Berlin, Berlin, wir fahren nach Berlin !

«Berlin, Berlin, wir fahren nach Berlin !» Dès le coup de sifflet final du match Turquie – Suisse, les entrailles du stade Sükrü Saraçoglu résonnaient de ce fameux slogan. Quelques mois plus tard, une marée rouge envahissait l’Allemagne, aux cris de «Berlin, Berlin, wir fahren nach Berlin !», au grand étonnement de la presse germanique qui s’étonnait de voir les supporters de la petite Suisse rêver de finale et pensait que le fameux slogan était réservé aux fans de l’équipe d’Allemagne.

Au bout du compte, ni la Suisse ni l’Allemagne ne sont allés en finale, si bien que personne n’est «fahren nach Berlin», les supporters des deux équipes finalistes étant trop inexistants pour faire entendre un quelconque chant. Nous, on était bien allé à Berlin, mais c’était pour Ukraine – Tunisie, ça n’avait pas tout à fait la saveur d’une finale.Du coup, lorsque s’est présentée l’occasion de retourner à l’Olympiastadion berlinois pour une vraie finale, celle de la Coupe d’Allemagne, je me suis empressé de la saisir. Quelques réminiscences de mes cours d’allemand et de la famille Schaudi, qui a traumatisé des générations d’écoliers vaudois, me suggèrent qu’on a plutôt fliegen que fahren nach Berlin. Quoiqu’il en soit, dès notre arrivée sur sol berlinois, la veille du match, nous nous précipitons devant la Brandenburger Tor, où la Fanmeile a été réinstallée au cœur du Tiergarten, comme pendant la Coupe du Monde, mais en plus petit, avec deux écrans géants au lieu de six. Le thème de la manifestation ? «Berlin, Berlin, wir fahren nach Berlin !» bien sûr, avec au programme match sur écran géant, fan parties et stands de bières, saucisses, maillots et autres écharpes de foot. Le public est plutôt clairsemé en ce vendredi soir, les violents orages (les rues sont jonchées de branches d’arbre) ayant sans doute refroidis pas mal de supporters. Néanmoins, sur l’ensemble du week-end, la Fanmeile attirera 300’000 spectateurs, dont 100’000 le soir du match. Ce à quoi tu peux ajouter les 75’000 de l’Olympiastadion, les 50’000 du Public-Viewing de l’Altstadt de Nuremberg et les 25’000 de celui de la Canstatter Wasen stuttgartoise, plus les 100’000 le dimanche qui fêteront le retour de l’équipe de Nuremberg. L’engouement des Allemands pour le football est absolument incroyable.
Nous le constaterons encore une fois lors de la journée du samedi qui commence, après une courte nuit, avec un déjeuner à la Bitburger sur la Fanmeile, inondée de soleil et envahie par les supporters des deux camps. Ceux-ci arborent soit des maillots de leur club respectif, soit des t-shirts spécialement imprimés pour l’occasion et ornés de la devise – tu ne devineras jamais – «Berlin, Berlin, wir fahren nach Berlin !». Les «Deutscher Meister Faux Eff Bé» stuttgartois font échos au «Europapokal, Europapokal» nurembergeois. Tout cela nous rappelle que les deux formations ont déjà réussi leur saison au delà de toute espérance, avec un titre national pour Stuttgart et une qualification européenne pour Nuremberg, aussi inattendu l’un que l’autre. Bien qu’auréolé de son tout récent sacre en championnat, le VfB ne part pas favori contre les Franconiens, puisque «der Club» a remporté les deux confrontations directs en Bundesliga : 3-0 au Gottlieb-Daimler Stadion en ouverture de saison et 4-1 à l’easyCredit-Stadion lors de la reprise en janvier.


Comme lors de la dernière Coupe du Monde,
une Fanmeile était organisée à Berlin.

L’Olympiastadion berlinois, où nous arrivons environ cinq heures avant le coup d’envoi, ne fait pas partie des lieux mythiques de l’histoire du football mais des stades légendaire de l’Histoire tout court, l’un des rares à avoir accueilli les deux plus grands événements sportifs planétaires, les Jeux Olympiques et la finale de la Coupe du Monde. Si l’enceinte berlinoise a été magnifiquement rénovée, elle n’en a pas moins conservé son architecture historique, avec ses colonnes, sa flamme olympique, son ouverture vers le soleil couchant et le nom des champions des Jeux Olympiques nazis de 1936 gravés dans ses murs, de part et d’autre de la vasque. On y lit le nom du grand Jesse Owens bien sûr, vainqueur sur 100 m, 200 m et en saut en longueur, mais aussi d’un Suisse, un dénommé Miez, sacré en «Türnen, Freiübungen».
Cette parenthèse historique refermée, nous partons en quête de bières, quête qui sera rapidement couronnée de succès vu l’omniprésence des stands dédiés au houblon. Nous assistons d’abord à la finale féminine. A 20 heures, la grande finale entre le VfB Stuttgart et le 1. FC Nürnberg débute enfin. Il était temps, je dois en être au cinquième litre de bière, un de plus et je chantais l’hymne allemand. L’ambiance est phénoménale ; j’ai déjà vécu pas mal de grands matches mais il m’a rarement été donné de voir une telle atmosphère dans un stade. Et pourtant, les supporters de Stuttgart et Nuremberg sont plutôt considérés comme tièdes en Allemagne. Les deux équipes jouent habituellement en rouge. Si les supporters franconiens ont gardé leur couleur habituelle, les fans souabes se sont vêtus de blanc (moi aussi, vu que mon seul maillot du VfB, c’est un maillot extérieur blanc) et reçoivent même des t-shirts blancs à l’entrée des virages. Mais l’affiche, c’est bien Stuttgart – Nuremberg (et non l’inverse), le VfB joue donc dans son traditionnel maillot rouge et «der Club» en blanc. Ainsi, la moitié du stade entièrement vêtue de rouge va soutenir les blancs et les supporters en blanc constituant l’autre moitié vont encourager les rouges !
Mintal (trop court sur un centre de Schroth devié par Kristiansen, 6e) et Cacau (lob trop court, 7e) se créent les premières occasions. A la 20e, Khedira devance un Wolf bien statique en la circonstance et prolonge de la tête pour Cacau, dont le tir croisé ne laisse aucune chance à son futur coéquipier Schäfer (qui a signé au VfB pour la saison prochaine). La finale est bien lancée ! Nuremberg réplique sur un centre parfait d’Engelhardt pour Mintal qui égalise en force sous la latte. Deux buts en moins de 30 minutes dans une ambiance de feu, la soirée s’annonçait exceptionnelle mais les choses vont malheureusement vite se gâter. A la 30e, Cacau, à la lutte avec Wolf, donne un léger coup sur l’avant-bras du défenseur nurembergeois. Sur intervention de son juge de touche, l’arbitre expulse le buteur brésilien. J’ai cru un moment à un retour diabolique d’Andreas – «j’ai pourri la plus belle finale de l’histoire de la Coupe de Suisse» – Schluchter. Mais non, Vroni n’était pas à la touche, l’homme au sifflet s’appelait bien M. Weiner et son arbitrage a été à pleurer. Le geste de Cacau était certes répréhensible mais n’a pas fait mal, ne risquait pas de blesser et s’est déroulé au cours d’un duel et non après un arrêt de jeu. Dans une finale jusque là engagée mais très correcte, un carton jaune ou même une simple réprimande verbale eussent été beaucoup plus indiqués. Cette décision disproportionnée va malheureusement produire une ambiance électrique, alors qu’elle était plutôt festive jusque là. Quant au capitaine nurembergois Schäfer, qui a piqué un sprint de 40 mètres pour réclamer l’expulsion de son futur coéquipier Cacau, il risque d’être accueilli plutôt fraîchement dans les vestiaires du Gottlieb-Daimler Stadion d’ici quelques semaines.


30e : expulsion de Cacau trop sévère

La tension résultant de la décision erronée de M. Weiner ne va pas tarder à faire une victime : Marek Mintal. Pourtant, la soirée du Slovaque avait commencé comme un conte de fées. Eloigné des terrains pendant presque toute la saison, le buteur du 1. FCN était revenu en vue de cette finale de Coupe et son bonheur d’avoir inscrit le premier but venait s’ajouter à celui d’être père de famille depuis six jours. Mais, deux minutes après l’expulsion de Cacau, il devra quitter le terrain sur une civière après une agression inqualifiable du capitaine portugais du VfB Meira, coupable d’un tacle par derrière sur le genou de son adversaire, avec le pied décollé à soixante centimètres du sol. Un geste qui aurait dû valoir le retour immédiat de son auteur au vestiaire mais M. Weiner a estimé qu’un carton jaune suffisait. Lamentable… Quel qu’ait pu être le courroux du Portugais après l’expulsion injuste de son coéquipier, son geste est totalement inadmissible. C’est malheureusement la face sombre du football lusitanien, que l’on avait trop souvent vue lors de la dernière Coupe du Monde, notamment lors du triste Pays-Bas – Portugal. La durée de l’indisponibilité du malheureux Mintal n’est pas encore connue mais celui-ci a déjà dû déclarer forfait pour le prochain Allemagne – Slovaquie, qualificatif pour l’Euro.
On recommence à parler de foot à la 40e sur un bon centre de Magnin pour Hilbert mais le néo-international allemand, qui est passé à côté de sa finale, rate son contrôle et Schäfer peut s’interposer. Dans les arrêts de jeu de la première mi-temps, Engelhardt lance Kristiansen qui arrive seul devant Hildebrand, lequel réalise un arrêt du pied peu évident, alors qu’il était sorti de sa surface. Le portier souabe s’interpose également juste après la pause sur un tir de l’Argentin Pinola, convoqué pour affronter la Suisse à Bâle samedi prochain. Le Gaucho s’en va lui-même tirer le corner et trouve la tête piquée d’Engelhardt, oublié par la défense souabe, pour le 2-1. Mené au score et en infériorité numérique, le VfB Stuttgart voit ses rêves de doublé s’éloigner. Moins efficaces que d’habitude sur les côtés (avec un Magnin moins flamboyant qu’en d’autres circonstances et un Hitzlsperger en position plus axiale que d’habitude), les champions d’Allemagne peinent à trouver des solutions pour inquiéter la solide défense nurembergeoise. L’entraîneur Armin Veh renonce toutefois à utiliser les possibilités offensives encore à sa disposition (Streller ou Lauth) pour faire rentrer le latéral ivoirien Boka à mi-terrain. Un pari presque payant puisqu’à la 73e un tir de l’ex-Strasbourgeois flirtera avec la lucarne des buts de Schäfer. Alors qu’on les pensait battus, les Stuttgartois vont revenir sur une ouverture millimétrée d’Hitzlsperger pour Gomez qui se présente seul devant Schäfer, lequel commet la faute. Le penalty est indiscutable, ce qui l’est moins c’est l’absence du moindre carton pour le gardien fautif. En Allemagne, on appelle ça Notbremse et partout dans le monde cela vaut un carton rouge (en particulier en finale de Coupe de Suisse). Manifestement, M. Weiner devait être absent lors du cours d’arbitrage (si tant est qu’il en ait suivi un) expliquant la notion de faute de dernier recours.


80e : Schäfer fauche Gomez : penalty, 2-2 !

Le Mexicain Pardo a transformé imparablement, il reste dix minutes à jouer et Stuttgart, toujours à 10 contre 11 donc, tente de forcer la décision avant les prolongations. Khedira reprend de la tête un coup franc de Pardo, Schäfer renvoie sur Delpierre, à trois mètres du but, mais le Français ne parvient pas à redresser la course du ballon. On a cru au but, on s’est levé en hurlant, comme une partie de stade, mais le ballon était bien dans le petit filet extérieur (85e). Dans la minute suivante, Schäfer doit effectuer un arrêt difficile sur une frappe lointaine d’Hitzlsperger. Il faudra aller aux prolongations.
Nuremberg, malgré son avantage numérique, ne s’est pas créé la moindre occasion entre la 47e et la 103e : c’est alors que Saenko a devancé une sortie intempestive d’Hildebrand mais le centre du Russe a été sauvé par Tasci devant Schroth. Les deux formations sont prudentes et seule une erreur défensive ou un exploit personnel apparaissent en mesure de nous épargner notre deuxième séance de tirs aux buts de la journée après celle de la finale féminine. Ce sera finalement un exploit personnel : une frappe somptueuse du demi nurembergeois Jan Kristiansen, qui a rebondi sous la latte avant de finir sa course au fond des filets. Le Danois ne mettra sans doute qu’un seul but comme celui-là de toute sa carrière et il a fallu que ça tombe sur ce DFB-Pokal Endspiel.
Nous sommes bien évidemment consternés car les ressources manquent au VfB pour revenir une nouvelle fois au score, comme en témoignent les tentatives désespérées d’Hitzlsperger (116e, bicyclette tentée à 20 mètres du but) et Hildebrand (monté à l’abordage à l’ultime minute). Au terme d’une finale passionnante, le 1. FC Nürnberg, qui n’avait plus rien gagné depuis trente-neuf ans, prive Stuttgart du doublé. Je te laisse imaginer la joie des supporters bavarois dont beaucoup n’étaient même pas nés lors du dernier titre du «Club» en 1968 et encore moins lors sa dernière victoire en DFB-Pokal en 1962. Une demie heure après le coup de sifflet final, aucun spectateur n’a encore quitté le stade, y compris dans les rangs des supporters stuttgartois, qui rendent un bel hommage à leurs joueurs pour leur superbe saison. Et lorsque retentissent les fameux hits de la Coupe du Monde Schwarz und Weiss, Gute Freunde kann niemand trennen et surtout le désormais mythique Football’s Coming Home, c’est tout le stade qui les reprend en cœur tant du côté des vainqueur que de celui des vaincus. En Allemagne, le foot c’est avant tout une immense fête populaire, comme le confirmera la suite des événements, à la Fanmeile d’abord (qui fermera toutefois ses portes un peu tôt à mon goût), puis dans les innombrables bars de la capitale germanique. A la base, le DFB-Pokal Endspiel ne faisait pas spécialement partie des matches que j’avais absolument envie de voir mais, ayant constaté l’ampleur et la festivité de l’événement, je suis assez motivé pour revivre ces prochaines saisons quelques «Berlin, Berlin, wir fahren nach Berlin !»


Un premier trophée depuis 39 ans pour Nuremberg !

VfB Stuttgart – 1. FC Nürnberg 2-3 ap. prol. (2-2, 1-1)

Berlin, Olympiastadion : 74’220 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Weiner.
Buts : 20e Cacau (1-0), 27e Mintal (1-1), 47e Engelhardt (1-2), 80e Pardo (penalty, 2-2), 109e Kristiansen (2-3).
Stuttgart : Hildebrand ; Osorio (68e Boka), Meira, Delpierre, Magnin ; Hilbert, Khedira (100e Tasci), Pardo, Hitzlsperger, Da Silva (46e Gomez) ; Cacau.
1. FC Nürnberg : Schäfer ; Reinhardt, Wolf, Nikl (73e Spiranovic), Pinola (115e Banovic) ; Schroth, Kristiansen, Galasek, Engelhardt, Saenko ; Mintal (35e Polak).
Cartons jaunes : 14e Nikl, 32e Meira, 55e Osorio, 57e Schroth, 67e Khedira, 84e Spiranovic, 92e Galasek, 117e Gomez.
Carton rouge : 30e Cacau.
Notes : Stuttgart au complet, Nuremberg sans Sibon, Kennedy, Gresko ni Benko.

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

1 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.