Par une fin de journée de mai, dans le fief des Constantin, Gianadda et autre Couchepin, Christophe Moulin a eu la gentillesse de recevoir CartonRouge.ch et de nous ouvrir sa boîte à souvenirs. Avec passion, il nous relate ses débuts de joueur, la magie des supporters valaisans, sa fabuleuse année 2006 et bien entendu le duel qui opposera, ce dimanche, Valaisans et Neuchâtelois au Parc St-Jacques.
Tout d’abord un grand merci de nous avoir reçu, Christophe ! Avant de parler de 2011, faisons un petit saut dans le passé. Il y a bientôt 35 ans tu quittais le FC Vollèges pour le Martigny-Sport suivi du FC Sion. Penses-tu qu’il était plus facile de percer à l’époque que de nos jours avec les structures de formation mises en place ?Non, je pense que c’est quand même plus facile aujourd’hui, car il y a des recruteurs et les structures de formation permettent un meilleur suivi du joueur. A l’époque, c’était différent, c’était une histoire de connaissances, il fallait avoir son petit réseau ; connaître la bonne personne qui te disait «viens jouer à Martigny» et tu jouais à Martigny.
Arrière central du FC Sion au début des années 80, tu avais comme coéquipiers Alain Balet, Boubou Richard, Jean-Paul Brigger ou en encore Christophe Bonvin. Qu’est-ce que ton expérience d’ancien joueur te permet d’apporter aux équipes que tu coaches ?
Le fait de gérer les événements, d’avoir le recul nécessaire et de ne pas se faire le match dans sa tête avant d’être sur le terrain. Ce sont des petites choses que tu apprends au contact de joueurs qui sont plus âgés, donc plus expérimentés. D’ailleurs, je trouve qu’un entraîneur doit faire le lien entre les deux générations pour que les plus anciens puissent transmettre le calme et la sérénité à la jeunesse.
De nos jours, le football est une affaire de gros sous, de scandales sexuels et les footballeurs deviennent les rois de la publicité. A l’époque, quelle ambiance régnait dans le vestiaire sédunois ? Y avait-il un Cristiano Ronaldo ou un Franck Ribéry ?
Ça a beaucoup changé, et toutes les dérives du foot actuel proviennent qu’il y a trop d’argent en jeu. A l’époque, il y avait nettement plus de simplicité et d’humilité, on était moins individualistes.
1982, ton premier rendez-vous avec une finale de la Coupe de Suisse. Sion bat le FC Bâle 1 à 0 sur un but d’Alain Balet. Quel souvenir gardes-tu de ce 31 mai ? Aurais-tu une petite anecdote sur cette journée victorieuse ?
Avant la finale, on était en camp d’entraînement à Gurten. On était au calme et isolé. On arrive à Berne et là tu vois partout les couleurs valaisannes. Puis tu rentres dans le stade et tu te retrouves face à un mur rouge et blanc. Tu sens une force en toi, tu te dis que tu ne peux pas perdre et que tu vas te dépasser pour gagner cette Coupe. C’est indescriptible la sensation que tu ressens, t’es dans une autre dimension. Je me souviens aussi du but de Balet. Il était phénoménal lors des grands rendez-vous. Balet a participé à trois finales de Coupe et y a marqué quatre buts !
Tu finis ta carrière de joueur au Martigny-Sport puis débutes celle de coach. Qui considères-tu comme l’entraîneur de référence… s’il en existe un ?
Je citerai Alex Ferguson, ça fait déjà 25 ans qu’il est à la tête de Manchester United. Il a construit son équipe sur la durée, a une philosophie de jeu que j’apprécie et a su se renouveler. D’ailleurs, en 1982 avec le FC Sion, j’avais joué contre une formation qu’il coachait, c’était Aberdeen au tour préliminaire de la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe (ndlr. : Sion avait été humilié 7-0 à Aberdeen avant de perdre 4-1 à Tourbillon).
Tu as entraîné trois équipes valaisannes, Monthey, Martigny-Sport, Sion ainsi que deux équipes vaudoises, Baulmes et Stade-Nyonnais, avec qui tu fus promu en Ligue Nationale B en 1998. Du côté valaisan, les tribunes expriment une plus grande ferveur envers leur équipe que les vaudoises. Cet engouement passionnel du public se fait-il sentir jusque dans les vestiaires, est-ce primordial pour une équipe de compter sur son 12ème homme ?
Il est plus qu’important ce douzième homme ! Lors de la finale de la Coupe en 2006, comme on était moins forts sur le papier, on est entrés après YB sur la pelouse. Ce qui a permis de leur mettre un peu la pression, car ils ont pu se rendre compte des encouragements portés à notre équipe, lors de notre entrée dans le stade… Le public valaisan est merveilleux lors des finales de Coupe. C’est un évènement qui relie tout le Vieux-Pays, tout le monde parle de la Coupe, même les personnes qui ne s’intéressent pas au foot. Sur les 11 finales, j’en ai fait 10, la seule à laquelle je n’ai pas assisté est celle de 1965. Je me souviens de ma première en 1974, gagnée 3-2 contre Xamax. Je n’avais pas encore 16 ans ! Avec un de mes frères, on avait embarqué en cachette quelques sonnettes que mon père possédait.
2005, Christian Constantin te contacte pour reprendre les rênes du FC Sion. Ton premier match comptant pour la Coupe suisse est un 1/16ième de finale contre Le Mont-sur-Lausanne gagné difficilement 3-2 après prolongation. En ce 23 octobre, aurais-tu imaginé ramener la Coupe quelques mois plus tard ?
Oh non… Au départ c’était l’histoire d’un match et de quelques entraînements pour dépanner. Puis le dimanche suivant, suite à notre victoire contre Concordia Bâle, Constantin me demande de continuer jusqu’à Noël. Noël passé, l’envie et la motivation étant là, on a conclu que je continuais jusqu’à la fin de la saison.
2005-2006 toujours, les résultats suivent autant en championnat qu’en Coupe. Tout le monde connaît le président du FC Sion et ses exigences. Le fait qu’il mette la barre toujours plus haute, est-ce difficile à gérer en tant que coach ou c’est une source de motivation supplémentaire ?
Christian est une personne que je connais depuis longtemps avec ses défauts et ses qualités, comme tout le monde. Mais l’objectif principal quand j’ai repris les rênes était de réintégrer la Super League avec un bon groupe. Et en février, on devait être au stade des quarts de finale. Lors d’un camp d’entraînement près de Pise, CC arrive dans le vestiaire et lance à la cantonade : «les gars, deuxième objectif de la saison : la Coupe !». On était tous un peu surpris mais c’est du Constantin, j’ai pris ça à la rigolade «ok pas de problème, on va y aller»…
En 2006, dans ton équipe se trouvait un certain Gelson Fernandez. Comme tu l’as vu éclore, que penses-tu de la carrière qu’il mène ?
Ça c’est une histoire fantastique. Je me souviens, lorsque Constantin me présente aux joueurs, il était un peu énervé suite à la défaite du match précédent, il leur remonte les bretelles puis me présente : «voilà Christophe Moulin» et quitte les vestiaires. Je me retrouve seul en face de gars dépités. Un seul me regarde, motivé, avec des étoiles pleins les yeux pendant mon discours, Gelson. Je ne le connaissais pas du tout. Le lendemain à l’entraînement je voyais qu’il se donnait; je demande à Chassot : «C’est qui ce p’tit jeune ?». Il avait 18 ans à l’époque, mais c’était déjà un leader. J’ai aimé travailler avec lui pour sa générosité, sa rigueur, son engagement. C’était mon porte-bonheur et avec Obradovic ils ont réussi à avoir une belle complémentarité sur le terrain. Je ne suis pas étonné de la carrière qu’il mène, même si je trouve qu’il ne porte pas assez le maillot de la Nati.
17 avril 2006, 10ème Coupe gagnée par le Vieux-Pays aux dépens des Young Boys. Une finale qui est allée jusqu’aux tirs au but (5-3)… Dans quel état d’esprit étais-tu pendant le match ? As-tu cru en la victoire du début à la fin ou non, tu as eu des moments de doutes ?
Des doutes j’en ai eus… Dès que j’ai su que notre adversaire était YB, je suis allé les voir jouer à tous les matchs que je pouvais. Je connaissais leurs points forts comme leurs points faibles. Je n’ai pas beaucoup dormi la veille de la finale. Le matin, je ne voyais pas comment on pouvait gagner. Sans oublier cette pression, avec 9 victoires, personne ne veut être le premier à perdre et sur le papier on n’était pas les plus forts. Mais lors du déjeuner, j’ai senti que le groupe était soudé, qu’il était prêt à se battre. J’étais un peu plus serein et dès qu’on a quitté l’hôtel pour le stade, j’étais concentré sur mon match, sur le fait de ne pas me tromper dans les changements.
Puis la victoire, c’était magique ! Je me souviens de notre arrivé à Sion, le car nous avait déposé au stade de Tourbillon. Il n’y avait presque personne, on a changé de véhicule pour un bus ouvert. CC me dit : «Tu verras il y aura du monde, ça fait 9 ans qu’on attend cette Coupe». On arrive sur la place de la Gare et là, la foule !… L’avenue de la Gare était rouge et blanche, les gens nous encerclaient : c’était incroyable !
Peux-tu nous expliquer plus en détails la préparation qui avait précédé cette finale ? Il paraît que CC vous avait gavé d’images d’archives…
Alors non, il ne nous avait pas gavé d’images. En fait le vendredi, on a eu l’entraînement à Martigny, puis le soir on a visionné un résumé des 9 finales. Ce qui a permis aux jeunes de l’équipe de voir ce qu’il les attendait. Notre but était aussi de leur montrer que dans une finale rien n’est joué d’avance et que tout peut basculer, même durant les dernières minutes de jeu. Après on a arrêté de parler des victoires antérieures, même lors de notre week-end à Oberhofen.
La Coupe en poche, le printemps 2006 marque aussi le retour de Sion en Super League avec une victoire contre un certain Neuchâtel Xamax. 5 ans plus tard, ces deux formations se retrouvent en finale de Coupe. En 2011, quels sont les avantages de Xamax pour faire vaciller Sion ?
J’en vois deux. Tout d’abord, Bernard Challandes connaît parfaitement Sion car il était encore leur entraîneur en février. Par conséquent, il sait comment positionner son équipe afin de poser des problèmes aux Sédunois. Deuxièmement, j’ai été impressionné par Xamax en demi-finale contre Zurich, ils ont eu une capacité de mobilisation extraordinaire sur ce match, ils ont montré une autre image d’eux, plus conquérante qu’en championnat. Mais de toute façon, je trouve qu’une équipe qui ne mobilise que 10’000 supporters pour une finale ne mérite pas de gagner (rire).
Sion a décroché son billet pour l’Europa League la saison prochaine. Les Sédunois peuvent se rendre à Bâle sans pression apparente pour leur avenir européen, malgré que leurs derniers matchs se soient déroulés dans la douleur. Comment qualifierais-tu l’état de forme actuel des pensionnaires de Tourbillon ?
Je trouve qu’ils finissent bien la saison et qu’ils sont bons. Seul bémol, ils ont de la peine à jouer contre des équipes bien organisées, qui serrent le jeu. Pour mettre dans le jus les Sédunois, il suffit juste que quelques joueurs enferment un Obradovic ou un Zambrella… Mais ces joueurs-là, il faut les trouver !
Cette année, la finale se déroulera au Parc Saint-Jacques. Que penses-tu de cette délocalisation ? Le mythe Coupe de Suisse – Wankdorf s’envole-t-il ?
Non, le mythe ne s’envole pas, il ne faut pas être superstitieux. Mais c’est vrai que j’aurais préféré qu’elle se joue à Berne, et sur gazon si possible.
Quel est ton pronostic ?
2-1 pour Sion.
Et au niveau des Valaisans à Bâle, combien seront-ils selon toi ?
25’000 d’après mes infos.
Tu y seras ?
Bien sûr !
Merci Christophe et bonne finale !
Écrit par Jonas Salamin
et paf les frissons !! paf paf !!
pareil lol
Tout tout bon c’t’interview ! Un chic type ce Christophe. Vivement dimanche les amis…
De dieu, la chair-de-poule! J’aime surtout cette phrase : « Mais de toute façon, je trouve qu’une équipe qui ne mobilise que 10’000 supporters pour une finale ne mérite pas de gagner ». Surtout qu’ils seront tout juste 7’000…
Hop Sion, on va déjà leur montrer de quel bois on se chauffe ce soir!
Quel légende ce Christophe! Je me rappelle en 2006 je l’avais croisé à 3h du matin alors que l’équipe redescendait à la gare pour prendre le bus après avoir fêter. Je lui dis merci Christophe vous nous fêtes rêver, il me répond: « merci à vous les fans c’est vous qui nous porter, sans vous on serait rien! »
Un tout bon 😀
« Mais de toute façon, je trouve qu’une équipe qui ne mobilise que 10’000 supporters pour une finale ne mérite pas de gagner ». Surtout qu’ils seront tout juste 7’000…
-> En considérant qu’il n’y a pas que moi qui ai pris mes billets à Neuch pour éviter la foire d’empoigne devant Tourbillon, avec en plus l’argument du peu de monde aux guichets durant la vente chez eux, je vois plus quelque chose comme 4’000 Gzamaxiens à tout casser…
12/12!!!!!!
L’est gentil le Christophe de faire croire aux Neuch qu’ils seront 10’000…Ou si c’est juste pour consoler le Gilbèèrt ?
C’est lui qui a acheté les 2’000 derniers tickets ?