Scuse me ! Did you say «Forza Milan» ?!?!

La soirée s’annonçait fort prometteuse ici chez les Rosbifs pour ce match entre Milan et Manchester United. Libéré des obligations familiales imposées par mon gouvernement de l’Intérieur (the Home Office), je décidai de me diriger vers le pub local pour soutenir mon équipe favorite. Habitant en Angleterre depuis dix ans, tu l’auras deviné, cette équipe, c’est bien sûr… l’AC Milan !

Pourquoi le pub et pas le canapé et la traditionnelle pint de bière tiède me diras-tu ? Et bien c’est «grâce» à Sky Sport qui a raflé les droits TV de la Champions League en Grande-Bretagne, privant ainsi plus de cinq millions de passionnés de leur sport favori tout en faisant beaucoup d’heureux parmi les tenanciers de pub. Vive le sport, mais seulement pour les privilégiés ! Après ça, on comprend mieux pourquoi Sepp Blatter peut se payer un palace sur les collines de Zurich. Bon, je m’arrête là et laisserai à Christian Constantin le soin d’achever le Haut-Valaisan sur son blog.
Le premier pub dans lequel on s’engouffra, The Lamb, n’avait qu’un écran pour lilliputien, ce qui nous permit juste d’apercevoir le premier but de Kaka. Il y avait autant d’ambiance dans ce bistrot que dans les tribunes de la Pontaise un dimanche après-midi. C’est pourquoi, avec Thomas, un tifoso milanais de père en fils, on remonta rapide dans la GTI, direction le Hog’s Head de Newbury. Ce pub est à la fois un repère pour amoureux de foot sur grand écran, mais aussi pour les demoiselles de grandes vertus, si tu vois ce que je veux dire ! En route, j’avertis mon pote Thomas de ne surtout pas montrer son soutien pour les «Berlusconiens» et de ne pas célébrer un but en sautant au plafond en arrosant ses voisins de demi litre de Guinness. Crois-moi, c’est la bonne tactique ici pour éviter des «caresses» de la part de hooligans locaux.

A peine entrés dans le pub, on parvint à se frayer un passage dans les rangées de sardines anglaises, agglutinées devant les nombreux écrans plats. Je vais te surprendre ici mais la majorité du pub soutenait les barons de ManU qui sont pourtant fort peu populaires dans cette contrée qui roule plutôt pour les Saints de Southampton ou les Royals de Reading. L’ambiance me demanderas-tu ? Il suffisait de voir la longue queue au bar pour savoir que ManU était déjà mené au score, ce qui avait passablement plombé l’atmosphère.
Les rares incursions de Ronaldo dans le camp milanais ou les «bourrinades» de Rooney n’incitèrent pas le pub à donner de la voix pour soutenir les Mancuniens. Apres un crochet par le bar pour nous donner du courage à respirer les aisselles des Rosbifs qui s’agitaient devant nous, on nota à la demi-heure de jeu que les crampons de Heinze collaient nettement mieux au gazon arrosé par les bruines anglaises qu’à celui trempé par les trombes d’eau lombardes. Crois-moi sur ce coup-là, mais dès la glissade de l’Argentin, je prédis le goal à venir. Ça n’a pas manqué. Seedorf, par ailleurs excellent durant toute la partie, finit d’embarrasser Rio, pas la ville, mais Ferdinand, pauvre défenseur qui passa plus de temps à soigner ses nattes rastas qu’à réussir ses tacles.
Emporté par ce but, j’en oubliai la règle élémentaire d’un supporter étranger dans un pub anglais : ne manifester aucune joie sur le goal de son équipe ! Tel un piètre Rocky Balboa, je ne trouvai rien de mieux que de lever les poings au ciel, sous le regard horrifié de mon pote Thomas. Heureusement que pour donner le change, j’ai continué le mouvement de mes bras pour me gratter les oreilles ! J’étais sauf.

A 2-0, le match était classé et les supporters de ManU se résignèrent à agresser le bar et par là même, nos pieds qui essuyèrent autant de tacles que Ronaldo n’en reçut du «généreux» mais génial Gattuso durant toute la partie.
La deuxième mi-temps se joua dans l’indifférence générale, le pub ayant perdu 30% de ses clients à la mi-temps. Ce soudain dédain du public était le reflet parfait de la performance de Ronaldo qui payait un lourd tribut aux coupes de champagne consommées lors de la récente remise du prix de meilleur joueur de Premier League de la saison. Si son titre est indiscutable au niveau du championnat anglais en 2007, il n’est de loin pas sûr qu’il l’ait justifié sur le terrain de San Siro. Pour couronner notre belle soirée milanaise, le troisième but de Gilardino nous offrit de nombreuses brèches dans le bar dans lequel nous nous engouffrâmes pour – comme on dit chez nous – «refaire le match».
Force est de constater que la partie disputée par ManU fut à la hauteur de leurs performances en demi-teinte à l’extérieur durant cette Champions’ League. En plus, leur match chichement gagné contre Everton, grâce à des facéties du gardien local, leur donna probablement de faux repères sur leur forme actuelle.
Côté italien, on s’est délecté de la précision de leurs passes ainsi que du faux rythme imprimé au jeu, ce qui a totalement déstabilisé la tactique de Ferguson. Cette défaite ne restera pas sans conséquence sur le mental d’une équipe qui n’a plus rien gagné en Europe depuis leur hold-up de 1999 face au Bayern. Sir Alex devra dès lors gagner le championnat pour éponger les larmes européennes ainsi que les revenus évanescents d’une finale de Champions League.
Cette soirée à l’italienne fut bien belle dans le Berkshire et elle nous réchauffa le cœur avant de rejoindre notre cottage. On se réjouit déjà de la finale Liverpool – Milan !