Finale enflammée au pays du soleil

Ainsi donc, on peut gagner une finale de playoff en ne dominant que 3 tiers-temps en 5 matchs. Après une série au suspense insoutenable qui a divisé un canton, Sierre s’est imposé et est champion de Mysports League (3^ème division). Comme quoi, il fallait aller voir du côté des ligues inférieures pour voir Servette gagner quelque chose. Pour sa part, Martigny rate le titre pour 38 secondes et quelques décisions arbitrales.

Contexte 

Dire que cette finale se déroulait dans des conditions plus que tendues est un doux euphémisme. Mais pour en arriver là, les deux formations ont eu des parcours bien différents. Le HC Sierre, dont presque la moitié de l’équipe est prêtée par Genève-Servette dans le cadre d’un partenariat type équipe ferme, s’est baladé en championnat et jusqu’en finale de ces playoffs. Martigny, ou plutôt le HC Valais-Chablais Martigny comme le disent les journalistes, a quant à lui eu un chemin plus mouvementé. Au contact avec ses voisins de l’est pendant un temps, l’équipe a marqué le pas, changé de coach et a dû passer à chaque fois par le match décisif pour arriver en finale.

Malgré ces différences, cette finale était idéale pour le hockey romand. Deux clubs voisins qui renaissent de leurs cendres après des faillites et qui sont très ambitieux, le tout dans une animosité marquée entre les fans de deux équipes, cela faisait un sacré cocktail sur le papier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la série a tenu toutes ses promesses, entre matchs à issue dramatique, coups bas, mini scandales et bagarres sur et en dehors de la glace.

La seule inconnue au moment du coup d’envoi était le fait que Martigny n’avait pas reçu sa licence pour la promotion en Swiss League, ou LNB. La ligue a estimé que la faillite récente du Red Ice posait des problèmes de garanties financières pour le HCV, alors même que l’organisation actuelle n’a rien à voir avec le bordel instauré par le pigeonné Mike Echenard il y a quelques mois de cela. Le club est allé jusqu’au TAS pour faire recours, ce qui aura été finalement aussi utile que de signer Arno Del Curto pour se qualifier en playoff. Mais cela a probablement eu des répercussions sur le déroulement de cette finale.

Supporters 

Si le HC Sierre se vante d’avoir les meilleurs supporters de Mysport league, ce qui a été vrai durant la quasi-totalité de la saison, le Forum a sacrément retrouvé des couleurs durant ces playoffs. Si la majorité des fans de feu le Red-Ice avait déserté les patinoires suite à la faillite, Martigny s’est reconstruit un magnifique public à la faveur de son hockey chatoyant et de ses performances en playoff. Jusqu’à en arriver samedi dernier – chose impensable quelques jours auparavant – à faire plus de bruit au Graben que les Sierrois, pourtant sept fois plus nombreux. Supporters sierrois au passage tellement dominés dans les tribunes durant ce match qu’ils n’ont compris que leur équipe était championne qu’au moment où les joueurs ont commencé à célébrer. Mais le tout a donné, tout au long des cinq matchs, une ambiance exceptionnelle, enflammée, probablement jamais vue en troisième division jusqu’à présent.

Et le Graben a pris feu, au propre comme au figuré

La finale (sur la glace) 

En un mot : dantesque. Le HC Genève-Sierre-Servette, que je vais appeler Sierrvette pour plus de simplicité, a remporté le match 1 relativement facilement, profitant des approximations du gardien Martignerain. Lors du match 2, Valais-Chablais a repris du poil du Saint-Bernard et a expédié le match en le gagnant 4-1 et en dominant tous les compartiments du jeu, n’encaissant un but qu’à 3 contre 5. La ville du soleil a repris l’avantage à domicile lors de l’acte 3, étant une fois de plus dominée dans le jeu mais profitant des nouvelles erreurs du cerbère du Bas-Valais, Maxime Baud, parfois excellent mais souvent inconstant.

Le match 4 a, quant à lui, été d’une tension extrême. Sous les yeux d’un Forum qui n’avait plus vibré comme ça depuis longtemps et d’un McSorley ayant fait le déplacement et qui décidément doit porter la poisse à son équipe quand il est dans une patinoire, le match a eu un scénario fou. Sierrvette prend l’avantage grâce à deux buts identiques en entame de tiers médian, à chaque fois sur de belles erreurs individuelles des Biancorosso. Mais ces derniers se révoltent et retournent totalement la situation pour mener 3-2 à l’entame du dernier tiers. Les presque Haut-Valaisans égalisent à 12 minutes de la fin à la faveur d’une énième situation de Power Play, mais Martigny trouve le moyen de passer trois goals, dont un dans la cage vide, en une minute et demie ! La série aura donc le droit à la Finalissima, le match décisif pour les deux équipes, qui se déroulera au Graben, l’étable en ruine faisant office de patinoire dans la ville du soleil.

Ce match sera aussi fou. Sierrvette marque à nouveau le premier mais Martigny égalise peu après. Dans le second tiers, les rouges et blancs dominent et prennent logiquement deux longueurs d’avance sur leurs rares situations de supériorité numérique, alors qu’ils n’avaient pas mis le moindre goal jusque-là dans cette série à 5 contre 4. Cependant, l’équipe coachée par Laurent Perroton arrête de jouer lors de la dernière période et voit Sierre revenir à 5 minutes de la fin puis égaliser… à 38 secondes de la sirène, alors que Maxime Baud avait cette fois-ci été plus qu’héroïque dans ce match. Viennent alors des prolongations irrespirables où les deux équipes auraient pu gagner mais où Martigny a manqué des montagnes. Rien ne sera finalement marqué lors de cette période, les deux équipes devant se départager aux tirs au but. A cet exercice, les rouges et jaunes de Dany Gelinas se montrent plus précis, remportant ainsi le titre et raflant la promotion au bout du suspense et des nerfs des fans des deux équipes. Le tout en ayant été largement dominés dans le jeu durant la majeure partie de cette finale. Le sport est parfois cruel.

La finale (hors glace)

Comme dit en préambule, de nombreux événements ont marqué cette finale. Le plus médiatisé est sans doute celui de la bagarre entre supporters à la fin de l’acte 3, rixe largement exagérée par les médias soit dit en passant. Mais les responsables du Graben 0.0 ont visiblement été inspirés par les techniques de leur big boss Chris McSorley en ce qui concerne la déstabilisation de l’équipe adverse. Alors certes, les pannes d’électricité à répétition peuvent être expliquées par le fait que la grange insalubre Sierroise ait des installations datant d’avant la construction de Valère et Tourbillon (même si, curieusement, seul Martigny en a été victime). Mais les douches à l’eau froide et l’absence de PQ sont des sournoiseries d’un niveau aussi bas que le Q.I. d’un contrôleur CFF. On peut encore ajouter à cela le fait que la Coupe était « gravée » avant la fin de l’acte 4 ce qui, même si les explications sont légitimes, n’a pas super bien passé.

Les hommes de la série

Le MVP de cette finale ne fait aucun doute. Si Sierre n’avait pas eu Remo Giovannini (prêté par… Servette !) dans ses cages, Martigny aurait probablement plié l’affaire en 4 matchs maximum. Le cerbère d’origine grisonne n’a que rarement été pris à défaut, surtout à domicile. Et même si ses simulations et jets de casque au moindre contact feraient presque passer Neymar pour Sébastien Chabal, il ressort comme le principal artisan de la promotion de son équipe. Cela d’autant plus que plusieurs de ses coéquipiers, principalement les défenseurs, n’ont pas toujours été au niveau lors de cette série. On peut toutefois noter également les grandes performances à répétition d’Impose, Massimino ou encore Montandon junior.

Du côté du Forum, difficile de sortir un joueur en particulier tant tous ou presque ont eu leurs grands matchs et leurs jours où ils ont été moins en vue. Citons quand même la ligne Merola – Riedi – Sammali qui a été intenable durant l’acte 4 et la ligne Gailland – Loeffel – Seydoux qui est toujours dangereuse. Pelletier et Marghitola ont été également très solides derrière. Le jeu défensif Martignerain est toutefois à souligner dans son ensemble, tant ils ont la plupart du temps réussi à totalement museler les attaquants Sierrois à 5 contre 5 (et même souvent en infériorité numérique).

Le Topscorer Martignerain Romain Seydoux et sa célébration particulière

Les buses de la série

Il y en a eu quatre par matchs, de quoi ouvrir une véritable volière. Dans cette catégorie, je place sans hésitation les arbitres de cette finale, tous sans exception. Au vu de l’histoire des licences pour la LNB, il semble que la ligue aurait préféré que Sierre soit promu, étant donné le flou juridique qu’aurait engendré une victoire de Martigny. C’est l’explication la plus plausible à la scandaleuse performance des hommes-zèbres tout au long de ces 5 matchs. Les fans de hockey se plaignant de l’arbitrage en LNA auraient pu venir en Valais voir cette finale, je suis sûr que leur discours aurait changé. Je me suis souvent plaint de l’arbitrage dans le sport, à tort ou à raison. Mais je n’avais que rarement vu des prestations à ce point influencées. C’est simple, j’aurais très bien pu mettre les arbitres dans la rubrique « les hommes de la série » tant ils ont pesé dans les confrontations.

Et maintenant ?

Pour Martigny, la défaite est dure à avaler. Mais avec un brin de recul, les Biancorosso sortent clairement gagnants de cette saison. Le Forum, souvent bien vide ces derniers mois, a refait le plein. Le jeu enthousiasmant de l’équipe leur a permis de petit à petit reconquérir un public dégoûté par la gestion de ces dernières années et, si le club continue sur cette voie, nul doute que les fans de la finale retourneront rapidement revoir leur équipe, dont un nombre non négligeable de joueurs sont originaires de la région. Si tout continue comme cela, je suis sûr que l’on reverra très prochainement le HC Valais-Chablais Martigny en LNB et c’est tout le Forum qui va s’enflammer.

L’avenir pour Sierrvette est donc la LNB (ou Swiss League). Et même si j’ai déjà assez craché sur le déroulement de cette finale, je dois admettre que c’est entièrement mérité sur l’ensemble de la saison. Le problème pour Sierre va maintenant être que, en tant que club ferme de Servette, McSorley risque d’envoyer encore plus de ses joueurs s’aguerrir en ligue B. Si cela devrait logiquement aider l’équipe au niveau sportif, la face cachée serait que les jeunes valaisans (l’équipe a 22 ans de moyenne d’âge – contre 24 à Martigny- !) « pas assez bons pour la LNB » seront probablement forcés de s’exiler pour faire de la place aux protégés du bout du lac. Si tel devait être le cas, ce que je ne souhaite pas, nul doute que certains artisans du titre pourraient bien évoluer non loin du CERM ces prochaines années.

En tous les cas, cette finale aura été magnifique, d’une rare intensité pour de la 3^ème division. Des patinoires pleines, une ambiance de folie, une passion parfois démesurée et un niveau de jeu assez impressionnant pour des équipes si jeunes. Le hockey romand ressort grandi de ces playoffs et je me réjouis déjà de pouvoir bientôt revivre des derbies Valaisans, mais en Ligue B cette fois-ci !