Retrouver ses esprits (de Noël)

Désormais, chaque mois, Carton-Rouge a le plaisir de sortir ses griffes dans le nouvel hebdomadaire régional répondant au doux nom de Riviera Chablais votre région. Notre mission : croquer une thématique d’actualité sur le sport suisse avec impertinence. Nous publions quelques jours plus tard cette chronique sur notre site. La onzième édition, grâce à un éclair de lucidité de notre rédacteur, porte sur l’amnésie générale du monde du sport et de ses suiveurs face aux commotions.

Ah, l’Avent, ses vins chauds, son calendrier et ses couronnes : une période propice à se remémorer les moments marquants de l’année. Et si on avait une pensée pour ceux qui ne peuvent justement plus se rappeler de tout, comme les sportifs souffrant de démence suite à des commotions ? Cette année, la presse a regorgé d’exemples, même en football, où le lien paraît moins évident.

On associe souvent la santé mentale à des concepts abstraits. Or, là, pour le coup, c’est très concret : faites des milliers de têtes et les cloches de Noël sonneront pour vous. En football, quatre des onze joueurs de l’équipe d’Angleterre vainqueur de la Coupe du monde 1966 sont décédés des suites de lésions au cerveau. Au rugby, à force de se mettre des marrons, les joueurs finissent givrés, parfois dès 40 ans ! Au menu : pertes de mémoire, migraines constantes, sentiment de confusion, pensées suicidaires, comportements erratiques, violence. Le coupable a un nom : l’encéphalopathie traumatique chronique, une maladie neurodégénérative, qui n’est donc plus l’apanage de votre grand-oncle après trois verres de kirsch lors du réveillon.

Le film « Seuls contre tous » sur le football américain avec Will Smith a certes éveillé les consciences, mais comment faire évoluer les règles d’un sport qui consiste partiellement à se mettre des coups de casque ? Le problème, c’est que les fédérations bottent en touche et démentent en invoquant que le lien entre commotions et problèmes cognitifs à long terme est extrêmement complexe mais que la science évolue. En rugby, les choses bougent: au Royaume-Uni, environ 150 joueurs ont intenté une action collective contre la fédération internationale pour demander des dédommagements après des diagnostics de troubles neurologiques. En hockey, le sujet semble parfois grandement minimisé. En témoignent certaines analyses d’après-match surréalistes, expliquant que le joueur doit connaître le règlement et n’a qu’à pas tourner le dos au moment de la charge. C’est vrai, à part risquer une démence à vie, de quoi se plaignent-ils ?

Tout amateur de sport connaît parfois des moments de lucidité : certes, regarder un bon check ou plaquage sert d’exutoire par procuration à notre violence, mais au final, ne cautionne-t-on pas tacitement des règles qui transforment les joueurs en chair à canon pour notre simple divertissement ? Du pain et des jeux, ça nous fait frémir bien lotis devant Squid Game, alors pourquoi le fait que des sportifs risquent la démence ne nous révolte pas plus ? Le jeu en vaut-il les trente-six chandelles ?

En cette période de l’Avent, est-ce qu’on pourrait demander au Père Noël que les joueurs aient droit à un après et retrouvent ainsi l’esprit (de Noël) ?

A propos Florent Gonnet 49 Articles
Que penserait Molière de la VAR ?

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.