Marc Ristori: «Mon nouveau championnat, c’est de remarcher»

Victime d’une chute terrible lors de l’édition 2007 du Supercross de Genève, la vie de Marc Ristori a basculé. Promis à un bel avenir dans la moto, il a dû repartir de zéro. Une année après, Marc a eu la gentillesse d’accepter de répondre aux questions de CartonRouge.ch. Portrait d’un personnage attachant, qui montre qu’un champion ne se reconnait pas forcément sur la piste, mais plutôt dans sa façon d’être.

Salut Marc. Qu’est-ce qui t’a donné le virus de la moto ?Mon père. Au début je l’accompagnais sur ses courses, puis j’ai eu ma petite moto et les choses se sont enchaînées. 
Pourquoi le cross ?
Parce que mon père roulait en cross, il y a fait des titres et j’avais envie d’en faire aussi.   

Quelles sont les difficultés que rencontre un pilote pour assouvir sa passion ?
Les principales difficultés sont au niveau des infrastructures. En hiver, à cause du gel, les rares pistes de Suisse ne sont pas praticables, ce qui fait qu’on est obligés d’aller rouler à l’étranger. Ceci implique des longues périodes d’absence. Si on veut se battre à haut niveau, il faut choisir. Soit on travaille et on ne fait pas de moto en mondial, soit on s’entraîne pour gagner. Mais les deux ne sont pas compatibles. Les Français, les Italiens, les Américains s’entrainent tous les jours, alors si on veut se battre avec eux, on doit s’en donner les moyens. 
Malgré les difficultés, qu’est-ce qui pousse à continuer ?
La passion. Quand on l’a, c’est incurable. Après, il faut aussi voir si tu es un compétiteur : si c’est le cas, après chaque défaite, tu n’attends que le moment de re-rouler pour laver l’affront, et après une victoire pour montrer que ce n’était pas de la chance. En Suisse, c’est particulièrement important d’avoir un gros mental, parce que les sponsors sont proportionnels au marché du pays, ce qui nous pousse à nous battre deux fois plus pour arriver à nos fins, avoir deux fois plus de rage de vaincre. Il faut aussi que la famille soit prête à de nombreux sacrifices, ce qui n’est pas toujours simple.
De mon côté, il faut aussi être disposé à passer par toutes les étapes qui mènent au but. Mais je n’aime pas parler de sacrifices, parce que c’est un choix, personne n’oblige un pilote à être pilote. Ok, on passe à côté de son adolescence, mais on peut vivre des choses que peu de gens ont la chance de vivre. Être pilote c’est un privilège. Il m’a fallu du temps pour m’en rendre compte, ce n’est qu’après mon accident que j’ai vraiment pris conscience que j’étais un privilégié. J’ai vécu des choses inoubliables et incroyables.
Si tu devais te définir en trois adjectifs ?
Déterminé, exigeant et cool. Pour le cool, je sais très bien qu’en Suisse je suis plus perçu comme froid et inaccessible, mais je pense que cela vient du fait qu’on n’a pas la même approche de la compétition. Si je ne vais pas boire une bière le soir avant une course, ce n’est pas parce que je suis coincé, mais quand je suis sur une course, je me suis entraîné pour la gagner, pas pour y participer. Et pour gagner, il faut être concentré, chose que je n’arrive pas à faire en déconnant avec des potes deux minutes avant le départ. En mondial, je n’étais pas perçu comme froid et inaccessible, parce que tout le monde a la même approche. Tu peux demander à Julien Bill ou Arnaud Tonus, qui va d’ailleurs à mon avis devenir le plus beau palmarès suisse s’il continue sur cette voie.

 
Pour toi, c’est un nouveau combat qui a commencé : comment se passe ta rééducation ? Où en es-tu ?

J’ai passé environ 7 mois en centre. 3 mois et demi à Lucerne et presque 4 à Sion. Dans ces centres, on fait énormément d’activités physiques, on apprend à vivre en chaise roulante. On apprend à faire tous les gestes de la vie quotidienne comme s’habiller, se laver, etc. On cherche également un moyen de se réinsérer dans la vie professionnelle. Moi je continue à faire énormément de sport pour récupérer, puisque mon but est de remarcher. Ma moelle n’est pas complètement sectionnée, il reste donc une petite probabilité que je remarche un jour. Et tant que cette probabilité est là, je m’y accrocherai et je ferai tout pour la réaliser. J’ai le moral, même si des jours, il y a des bas. Ce qui est dur, c’est pas le fait de ne plus pouvoir utiliser tes jambes, c’est les conséquences de cet état de fait. Il faut tout réapprendre, même les trucs les plus cons, comme aller à la poste ou faire ses courses.
La moto, c’était toute ma vie, c’était ma raison de vivre. Quand je suis rentré chez moi, j’ai pris conscience que je ne courrai plus jamais en championnat du monde. J’ai donc dû me trouver une autre raison de vivre : ma famille, mes amis, et mon nouveau défi…  Je ne serai jamais champion du monde de cross, mais mon championnat à moi maintenant, c’est de remarcher. C’est passé, et maintenant il faut avancer.
Ce que j’apprécie, c’est que je ne me suis jamais senti plaint. Les gens que je croise me montrent plus du respect que de la pitié, ça m’aide énormément pour avancer. C’est un gros plus que les gens ne soient pas «désolés» et t’encouragent au lieu de te plaindre.
Merci beaucoup Marc et bon courage pour ton «nouveau championnat», comme tu aimes à le décrire.

Écrit par Sébastien Junod

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10 Commentaires

  1. Après avoir lu (quelques) et dit (beaucoup) de pitreries sur ce site, la transition n’est pas facile…

    Que dire d’autre que :

    Courage et bravo Champion !

    Total respect

  2. Un tel article ne te laisse pas indifférent. Il te secoue en profondeur. Il te rappelle que ta vie peut basculer en une fraction de seconde.
    Chapeau bas Marc pour ton caractère et ta volonté. Tu reviendras, pas sur la grande scène, mais en remarchant d’une manière ou d’une autre. Comme un autre grand sportif, vainqueur de l’Xtrème de Verbier en 2004 et victime d’un terrible accident deux ans plus tard en compagnie du skieur de l’impossible D. Perret. Tu l’auras certainement reconnu: Jean-Yves Michellod. Il a suivi le même parcours du combattant et remarche partiellement à l’heure actuelle. Donc avec ta détermination et ta persévérance tu y arriveras aussi. On te tient tous les pouces.
    Et encore un compliment à CartonRouge qui a su sortir avec classe et élégance des sentiers battus. http://www.skieurlibre.com/

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