HCC : de Titanesque à Titanic

Crac, boum, badaboum. Tel le paquebot du siècle passé, le HC La Chaux-de-Fonds a préféré jouir de sa croisière et se croire insubmersible, plutôt que de prendre ses précautions et d’ouvrir l’œil sur les obstacles qui allaient forcément surgir.

Et s’il était temps d’ouvrir les yeux sur la réalité. Pardon, sur NOTRE réalité et non passer notre temps à nous comparer à d’autres équipes… à «l’autre équipe», plutôt.Aussi inattendue que le naufrage du célèbre paquebot, la noyade du Roy et de sa cour n’est pourtant pas si incompréhensible que ne le pensent certains. Et il n’est pas inutile d’en prendre conscience à l’aube de play-offs où tout reste possible, même de gagner un match face à Langenthal ou de marquer le premier but d’un match !
Elle prend racine il y a tout juste 10 mois. Alors que notre équipe se casse les dents sur plus forte qu’elle, voilà que la crise ronge notre adversaire du moment et que les Dieux du tennis (© Pigeon d’Or 2008)…oups… du hockey, nous portent. Nos quatre shoots par match rentrent, l’adversaire manque de démolir des poteaux à force de les mitrailler, Todesc’ se brodeurise, le miracle se produit. Plus impensable qu’une Mirka privée de sms, qu’une course terminée de Franzi ou qu’un shoot de Daucourt : le HCC renverse la série et gagne. Orgueil, fierté, on profite comme il se doit du moment. En oubliant que le sport est ainsi fait et qu’il y a pas une année on prenait (presque) le scénario inverse dans les dents, sans susciter plus d’émois que cela. Que du bonheur d’être si insouciant.
Equipe soudée, coach adoré, contingent légèrement renforcé, Chiriaev bicentenaire, la saison 08/09 part sur les chapeaux de roues. Non seulement on est bons, mais les autres ne le sont pas. 10 points d’avance, puis 15, 27, 834. Que peut-il arriver à cette équipe ? Une menace de ligue pour avoir tué le suspense ? Une wild-card pour la Champion’s League ? Une America’s club contre Pittsburgh ? On pense même que notre équipe ferait meilleure figure que Xamax en foot ! Tout est permis !
L’homme a-t-il défié Dieu, comme le paquebot jadis ? Quand même pas. Cependant, tout s’est écroulé, alors c’est où qu’il est le souci ? Lâchons un pavé dans la marre, les coupables ne sont pas ceux que l’on pense.
Malgré mille statistiques démontrant le contraire (quoi qu’il me semble que Jo fait un nœud de moins en attachant ses patins depuis son annonce de transfert, ça doit être ça le problème, vivement une statistique à ce sujet), nos étrangers ont livré la marchandise. Les joueurs plus ou moins aussi.
Une baisse de régime était normale, elle a eu lieu fin novembre, début décembre. Mais le mal était plus profond, pervers.
Le problème global s’appelle LNA, dite «le Graal». Cette saison 07/08 réussie d’un point de vue émotionnel et sportif, mais loin d’être une domination de la LNB, vu la claque ramassée contre Bienne et son seul étranger en finale, a fait naître un objectif démesuré dans les cervelles meuqueuses : la promotion.
Que nous, les supporters, nous enflammions, je dis oui ! Ben oui ! Ça oui ! Droit oui ! Enfin, oui quoi ! Allons droit en LNA ! Mais là où ça coince, c’est quand nos dirigeants en font autant.
Revenu de nulle part il y a trois saisons, notre club se voit soudainement candidat autoproclamé à l’ascension, rien que ça. Gary Sheehan, fort de son expérience, tente de tempérer les choses, annonçant «ne pas avoir le couteau sous la gorge» en vue d’une promotion cette année, ou que «le HCC devrait se donner encore 1-2 ans avant d’y songer» (discours semblable depuis 2 saisons, pour ceux qui ne l’auraient pas remarqués). Mais cela n’y change rien, la machine est en marche.
Pourquoi ? Parce que nos dirigeants, malgré leurs compétences, réagissent en supporters. Jaloux de la promotion de Bienne, envieux de la santé de Fribourg en LNA, irrité par les structures lausannoises et leurs moyens, ils vont jouer le jeu de la surenchère verbale en usant le seul, mais de taille, atout actuel du HCC : son équipe !
Boum tac, la bonne équipe de copains de l’an passé, celle qu’on est tous allés applaudir lors d’un 4e match de demi-finale juste pour les remercier en sachant qu’ils allaient malgré tout perdre 4-0 la série contre le LHC, devient tout à coup la future promue en à peine 6 mois et en ayant perdu son métronome, sa tour de contrôle, son baron, son capitaine, le brave #14. Tellement logique. Une riche idée venue d’un petit abus de thé-rhum du coin sans doute ou d’une discussion avec Berlusconi (le nôtre, enfin les deux en fait…).
S’enorgueillir d’une première place c’est supeeeer. Que des avantages les gars ! Ça fait venir du monde aux Mélèzes, ça fait parler du club dans les médias, yahou, tout roule, tout est si facile. Et dire que certains clubs s’entourent de professionnels pour ne pas arriver à faire ce que l’on fait. C’est sûr, on est magnifiques et ils sont tous incompétents. Ici c’est Chaux-de-Fonds et tout le toutim.
Malheureusement, il a fallu assumer ces déclarations et montrer l’étendue de nos ambitions. Ce qu’on avait dans le ventre quoi. Tel le Titanic, on était les plus beaux, les plus grands, les plus forts, on allait démonter le premier iceberg venu aussi fort qu’un slap de papy Chi-chi !
Les premières annonces sont tombées, mais on a voulu y croire encore. Accuser les autres, plaider un coup bas, se convaincre qu’ils ont une idée derrière la tête, bref, se rassurer comme on pouvait sur la gestion de notre HCC. Les départs de Roy et Forget sont la première grosse erreur. Ce n’est pas évident de trouver des étrangers qui fonctionnent. Il y a tellement de paramètres à prendre en compte, du climat au public, de l’équipe à la famille du joueur, du salaire aux performances, que le HCC devait miser sur Forget et Roy, surtout vu le lieu de leur destination.
On a tenté de se persuader que Lausanne mettait le paquet (et Viège aussi… ah… non eux c’est les boîtes de nuit… non… attends… oh pis chut, embrouillez-moi pas svp) et on a passé à autre chose.
Notre brève pensée que nos dirigeants avaient prévu le coup et nous préparaient une super méga cool surprise a pris fin lorsque l’un d’eux est venu insulter publiquement une ville qui ne nous est pas si étrangère (et que Ovechkin a affirmé vouloir honorer son contrat malgré le challenge stimulant). Une grande réaction qui aura convaincu Gamache et Dubé de notre professionnalisme, malheureusement une pénurie de stylos empêcha leur signature.
Non content d’avoir indirectement mis un coup à toute l’équipe, nos dirigeants ont encore constaté le départ de quelques éléments plus ou moins officiellement, sans broncher. Impossible de régater avec Zoug ou Lugano, mais un club officiellement candidat à la LNA se doit de réagir à ce genre de mauvaises nouvelles.
Nous sommes il y a un mois. Même si la confiance est entamée, le classement reste excellent. Puis en quelques semaines, on a touché le fond. Les agissements impensables de nos dirigeants ont réussi ce que personne n’arrivait à faire il y a peu : battre notre équipe. 
Tout a commencé avec un article de l’Impartial, un journal qui défie le 20 Minutes pour la profondeur et la qualité de ses investigations, bien qu’étant tout de même moins critique. La question était sur toutes les lèvres, comment nos dirigeants allaient-ils réagir ? Un nom ? Un renfort pour la fin de saison ? Un 3e étranger ? Une nouvelle zamboni ? Ben non, ça serait trop simple, boum, ils annoncent que l’an prochain 70% de l’équipe sera de niveau LNA.
Ça, sûr qu’on ne s’y attendait pas. Pourquoi 70% ? Le degré de la fée du soir ? Le pourcentage de rebonds laissés par Toedsc’ ? Personne ne le sera jamais.
Soyons francs, cela fait environ 13 renforts de LNA. Cash, comme on dit.  Bonne nouvelle ! Et il paraît que le 14e est offert pour tout achat jusqu’en juin ! Bravo les gars ! Nouvelle raison de se gausser : dire que des pros n’arrivent pas à ramener 5 mecs de LNA en LNB, ni même de LNA en LNBIEL (ligue fermée spéciale, créée suite à la décision de la Cour des Droits de l’Homme lors du 56e recours), ben boum, nous on t’en ramène 14 dans 6 mois. Tu vas voir c’que tu vas voir.
Nous encore, fans lucides et vaccinés contre la passion qui sévit près des lacs genevois, on peut rigoler. Mais pensez à ceux qui y croient, quelle sera leur réaction dans 6 mois ?
Après avoir pulvérisé l’esprit familial du HCC en chassant nos étrangers, nos dirigeants font beaucoup mieux, ils promettent à nos joueurs que le 70% (ou 68.9% pour être gentil avec Neini) sera loin du bal l’an prochain. Ça, pour motiver une équipe, ils sont forts. Battez vous pour nous, sinon vous aurez des vacances plus longues et trop de temps pour trouver un employeur : où sera le challenge ?
Pas de hausse de salaire correcte, lynchage dans les médias si vous signez ailleurs, promesse d’être foutu loin en fin de contrat de toute manière. Quelle charmante idée.
 
Là encore, on a cru un peu nos dirigeants, tout en se demandant si c’était bien approprié. Mais bon. C’est fait, c’est fait. Et vu les renforts promis (on parle même de… Montandon !), ils allaient déjà mettre le paquet pour les play-offs.
Résultats : pas d’étranger, pas de gardiens, deux défenseurs (enfin, un et demi) qui arrivent et un qui part. Et une arrivée en… attaque.
Le leader, club si ambitieux, voit ses concurrents se renforcer avec des Zalapski, Hostettler, Schnyder, Kamerzin, Bekar, Down (!), Fedulov, Conz, Vigier, Crosby, Bykov, Jagr, Streit, Gerber. Sans commentaire.
Mais ça n’était pas fini. Toujours dans la série «on ne prend que les avantages d’être un prétendant à la LNA, mais sans rien faire pour l’être réellement», nos têtes pensantes ont décuplé le prix des billets pour les play-offs. Bon point, car la promotion annoncée va forcément remplir les Mélèzes contre Thurgovie ou Langenthal, adversaires potentiels des quarts. «Z’ont qu’à payer t’façon. 138.- pour une place debout avec air conditionné pour lutter contre le chauffage et la possibilité de l’acheter en faisant 3h de queue le jour du match, c’est presque donné !», auraient-ils déclaré sur CNN.
Dernière farce, après ces multiples ratés, ils ont touché le fond en proposant à nos joueurs du fric pour gagner un match. Où est la cohérence dans tout ca ? Une prime pour battre le LHC ? Voilà encore une réaction digne d’un supporter, pour qui les derbies valent plus qu’une saison entière. Il y avait mille façons de faire (et surtout de ne pas faire) pour que le HCC finisse premier ce championnat, et la plupart étaient moins coûteuses qu’une prime, quel que soit son montant. Et surtout moins humiliantes. On va faire quoi maintenant ? Payer à chaque match un supplément ? 100.- l’assist, 20.- le check, 300.- le but, 1000.- le blanchissage ?
Voilà comment certaines personnes ont mis à sac le travail de Gary depuis 3 ans, ridiculisant au passage le HCC. Se voir trop beau, ça attire l’œil dans un premier temps, mais le retour de manivelle est en conséquence et le HCC le subit de plein fouet. Dommage de n’avoir pas tiré le maximum de cette belle équipe et d’avoir visé simplement un titre, en voyant des beaux matchs aux Mélèzes.
La LNA ne doit pas être un objectif actuellement. Notre situation n’est pas celle de Lausanne ou Bienne, et ce n’est pas notre palmarès glorieux mais poussiéreux qui y change quelque chose. Le but de notre club doit être de former des jeunes qui brillent et de stimuler toute une région en renversant des montagnes, comme l’an passé, et en faisant tomber quelques «gros». C’est à ce prix qu’un jour peut-être la commune, le canton, les entreprises (ou un mécène, ça semble plus réaliste) mettront la main à la poche et bâtiront un vrai projet LNA, et non une utopie basée sur une équipe qui accède à la finale.
Vous vous souvenez d’une équipe valaisanne, qui après trois finales de LNB avait annoncé vouloir monter en LNA ? Une saison mystérieusement loupée, une élimination en quarts, et voilà deux ans qu’elle court après son souffle.
Ah non, je suis bête, ils étaient incompétents là-bas aussi, évidemment !

Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Neini