenir compte des efforts supplémentaires que les joueuses doivent fournir en raison des proportions.
« Il y a trop de battage médiatique autour du foot féminin ! »
Celui-là occupe une place particulière au panthéon des arguments fallacieux. Quelle idée que ces dames encaissent de l’argent en tournant des pubs ! Manquerait plus qu’on les paie pareil ! Alors que tout le monde sait très bien que le combo pub pour voiture/rasoir est essentiel au foot masculin. C’est vrai qu’on est tellement inondé de pubs avec des sportives le reste de l’année que ça en devient insoutenable. Faut vraiment rien connaître aux difficultés que ces joueuses ont rencontré dans leur carrière (petits boulots à côté, pas de salaire, etc.) pour sortir une ânerie pareille.
Voilà la coupable monsieur l’agent : cette télécommande m’a forcé à regarder un match de foot féminin et les pubs à la mi-temps !
« Vous savez qu’on a payé pour voir un match de U15 ? »
Le saviez-vous ? Les filles de la Nati ont perdu 7-1 contre les U15 du FC Lucerne en match de préparation. Vous en avez sûrement entendu parler, car tous les journaux s’en sont servi pour faire des clics.
J’en veux particulièrement à la coach d’avoir organisé un tel match à ce moment-là, pour plusieurs raisons :
1. Comment penser une seconde que des ados n’allaient pas fuiter l’info ?
2. Pourquoi ne pas avoir mieux expliqué qu’il s’agissait d’un « match » de 3 périodes de 30 minutes, qui consistait à mettre des schémas en place et à monter en intensité plus qu’un match à absolument gagner.
3. Pourquoi avoir donné du grain à moudre à tous les sceptiques du foot féminin juste avant l’Euro ?
En effet, on remarquera que lorsque les filles gagnent ces matches-là, on n’en parle pas puisque ça génère zéro clics et que quand ça arrive à des hommes, on entend personne dire qu’ils ne savent pas jouer au foot. Voyez plutôt :
Faites entrer l’inversion accusatoire
Le plus drôle dans tout ça, c’est que les masculinistes utilisent une technique qui pour eux s’apparente à avoir résolu une équation différentielle mais qui en réalité est d’une simplicité navrante et très simple à démasquer : l’inversion du rôle de la victime. Pauvres bichons d’hommes qu’on traite de sexistes parce qu’ils ne regardent pas de foot féminin ! Mais qui les traite de ça ? Je ne crois pas que ce soient les joueuses, qui ont d’autres chats à fouetter.
Pour faire une bonne soupe misogyne, laissez bien fermenter les morceaux de tofu cerveau…
D’ailleurs si certains font un AVC pour si peu, ils ne sont définitivement pas prêts pour les prochaines années. Par exemple, YB Frauen a annoncé qu’il prolongeait automatiquement le contrat d’un an en cas de grossesse d’une joueuse. Imaginez le choc mental de Jean-Michel Beauf qui réalise qu’il ne peut pas gueuler contre ça puisque ce n’est pas financé avec ses impôts.
Toi aussi tu te sens perdu et ne sais plus quoi penser face à tous ces progrès sociaux bien trop rapides ?
Alors appelle la hotline « Jean-Michel en détresse » pour te rassurer et croire que tu as encore une place dans cette société !
Pour conclure, je citerai Stephen Hawking, qui disait que « l’intelligence, c’est la capacité à s’adapter au changement ».
J’espère qu’on trouvera bientôt comment décrocher le wagon des beaufs anti-foot féminin !
Crédits photographiques
Capture d’écran Manque d’infrastructures
Capture d’écran Jeunesse+Sport
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Capture d’écran Leverkusen
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Peut-être qu’un jour le football sera tellement égalitaire que des hommes auront le droit d’arbitrer lors d’un euro cdm féminin.
Mais sinon j’ai bien apprécié cet euro, il y avait des matchs très plaisants et une belle finale à suspens.
Très bel exemple d’inversion accusatoire, bravo et merci !
Inversion accusatoire? Faut le dire vite.
Salut, Le Lecteur ! C’est quoi ton vrai nom ? Tu peux développer un peu ta pensée ?
Simple constatation : si l’euro masculin suit l’exemple de l’euro féminin, il n’y aura que des arbitres hommes (je veux dire aucune chance pour les femmes) et que des artistes masculins pour les hymnes.
Dans les faits l’organisation de l’euro féminin est plus sexiste que l’organisation de l’euro masculin.
Maintenant mon commentaire voulait aussi dire que lorsque le foot féminin se sera développé, il n’y aura peut-être plus besoin de forcer la main pour avoir des femmes arbitres.
Quant aux salaires, actuellement la différence est justifiée. Par contre, Les hommes gagnent beaucoup trop, et les femmes aussi.
Oui. Surtout par exemple les joueuses d’Yverdon Sport qui sont défrayées à hauteur de 400.- par mois, c’est un scandale de gagner autant. Ça me rappelle ce dessin de presse qui représente un gars qui demande aux pompiers d’arroser sa maison qui n’est pas en feu avant celle du voisin qui, elle, l’est en disant “all houses matter”. C’est chou. Blague à part, c’est assez phénoménal de raisonner comme tu le fais, tu dois être crevé à la fin de la journée.
Un garçon de 15 ans, au plus haut niveau à son âge, a déjà dû passer plus de concurrence et de tests que la meilleure joueuse du monde.
Être joueuse à Yverdon ça correspond peut-être, en terme de difficulté du parcours professionnel, à être joueur de 3e ligue, ou à tout casser 2e ligue masculine. Donc non, Le salaire mentionné n’est pas illogique.
Se battre pour que le foot feminin se ddéveloppe c’est bien, la rémunération suivra. Mais réclamer une rémunération égale ou presque, actuellement ça n’a aucun sens.
Et soit, en passant, je note un silence assourdissant en guise de réponse à mon commentaire sur le sexisme de l’organisation de l’euro féminin.
Bastien on s’en balek de ton avis et du « sexisme » inexistant de l’euro féminin. Raphaël a fort raison, ça doit être pénible en fin de journée dans ta tête.
Bonne fin de vie.
@Bastien, du coup tu n’as pas compris ma réponse. S’inquiéter du « sexisme » (sic) de l’Euro féminin au bas d’un article comme celui-ci, c’est comme dire « All Lives Matter » ou parler de « racisme anti-blanc » (sic) après avoir été témoin de brutalité policière envers une personne racisée. Et sinon, parler de la concurrence dans le foot masculin vs le foot féminin sans se préoccuper du pourquoi, c’est terriblement réducteur. Je ne vais pas tout t’expliquer ici, sinon ça va faire un article, mais je te conseille « Droit au but: l’histoire du football féminin suisse » de Marianne Meier et Monika Hofmann, c’est un bon début.
Hello Bastien, merci d’avoir lu l’article. D’après l’UEFA, il s’agissait surtout d’utiliser le plus d’arbitres féminines possible pour créer une dynamique de formation grâce au tournoi. Il ne semble pas y avoir de trace de volonté affichée d’exclure les arbitres masculins dans tout ça. D’ailleurs, je n’ai pas l’impression que les arbitres masculins soient traumatisés (il y a bien assez de matches de foot masculin à arbitrer). On peut imaginer qu’ils sont solidaires de leurs collègues féminines et se réjouissent de leur progression, une posture plutôt constructive, non ?
Oui c’est juste. ça rejoins un peu ce que j’avais dit plus haut, à savoir que lorsque le foot féminin se sera developpé suffisamment il n’y aura plus besoin de forcer la main pour qu’il y ait beaucoup d’arbitres femmes au top niveau.
Concernant la concurrence dans le foot féminin, c’est justement pour ça que je soutiens le développement de ce sport afin qu’il trouve un public nombreux et et que le nombre de joueuses augmente, et aussi qu’il ne soit plus subventionné par le foot masculin. Les salaires suivront automatiquement.
Si actuellement les joueuses des meilleures ligues étaient payées autant que les hommes, ça serait certainement la plus grande discrimination salariale de l’histoire, à l’égard des hommes cette fois.
Après, le foot féminin générera de toute façon moins dargent que le foot masculin car on peut bien y faire ce qu’on veut, ce qui attire le public en nombre c’est le top du top. Une finale de CL masculin c’est, si on veut, le match entre les meilleurs clubs actuels de l’humanité, alors que la finales féminines c’est la finale entre les deux meilleures clubs actuels de la catégorie femmes… c’est injuste mais c’est comme ça.
Donc oui au développement du foot feminin , non au féminisme simpliste qui dit « elles tapent aussi dans un ballon, elles doivent etre payées la meme chose ».
Pour le reste de l’article, je rejoins l’auteur, beaucoup de commentaires sur le foot féminin sont pénibles.
Par contre je pense que le public est tout de meme (légèrement) majoritairement masculin.