Le Canada encore plus fort qu’à Vancouver

Les Russes et les Canadiens de NHL sont arrivés par vagues lundi à Sotchi, et se sont rendus sans passer par le start directement à la patinoire pour leur premier entraînement. Petit à petit le moment de «High Noon» approche, le duel tant espéré entre les plus deux grandes nations de hockey sur glace sur la planète. Après le Summit Series 1972, la Canada Cup 1987 et Vancouver 2010, Sotchi 2014 comme prochaine page de l’Histoire de ce duel de Géants ?

Or à 50 milliards

Après la présentation du tournoi et de l’importance pour Alex Ovechkin de la lutte pour l’or dont il a estimé hier, à moitié sérieux, la valeur à plus de 50 milliards de dollars, faisons un premier bilan des deux équipes en présence. Oublions donc un instant les USA et la Suède, deux sacrées équipes et autres prétendants au titre, ou notre Suisse, sans doute la plus forte de tous les temps, qui sera menée par un Roman Josi et un Jonas Hiller en état de grâce.

La démonstration de Vancouver

Le Canada a humilié les Russes 7-3 à Vancouver, dans un match dont je vous conseille de visionner la première moitié à nouveau sur YouTube, pour le plaisir. Il s’agit d’un hockey d’un niveau sublime présenté par le Canada, qui gagnait déjà 7-2 avant la mi-match, une domination totale, physique, technique et mentale, un match historique contre une Russie avec toutes ses stars, à l’instar du Brésil contre l’Italie en finale de la Coupe du Monde 1970, ou d’un John McEnroe au sommet de sa forme contre Jimmy Connors en finale de Wimbledon 1984. 
Et la mauvaise nouvelle pour les Russes, c’est que cette année, le Canada est encore plus fort. 

Canada : à donner le vertige

La grande ligne russe Semin – Ovechkin – Malkin avait été muselée en 2010 par la ligne de Toews – Nash – M. Richards, meilleure triplette du tournoi. Cette année, on prend les mêmes et on recommence, au vu des entraînements de lundi, M. Richards étant simplement remplacé par P. Sharp (le compagnon de ligne de Toews des champions en titre Chicago Blackhawks).
Le but victorieux de Vancouver en finale contre les USA de Sidney Crosby ne doit occulter le fait que ce n’est pas le numéro 87 qui avait porté l’équipe du Canada vers l’Or olympique à Vancouver, mais deux autres lignes inattendues : Toews – Nash – Richards et Getzlaf – Perry – Morrow. Cette année, nous allons retrouver l’essentiel de ces deux lignes, encore renforcées, avec soit Marleau, soit Tavares, à la place de Morrow à l’aile gauche du duo des Anaheim Ducks. Imaginez ça : une troisième ligne d’attaque composée des numéros 2, 3 et 7 au classement des pointeurs de NHL !
Quant à Crosby, avec qui historiquement il n’a pas toujours été facile de trouver les compagnons idéaux (à Vancouver finalement Ignila et Eric Staal), il jouera avec son compère de 1ère ligne à Pittsburgh Kunitz et pour l’instant Jeff Carter, mais ne soyez pas surpris de voir à un moment ou à un autre Martin St-Louis à ses côtés. En définitive, la composition de l’équipe – 8 capitaines d’équipes de NHL et plus de 10 joueurs avec la bague de la Coupe Stanley ! – donne le vertige (et probablement des cauchemars pour les coachs de l’équipe adverse).
A ce titre, il est intéressant également de faire la liste des champions olympiques de Vancouver encore actifs qui n’ont pas été sélectionnés pour Sotchi : J. Thornton (passeur no 1 de NHL actuellement), J. Ignila, C. Giroux, D. Boyle, D. Heatley, B. Morrow, M. Richards, B. Seabrook, M.-A. Fleury et Martin Brodeur. Aucune autre équipe au monde ne pourrait se permettre d’écarter des joueurs d’un tel calibre de leur sélection.

Changer une équipe qui gagne

En fait, Babcock et son équipe de coachs (les mêmes qu’à Vancouver, avec en plus Ralph Krueger comme consultant spécial «grande patinoire européenne») ont affiné leur équipe et n’ont pas simplement repris la même formation victorieuse lors de la dernière olympiade. En effet, ils se souviennent que cela avait une des grandes erreurs de Turin en 2006, dont l’équipe vieillissante (qui avait été titrée à Salt Lake) n’était pas la plus adaptée pour l’espace supplémentaire des patinoires européennes. Pour la glace de Sotchi, la sélection a été basée sur la vitesse et la corpulence (Vlasic à la place de Seabrook, Duchenne à la place de Giroux ou Thornton) en vue des grandes patinoires, et un fin équilibre de joueurs à qualités offensives et défensives, avec des spécialistes pour les situations de power-play (Subban, St-Louis). Bref, changer une équipe qui gagne.

John Tavares et l’expérience des Mondiaux juniors

A lui seul, John Tavares, nouveau venu, est un renfort extraordinaire, car il est une vraie superstar, et beaucoup de spécialistes canadiens pensent qu’il n’est pas loin du niveau de Sidney Crosby. Sans oublier son expérience dans les grandes patinoires (aux CM juniors et au CP Berne pendant le lockout) de même que sa versatilité (centre naturel, il peut jouer à l’aile) et ses qualités tant offensives que défensives. Comme Toews en 2010, Tavares pourrait bien être la révélation dans ce tournoi olympique.
D’ailleurs, le capitaine des Islanders, tout comme un nombre record de ses coéquipiers, bénéficie de l’expérience inestimable d’avoir disputé et gagné le Championnat du monde juniors (remporté par le Canada de 2005 à 2009). C’est une préparation idéale aux Jeux Olympiques, tant au niveau mental (culture de la victoire, pression) que sur le plan du jeu (grandes surfaces de glace, jonglages de lignes, expérience internationale).

Et derrière ?

En défense, il est vrai que Pronger et le capitaine Niedermayer sont deux monstres de Vancouver qui ont arrêté leur carrière. Cependant, l’équipe de Russie n’a aucun défenseur de la trempe de S. Weber, D. Keith et D. Doughty (et n’oublions pas également la solide paire des Blues Pietrangelo – Bouwmeester qui ont l’avantage de se connaître parfaitement). PK Subban, le vainqueur de la Norris Trophy 2013 (=meilleur défenseur de NHL) en défenseur surnuméraire ? Quel luxe. L’arrière-garde représente peut-être le plus grand point faible de la nation hôte.
Enfin pour les gardiens, Luongo/Price face à Varlamov/Bobrovsky. Egalité sur ce plan, chacun de ces quatre gardiens pouvant tout à coup se sublimer et devenir le héros de son équipe.

Les leçons de 2010

Coach Babcock a également montré en 2010 que pour trouver la fameuse alchimie, il ne faut pas hésiter à modifier les lignes, jusqu’à ce qu’on trouve une combinaison gagnante. Ce n’est qu’au fil du tournoi que les lignes victorieuses ont été trouvées. Personne n’aurait parié que Toews – Richards – Nash seraient la meilleure triplette, ni que Doughty serait  un des défenseures les plus utilisés (alors qu’au début du tournoi il était surnuméraire). A l’opposé, on a reproché à Slava Bykov de ne pas avoir effectué de changements stratégiques malgré la bérézina du premier tiers contre le Canada, ses lignes restant figées. Mais il est également clair qu’il avait une équipe moins profonde à disposition.

KHL vs NHL

Les Russes, tout comme les Canadiens après l’échec de Turin 2006, auront-ils appris de leurs erreurs de Vancouver ? La première ligne reste la même qu’en 2010. Il serait peut-être intéressant de tenter de séparer Ovechkin et Malkin, ce dernier étant souvent plus productif avec les Penguins lorsqu’il ne joue pas avec Crosby. La deuxième ligne, à vocation plus défensive (?), risque d’être le capitaine Pavel Datsyuk, qui a très peu joué ces temps en raison d’une blessure aux adducteurs, au centre entre Radulov l’enfant terrible et Kovalchuk le philanthrope, lui qui a renoncé à USD 77’000’000 en quittant les New Jersey Devils prématurément pour revenir jouer en 2013 dans son pays natal.
Le coach Bilyaletdinov a misé sur les joueurs de KHL, en en sélectionnant neuf (et en laissant des joueurs de NHL comme Gonchar à la maison). Ces derniers ont l’avantage d’avoir l’habitude de la grande surface de jeu et d’évoluer ensemble dans le cadre du championnat de KHL. Mais y a-t-il eu des considérations politiques derrière certains de ces choix afin de prouver que la KHL vaut la NHL ? Si c’est le cas, c’est un pari risqué, car pour battre le Canada, la Russie a besoin de ses meilleurs joueurs, et non les plus politiquement corrects.
Quant à cette grande surface de patinoire, les Russes espèrent que cela sera un facteur déterminant par rapport à Vancouver, et se rappellent de la difficulté d’adaptation des Canadiens par le passé (Turin, Nagano). Il s’agit d’un des éléments clés du tournoi.

Comment dit-on miracle en russe ?

Cependant, le constat est clair : jamais une équipe du Canada n’a paru si forte par rapport à l’équipe de Russie. Ovechkin a retrouvé sa forme et sera sans doute brillant aux côtés de Malkin. Mais à ce niveau de jeu, un ou deux joueurs ne peuvent pas faire la différence. Datsyuk est un génie, mais aura-t-il retrouvé tous ses moyens ? Et comme on l’a vu à Vancouver, neutraliser Crosby (sa tâche principale accomplie avec succès) n’était pas suffisant pour ralentir le Canada.
Le nouveau venu et talentueux Tarasenko (associé probablement à Kulemin et Anisimov), n’est cependant pas dans la même classe que le néophyte Tavares. Semin, Radulov et Kovalchuk sont de grands talents mais connus pour leurs performances en dents-de-scie, et pas forcément pour leurs qualités défensives ou des attitudes très professionnelles. Quoique, s’ils ne sont pas motivés à Sotchi, ils ne le seront jamais. Et avoir 9 joueurs de KHL, où le rythme n’est pas comparable à la NHL, aux moments décisifs me paraît être un désavantage de taille. Ils en avaient autant à Vancouver.
En plus de cela, il faudra la gérer l’immense pression. Le pays. Poutine. 50 milliards. Même à l’entraînement hier, les Russes paraissaient nerveux. Quelles seraient les répercussions en cas de défaite prématurée dans le tournoi ? En 2010 déjà, la réaction contre l’équipe, et contre Ovechkin en particulier, avait été violente après le traumatisme de Vancouver.

Et le complexe. A chaque fois, les Russes ont été défaits lorsqu’ils avaient en face d’eux les meilleurs Canadiens et ils en sont conscients. La victoire des Soviets à la Canada Cup 1981 est oubliée et celle de Turin 2006 insignifiante, dans la mesure où la Sbornaia  n’y avait même pas obtenu de médaille. D’ailleurs, la TV russe passe actuellement, paraît-il, régulièrement des films et des reportages sur la Summit Series de 1972 : c’est l’heure de la revanche, prône le commentateur, plus de 40 ans après. Et aucun spectateur n’apprécierait plus l’or que l’allumeur de la flamme olympique, le gardien légendaire Tretiak, lui qui a encaissé le but victorieux de Henderson à 34 secondes de la fin en 1972. 
Dans ces circonstances, si les Russes parviennent à battre un Canada aussi fort et à emporter l’or, il s’agirait véritablement de la plus belle victoire de leur histoire, équipes de Russie et de l’Union soviétique confondues.
Et depuis Lake Placid, les Russes se rappellent mieux que quiconque que sur un match, tout est possible.
Ça serait leur «Miracle sur la glace».

Lignes du Canada lors des entraînements de lundi et mardi

Luongo
Price*
Smith* (CM 2013)
Keith – Weber
Vlasic* – Doughty
Pietrangelo*-Bouwmeester*
Subban* (CM 2013) – Hamhuis (CM 2013)*
Kunitz – Crosby – Carter*
Sharp* – Toews – Nash
Marleau – Getzlaf – Perry
Benn* – Tavares* – Bergeron
St-Louis* – Duchene* (CM 2013)                                   
 * absents à Vancouver
Photo Tavares de Pascal Muller, copyright EQ Images

Écrit par Andy Tschander

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4 Commentaires

  1. A choisir je serais plutôt pour les Russes mais ils devront être bien couillus dans leurs têtes (en même temps quand on a des têtes de bites).
    Bon je deviens encore plus lourdingue que d’habitude, c’est l’heure d’aller se coucher.
    Bonne nuit

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