Bâle à nouveau coiffé sur le fil

En marquant ce fameux but que personne n’a oublié à la dernière minute du championnat passé, Iulian Filipescu a privé le FC Bâle du titre 2005-2006 mais aussi sans doute du titre 2006-2007.

En effet, traumatisés par la perte d’une consécration qui leur semblait promise, contraints de jouer certains matches à huis clos, les Bâlois ont mis près d’un tour pour digérer le cataclysme du 13 mai 2006, un tour durant lequel ils ont concédé un retard important sur le rival du FC Zurich. Malgré une impressionnante série de vingt matches sans défaite (depuis un revers 3-2 en novembre au Hardturm contre le FCZ qui les reléguait à dix points du leader), le FCB n’est jamais parvenu à combler ce retard.Zurich et Lucien Favre font un travail formidable avec une équipe jeune, présentent un football remarquable et se paient le luxe de devancer trois équipes au budget sensiblement supérieur au leur. Leur titre est, pour beaucoup, quelque peu terni par les deux points obtenus sur le tapis vert contre Saint-Gall. Il n’y a toutefois pas lieu d’épiloguer sur la décision de la Ligue qui est parfaitement justifiée et qui a toujours été donnée lorsqu’un club aligne un joueur non qualifié. C’est malheureux pour le FC Bâle qui n’y est pour rien dans l’amateurisme dont ont fait preuve Fringer et son staff. Mais il s’agit d’une bourde, ça fait partie du foot, comme lorsqu’un gardien se troue à la 90e ou qu’un joueur rate un penalty dans les arrêts de jeu, elle fait juste plus mal parce qu’elle s’est passée hors du terrain.
Si l’on en croit un sondage effectué sur le site internet du FCB, deux tiers des supporters bâlois croyaient à un renversement de situation possible lors de la dernière journée. Cet optimisme ne se traduit pas dans l’affluence, un peu décevante pour un match avec, éventuellement, un titre au bout. Certes, 31’136 spectateurs, c’est l’affluence que faisait Bâle lors des grandes années des Yakin, Zubi, Gimenez et autres Rossi. Sauf qu’à l’époque, si le Parc Saint-Jacques avait compté 42’000 places comme c’est le cas actuellement, il aurait fait le plein pour un match de ce type.

 

L’ambiance est néanmoins très belle au coup d’envoi, malgré l’orage qui s’est abattu sur Saint-Jacques deux heures avant le coup d’envoi. Un orage deux heures avant une dernière journée de championnat décisive pour le titre, cela annonce en principe un grand désastre…
Les supporters bâlois pourront rapidement exulter : après trente secondes, une action avortée entre Buckley et Sterjovski laisse entrevoir des espaces béants dans la défense bernoise. Cela se confirmera quelques instants plus tard avec une passe géniale d’Ergic pour Sterjovski dont le tir sous la latte, chronométré à 82 km/h, ne laisse aucune chance à Wölfli. Après moins de deux minutes de jeu, Bâle est virtuellement champion suisse.
Coupable d’une simulation et de deux altercations avec Majstorovic et Buckley, Varela montre qu’il est définitivement irrécupérable et frise l’expulsion. L’Espagnol a été presque autant conspué qu’un autre ex-Bâlois, Hakan Yakin, qui est totalement passé à côté de son match, comme toute son équipe d’ailleurs, Wölfli excepté. Le gardien bernois ne pourra cependant rien sur le deuxième but bâlois, parti d’une touche de Schwegler près du poteau de corner rhénan. Majstorovic renvoie de la tête sur Chipperfield qui prolonge du chef sur Ergic dont l’ouverture de l’occiput trouve Eduardo, lequel gagne son duel avec Tiago. Un instant tenté par la faute de dernier recours, l’ex-réserviste du Barça se ravise et préfère laisser l’attaquant bâlois filer au but plutôt que de finir sa saison prématurément. Le Brésilien élimine Wölfli très proprement et assure le succès bâlois. Laisser un défenseur en un contre un derrière sur une phase offensive en sa faveur après seulement vingt minutes de jeu, je pensais qu’il n’y avait qu’en Bundesliga que l’on voyait ça. Si le foot suisse pouvait s’inspirer plus souvent du championnat d’outre Rhin, nul doute que nos stades seraient mieux garnis.

 

En à peine un quart d’heure, Bâle avait rempli sa part du contrat et mis la pression sur le FC Zurich, toujours en échec contre GC. Le titre ne se jouait plus au Parc Saint-Jacques mais au Hardturm, où les supporters bâlois devaient compter sur un coup de pouce de l’ennemi héréditaire de Grasshopper. Du coup, l’ambiance est redescendue d’un ton, même si les Bâlois, emmenés par un Ergic exceptionnel à mi-terrain, n’ont jamais cessé de partir à l’assaut du but bernois. Le capitaine bâlois, après des années de galère, est en passe de retrouver les sensations qui en avaient fait l’un des moteurs de la formidable épopée bâloise en Ligue des Champions. Il a fallu un excellent Wölfli (tout arrive), de très loin le meilleur bernois dans cette 34e journée de championnat, pour empêcher le score de prendre des proportions plus élevées. L’ex-portier de l’équipe suisse M-21 s’est brillamment interposé sur des tirs de Buckley (22e), Ergic (27e), sur un coup franc de Chipperfield (37e), une tête de Smiljanic (42e) et une reprise de Sterjovski (50e).
Les Young Boys eux ne se sont créés qu’une seule occasion, galvaudée par Varela qui a trop poussé son ballon après une bonne combinaison entre Marcos et Shi Jun (40e). C’est bien maigre mais pouvait-on espérer davantage d’une équipe qui n’avait, contrairement à ce que l’on avait bien voulu nous faire croire, pas grand-chose à gagner dans cette journée ? Les supporters de la capitale n’étaient nullement dépités par l’impuissance de leurs joueurs et n’ont pas manifesté le moindre signe de désapprobation à l’annonce des buts du FC Sion. Les Bernois avaient fait leur petit calcul : une 3e place, c’était l’assurance d’un tour préliminaire piégeux de Coupe UEFA. Avec le risque d’une élimination prématurée en Norvège ou en Ukraine qui coûterait plus d’argent qu’elle n’en rapporte. Une 4e place laisse au moins l’espoir de jouer la Coupe Intertoto : après un tour préliminaire qui devrait être une formalité contre une équipe azérie ou moldave, le représentant suisse affrontera le grand SV Hambourg. C’est-à-dire l’assurance d’une belle affluence à domicile, d’un match à l’extérieur devant 40’000 ou 50’000 Allemands déchaînés et surtout de très lucratifs droits TV de la télévision germanique. Pour affronter leur deuxième ex-champion d’Europe en douze mois (après l’OM l’été passé), les Bernois doivent compter sur une victoire de Lucerne en finale de Coupe. Sinon c’est Saint-Gall qui touchera le jackpot. Quoique, vu que l’adversaire en tour préliminaire a de fortes chances d’être le FC Bakou, pas sûr que Rolf Fringer soit vraiment l’homme de la situation…
Revenons au Parc Saint-Jacques qui est plongé dans la tristesse après l’annonce du but du FCZ contre GC peu avant la pause. Il faut maintenant un but des Sauterelles pour que Bâle soit sacré. A la 52e, une clameur s’élève dans un coin du stade, au croisement des secteurs B et C. Comme il ne passe rien sur le terrain, cette clameur ne peut qu’indiquer un but de GC et gagne petit à petit tout le Parc Saint-Jacques. Mais la confirmation officielle via l’écran géant tarde à venir. «Immer eins zu null für Zueri», me confirme mon voisin. Ainsi donc, le premier (et sans doute dernier) but de Grasshopper jamais acclamé au Parc Saint-Jacques n’a en fait jamais été a marqué. Les petits plaisantins qui ont lancé la rumeur ont réussi leur coup et fait vivre deux minutes d’espoir au merveilleux public bâlois.

Les dernières car la bonne nouvelle tant attendue de Zurich ne viendra jamais et le match sombre dans la monotonie. Gross tentera bien de relancer son équipe en introduisant ses jeunes prodiges Caicedo, Rakitic et Derdiyok. Les deux premiers seront d’ailleurs tout près de marquer un joli but mais Hochstrasser a contré le tir du Croato(hélas)-Suisse.
Les supporters bâlois offriront un magnifique hommage à leurs favoris dans les dernières minutes mais le coeur n’y est plus vraiment. Au coup de sifflet final, le match de Zurich n’est pas encore terminé mais le 2-0 de Margairaz met un terme aux dernières illusions. L’émotion gagne le stade lorsque les joueurs, entraîneurs et dirigeants bâlois se réunissent en cercle, au milieu du terrain, bras dessus, bras dessous, alors que les écrans géants rediffusent les grands moments de la saison du FCB. Les mines sont longues et, même si l’issue de cette saison est moins cruelle et dramatique que celle de l’an passé, on aperçoit des larmes ici ou là. Pour la deuxième année consécutive, le FCB doit abandonner le titre de champion de Suisse au FC Zurich. Sauf que cette saison, les Bâlois n’ont pas perdu le titre dans cette dernière journée mais bien au premier tour. Lorsqu’ils avaient l’esprit encore obnubilé par Iulian Filipescu.

FC Bâle – Young Boys 2-0 (2-0)

Parc Saint-Jacques : 31’136 spectateurs.
Arbitre : M. Bertolini.
Buts : 2e Sterjovski (1-0), 16e Eduardo (2-0).
Bâle : Costanzo ; Zanni, Smiljanic, Majstorovic, Nakata ; Sterjovski (63e Rakitic), Ergic, Ba, Chipperfield, Buckley (66e Caicedo); Eduardo (76e Derdiyok).
Young Boys : Wölfli ; Schwegler, Tiago, Zayatte, Kallio (66e Kavak) ; Varela (74e Hochstrasser), Marcos, Yapi Yapo, Yakin, Raimondi ; Shi Jun (82e Madou).
Cartons jaunes : 15e Buckley et Varela, 42e Smiljanic, 54e Zanni, 62e Sterjovski.
Notes : Bâle sans Petric (blessé), YB sans Häberli, Aziawonou, Chiumento, Magnin, Redzepi (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

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