
Le plat de résistance de ces quarts de finale de la Ligapokal à Düsseldorf était constitué par le choc entre les deux meilleures formations d’Allemagne de ces cinq dernières saisons, le Werder Brême et le Bayern Munich, dans ce qui constituait la revanche de la finale de l’an dernier, remportée par le Werder (2-0, doublé de Klasnic).
Les deux équipes restent sur une saison décevante : le Werder a certes assuré l’essentiel en terminant 3e et en se qualifiant pour le dernier tour qualificatif de la Champion’s League mais, au vu de son flamboyant premier tour, il espérait beaucoup mieux. Quant au Bayern, sa quatrième place constitue son plus mauvais résultat depuis douze ans et a été vécu comme un véritable camouflet en Bavière. On connaît l’orgueil des Rekordmeister et de leurs dirigeants (Franz Beckenbauer en tête) : il faut laver immédiatement l’affront, si possible en écrasant la saison à venir et en balayant tout sur son passage. C’est ainsi que, paradoxalement, le Bayern a effectué sa campagne de transfert la plus spectaculaire de ces vingt dernières années la saison même où le club est écarté de la Ligue des Champions, pour la première fois depuis des lustres. Ce n’est pas nouveau que le Bayern cannibalise le marché des transferts allemands mais cette année les Bavarois sont en plus parvenus à attirer d’authentiques stars étrangères : le champion du monde Luca Toni et le vice-champion du monde Franck Ribéry. En plus, débarquent du côté de l’Allianz Arena les internationaux allemands Jan Schlaudraff et Marcel Jansen, le Turc de Schalke 04 Hamit Altintop, le Brésilien Zé Roberto, dont c’est le retour, l’Argentin Ernesto Sosa et le Paraguayen Julio dos Santos. Enfin, cerise sur le gâteau, les Munichois sont parvenus à enrôler le meilleur buteur de la dernière Coupe du Monde, Miroslav Klose, au terme de ce qui a constitué le feuilleton de l’été outre-Rhin.En revendant leur buteur emblématique une année avant le terme de son contrat, les dirigeants du Werder Brême espèrent sans doute réussir le même coup que l’an passé avec Johan Micoud, qu’ils avaient avantageusement remplacé par un joueur plus jeune et moins coûteux, Diego. Cette saison le successeur de Klose est censé être un autre Brésilien du FC Porto, Carlos Alberto, que l’on a un peu perdu de vue depuis ses prouesses lors du titre européen de la troupe à Mourinho en 2004. Pas sûr que le Werder ait eu la main aussi heureuse qu’avec Diego sur ce coup-là ; d’ailleurs, le manager Klaus Allofs souhaiterait encore engager Nicolas Anelka mais l’arrivée au Weserstadion de l’attaquant ivoirien Boubacar Sanogo (ex-Kaiserslautern et Hambourg) semble infirmer cette rumeur. Quoi qu’il advienne, les fans brêmois sont plutôt remontés contre leurs dirigeants : la départ de Klose, qui reste sur une saison en demi teinte, pour un club étranger aurait pu passer mais pas son transfert chez le grand rival bavarois.
Bien que diminué par une kyrielle d’absence, le Werder se montre le plus entreprenant en début de partie. Après neuf minutes de jeu, un centre de Fritz ne peut être repris par Rosenberg mais Borowski surgit sur le renvoi hasardeux de Lucio pour l’ouverture du score. Une explosion de joie inonde la LTU-Arena qui, en dehors des 10’000 Bavarois, a pris fait et cause pour le Werder (ou plutôt, contre le Bayern). Maintenant que leur équipe n’est plus sur le terrain pour les désespérer par ses approximations, les fans de Schalke donnent à nouveau de la voix. Les supporters de Karlsruhe lancent eux des olas à un rythme effréné, même si les partisans du Bayern, mauvais perdants, refusent de participer à la liesse populaire. Leur équipe n’est pas à la fête en ce début de rencontre et le jeune Schindler (19 ans) est tout près de reprendre un centre de Rosenberg pour le 2-0.
Mais, après une vingtaine de minutes de mise en jambe, le rouleau compresseur munichois se met en route et le Werder n’y verra plus que du jeu. A la 23e, Klose reprend de la tête un centre de Lahm, Wiese s’emmêle les pinceaux et sa claquette part devant lui plutôt qu’au dessus de la latte. Le genre d’erreur à ne pas commettre contre les rois du goal de raccroc : Schweinsteiger surgit pour placer sa tête et égaliser. La deuxième réussite du FC Bayern n’a elle rien d’un but de raccroc ; au sortir d’une action Klose – Ribéry, Hamit Altintop décroche une frappe somptueuse de l’intérieur du pied gauche en pleine lucarne. Le supporter de Schalke 04 assis sur le siège voisin du mien se désole : «On a gardé le mauvais Altintop ; on aurait dû vendre Halil et garder Hamit, qui est bien meilleur que son frère». Le Bayern monopolise le ballon, utilise toute la largeur du terrain et le Werder court dans le vide. Wiese parvient à s’interposer sur une tête de Klose mais ne peut rien sur l’action d’école de la 35e : une ouverture millimétrée de Van Bommel, un centre au cordeau de Jansen, une reprise ratée de Schweinsteiger et une conclusion d’un tir précis au ras du poteau de Ribéry. Ce qui consterne encore davantage mon sympathique voisin supporter des Knappen : il était fan de Ribéry lorsque celui-ci était à Marseille et avait acheté trois maillots de lui. Maintenant que l’international tricolore joue pour le détesté Bayern, il n’osera plus les porter et hésite entre les brûler ou les revendre sur e-bay.
Après deux nouvelles interventions de Wiese devant Altintop et Klose, le Werder est tout content de rejoindre la pause avec seulement deux longueurs de retard, alors qu’il menait encore 1-0 vingt-cinq minutes plus tôt ! Le coup de grâce a été assené à la 54e sur une accélération fulgurante de Ribéry qui a enrhumé la défense brêmoise et obligé Wome à commettre une faute de main pour empêcher Klose de partir seul au but. Le penalty indiscutable est transformé par Ribéry, lequel sera gratifié d’une standing ovation par les supporters bavarois à sa sortie du terrain. Voilà qui décide mon voisin sur le sort à réserver à ses maillots floqués au nom du Français : il les revendra sur e-bay.
A 4-1, le match est plié et seule la piqûre de guêpe dont a été victime Oliver Kahn animera la dernière demi-heure. Sur les quatre mi-temps de ces Ligapokal Viertelfinale, il n’y en a qu’une de bonne mais quelle mi-temps ! La presse germanique, qui ne donne jamais dans la modération, a parlé de Zauberfussball pour qualifier la performance du Bayern. Je conçois aisément que l’on puisse manifester quelques réticences à faire rimer football magique avec Bayern Munich mais l’objectivité m’oblige à reconnaître que les Bavarois ont été assez impressionnants pour leur première sortie officielle 2007-2008. Passer quatre buts en 30 minutes au Werder Brême en l’absence des attaquants vedettes Luca Toni et Lukas Podolski et avec un Klose en petite condition n’est pas banal. Les Munichois ont donné l’impression de pouvoir accélérer quand ils le voulaient, qu’ils auraient pu marquer, s’ils l’avaient souhaité, 7 ou 8 buts et que l’ouverture du score concédée en début de partie n’était qu’une péripétie sans importance. En tous les cas, la démonstration bavaroise a impressionné l’Allemagne et d’aucuns redoutent déjà que, cette saison, l’intérêt de la Bundesliga se limite à connaître l’identité de l’équipe qui terminera première… derrière le Bayern. Sur le papier, die Rekordmeister semblent intouchables et il est clair que si, fin juillet, Hitzfeld a déjà trouvé la bonne formule, la concurrence a du souci à se faire. Il convient tout de même de relativiser un peu les commentaires dithyrambiques de la presse germanique : la défense du Werder n’a jamais été réputée pour son imperméabilité, ce d’autant plus qu’elle était privée de Naldo et que Mertesacker revenait d’une longue blessure. On se réjouit de voir ce que vont faire les Bavarois mercredi en demi finale au Gottlieb Daimler Stadion contre une équipe beaucoup plus forte défensivement, le champion en titre du VfB Stuttgart, dans un derby du sud qui promet beaucoup. Et puis, le FC Hollywood étant ce qu’il est, l’immense expérience d’Othmar Hitzfeld ne sera pas de trop pour gérer un tel aréopage de stars et d’internationaux, qui n’auront pas tous autant de temps de jeu qu’ils le souhaiteraient.
Le dessert de ce magnifique samedi à Düsseldorf, c’était la foire à la saucisse locale, «die Grösste Kirmes am Rhein», qui a attiré 4,4 millions de visiteurs en neuf jours, ce qui en fait la troisième fête populaire allemande, derrière les fêtes de la bière de Munich et Stuttgart. On n’a pas très bien compris qui était St. Apollinaris que l’on fêtait ainsi mais, nichée dans un coude du Rhin, la Rheinwiese dusseldorfoise ressemble passablement à la Theresienwiese munichoise durant la dernière quinzaine de septembre. Avec quelques tentes de moins mais l’avantage de rester ouverte beaucoup plus tard. A deux heures du matin, la fête battait encore son plein. Nous avons rapidement trouvé la Bayern-Festzelt, avec son orchestre et ses décorations bleues et blanches. Si tu connais un peu l’Allemagne, tu imagines le tableau, sinon il te reste encore des choses à découvrir. Ein Prosit !
Werder Brême – Bayern Munich 1-4 (1-3)
LTU-Arena : 51’300 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Kinhöfer.
Buts : 9e Borowski (1-0), 23e Schweinsteiger (1-1), 27e Hamit Altintop (1-2), 35e Ribéry (1-3), 54e Ribéry (penalty, 1-4).
Werder Brême : Wiese ; Fritz, Mertesacker, Baumann, Wome ; Andreasen (75e Niemeyer), Frings (77e Löning), Borowski, Vranjes (46e Schulz) ; Rosenberg, Schindler.
Bayern Munich : Kahn ; Lahm, Lucio, Demichelis, Jansen ; Hamit Altintop, Zé Roberto, Van Bommel (67e Ottl), Ribéry (81e Wagner) ; Schweinsteiger (85e Lell) ; Klose.
Cartons jaunes : Kahn et Andreasen (5e), Schulz (62e), Wome (81e).
Notes : le Werder sans Carlos Alberto (pas encore prêt), Almeida, Pasanen, Owomoyela, ni Hunt (blessés), Diego ni Naldo (en vacances après la Copa America), Harnik (aux championnat du monde M-20 avec l’Autriche), ni Kruse (aux championnats d’Europe M-19 avec l’Allemagne). Le Bayern sans Toni, Podolski, Sosa, Schlaudraff ni Ismael (blessés), Santa Cruz ni dos Santos (en vacances après la Copa America).
Écrit par Julien Mouquin
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