Le guide du « rugbyx »

« Je ne m’intéresse pas au foot, à part pendant l’Euro et la Coupe du monde ». Tous les mois de juin des années paires, mes oreilles sifflent en entendant cette étrange logorrhée, surtout quand elle sort de la bouche d’un guignol de « footix » qui ne sait pas ce qu’est un 4-4-2, mais qui te balance coûte que coûte un avis sur le match. Cette phrase m’est insupportable. Ou plutôt m’était insupportable. Car j’ai eu une révélation qui m’a profondément attristé  : je fais EXACTEMENT la même chose pour le rugby. Je me lève le samedi à 9 heures du mat’ pour regarder France-Argentine mais je suis incapable de citer le dernier vainqueur du Tournoi des 6 nations. Par déclinaison, je suis donc un « rugbyx ». Comme beaucoup d’entre vous, planqués dans votre canapé !  Alors, pour vous ouvrir les yeux, Carton-Rouge vous livre la définition du « rugbyx » en quelques points pourtant évidents.

S’extasier devant un haka

Le coup d’envoi est à 11h30, mais à 11h15 tu es déjà comme un fou devant ta télé. Oui, tu ne veux surtout pas rater le haka ! « Regarde-moi ça, ils sont fabuleux ces Néo-Z. En plus, là, ils ont opté pour le haka version guerrière avec l’étranglement à la fin ». C’est l’anecdote qui tue, tu sais qu’il y a plusieurs variantes de chorégraphies ! Alors tu t’offres un petit bonus : « Mais mon préféré, c’est pas celui-ci, c’est le haka des Samoa, tu l’as vu le haka des Samoa ? ». Non mais ta gueule ! On parle d’un sport, d’un match de rugby, pas d’un folklore offert par des pom-pom boys.

Faire une petite référence à la Coupe du monde 1995

C’est fait ! Les Sud-africains sont en demi-finale. Cela deviendrait presque ton équipe chouchou pour la suite de la compétition. « Ce peuple est incroyable. Regarde la Coupe du Monde 95, comme cela a uni le pays. Et ces scènes de joie de Nelson Mandela, c’était indescriptible ! ». Ah quelle mémoire, quelle science du rugby ! Enfin, surtout merci à TMC d’avoir rediffusé Invictus il y a trois semaines car dans tes souvenirs, Mandela a plutôt la gueule de Morgan Freeman.

Réhabiliter Christian Jeanpierre

« Franchement, c’est quand même un bon commentateur Christian Jeanpierre. Il fait vraiment bien vivre le match ». Oui mais non. Tu captes à peine la moitié des règles et ne parlons pas des variantes tactiques sur une mêlée ouverte. Alors si le jovial Chri-chri dit une connerie, tu ne la remarques pas, tout simplement. Et, espèce de naïf, s’il connaît le club du deuxième ligne fidjien qui entre à la 58^ème, ce n’est pas de mémoire mais grâce à ses fiches, qu’il utilise quel que soit le sport.

« Entrée du numéro 19 Api Ratuniyarawa. Et je peux vous dire que ce n’est pas un santon de Provence celui-ci ! »

Réclamer des drops

« Mais vas-y là, tape un drop ! Pourquoi plus personne ne tente des drops ? ». La phrase est lâchée alors que tu bois ton troisième café et tu es très fier de cette sortie qui porte un regard éclairé sur le jeu proposé. Qu’importe que le dernier drop que tu aies vu était l’œuvre de Jonny Wilkinson en 2003 et que ce sport a passablement évolué depuis, c’est ton avis et tu y tiens.

Reproduire des actions avec ses enfants

Coupe du monde oblige, tu as racheté un ballon ovale car celui d’il y a quatre ans doit être au fond du garage, planqué derrière les skis de fond de ton grand-père. Le but : passer ton après-midi au parc pour initier tes mômes au rugby. Après quelques plongeons et échanges de passes, tu tentes une pénalité entre le pin et le bouleau. Et alors que t’as jamais tapé un coup de pied de ta vie, tu tentes ta chance en mimant la course d’élan du buteur anglais Owen Farrell. « Papa, pourquoi tu balances tes bras comme un handicapé ? ». Tu lui réponds évidemment que c’est pour ta concentration.

S’étonner de l’absence d’anciens joueurs 

« Il est pas là Thierry Dusautoir, il est blessé ? ». Raté, il a pris sa retraite en 2017. En même temps, il a disputé la Coupe du monde 2015, et c’est la dernière fois que tu as regardé du rugby à la télé… Donc la question était légitime.

S’énerver devant le trop plein de jeu au pied

« Et bim, encore une chandelle ! Jouez au rugby, faites des passes, merde ». L’occupation du terrain, très peu pour toi, même si c’est la clé depuis les années 2000. Allez encore un jeu au pied rien que pour t’emmerder !

Expliquer fièrement les règles à ses potes

– Pourquoi il siffle là ?

– Il a fait un arrêt de volée dans ses 22 mètres.

– Et là pourquoi il y a pénalité ?

– Il doit libérer le ballon plus vite et l’a gardé au sol.

– Tu maîtrises vraiment le rugby à part ça. Belle mêlée ! Pourquoi il siffle ?

– Euh je sais pas cette fois.

Manquer la finale

« Je peux te dire que samedi matin, je suis devant ma télé pour la demie Angleterre-Nouvelle-Zélande ! Et la finale c’est quand déjà ? Le samedi d’après ? ». Après vérification, c’est bien ça, le 2 novembre. « Tu te souviens que le 2 novembre on a une sortie au Grand-Saint-Bernard avec les Maillard ? » te balance ta femme. C’est ça ta vie ultime de rugbyx. Tu fais les courses au marché de bonne heure pour mater un France-Tonga au premier tour mais tu vas rater la finale comme si de rien n’était. Vivement 2023 et la prochaine Coupe du monde !