SCLHC : Pat !

«La tactique consiste à savoir ce qu’il faut faire quand il y a quelque chose à faire. La stratégie consiste à savoir ce qu’il faut faire quand il n’y a rien à faire.» Xavier Tartakover (1887 – 1956), joueur d’échecs.

Lausanne, Musée Olympique, janvier 1998

C’était il y a presque quinze ans, en janvier 1998. J’étais alors étudiant en physique à l’Université de Lausanne et comme tous les étudiants qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans le bec, il me fallait trouver des sous pour payer mes études. Le Municipal des Sports de la Ville de Lausanne d’alors était (est toujours) un bon pote et m’a proposé de travailler pour l’événement sportif de ce mois de janvier 1998 : la finale du championnat du monde d’échecs de la FIDE réunissant les deux grands maîtres internationaux Anatoli Karpov et Viswanathan Anand dans la salle de parade du Musée Olympique.
Pour quelques sous, je devais faxer à intervalles réguliers une suite cabalistique de lettres et de chiffres «d3 Ch5 8. Ch4! Dg5 9. Cf5! c6 10. g4 Cf6…» aux diverses agences de presse du monde et répondre aux attentes spécifiques des nombreux journalistes internationaux venus pondre leurs papiers dans la salle de presse. Entre le début de la finale le lundi et son épilogue le samedi, mes connaissances en matière d’échecs se sont grandement améliorées grâce à Pedro, le spécialiste ès échecs du journal espagnol El Pais qui, comme tous ses pairs, avait étalé un jeu entre ses archives, ses papiers et ses notes pour reproduire, et surtout anticiper, les coups des deux finalistes qui étaient reproduits, via une animation informatique révolutionnaire pour l’époque, sur un grand écran de la salle de presse. Pedro me demandait souvent avec son accent ibérique si caractéristique en montrant une situation de jeu : «Hey Vince, what do you think he will play now ? King on D1 or Bishop takes Pawn on F3, check ? ». Au début je choisissais systématiquement la seconde proposition. A la fin de la semaine j’étais capable de me faire écraser en plus de trois coups.
Hier en Malley, j’ai eu comme un coup de nostalgie en repensant à 1998. Non pas que j’oserai comparer la dépense physique durant un match de hockey à celle dissipée par deux types assis devant un damier de 8×8, mais au suspense incroyable qui émane d’une partie lorsque la stratégie domine tout. Et ce LHC – SC Langenthal était fait de ce métal-là.

Egalité

D’entrée de jeu, les 7’265 spectateurs présents en Malley ont compris que les locaux ne dérouleraient pas comme quatre jours auparavant et qu’ils ne pourraient compter sur cinq minutes de pénalité pour prendre le large. La partie serait placée sous le sceau de la stratégie. D’un côté un gardien stratosphérique, un premier bloc de feu et une défense de fer. De l’autre, un gardien stratosphérique, un premier bloc de feu et une défense de fer. Entre deux, un bon arbitre.
Et ce fut parti pour 80 minutes de coups stratégiques, de banderilles avortées par un contre au moment même où l’opposant perdait la rondelle, de changements de lignes «à la seconde» alors que les deux coachs se scrutaient pour savoir quels blocs allaient s’affronter , de temps-morts demandés pour reposer le premier bloc à l’instant où l’équipe adverse ne pourrait changer le sien. Certes, il y a bien eu ce «ting», bruit caractéristique d’une rondelle venant taper le cadre du but sur un tir cadré de Setzinger mais ce serait faire injure à Langenthal que de prétendre que Lausanne méritait de gagner ce match sur le temps réglementaire. Kelly, Campbell et Tschannen ont été les égaux de Setzinger, Genoway et Wirz, Eichmann celui de Caminada, Ehler celui de Boxy. On ne saura jamais si la présence de Florian Conz aurait changé la physionomie de cet acte III.

Tartakover avait raison

Lorsqu’il n’y a plus rien à faire, alors c’est la stratégie qui prime. Pour les Lausannois et les Hauts-Argoviens, cela signifie trivialement gagner la série. Hier il n’y avait rien à faire tactiquement pour gagner le match ; les deux équipes se sont donc départagées aux tirs au but. Après les cinq premiers duels, le score était toujours égalitaire 2-2. Et comme l’a très justement fait remarquer mon voisin qui faisait hier soir un crochet par Malley entre deux déplacements au Westfalenstadion de Dortmund, on aurait pu tirer des penalties pendant toute la nuit tant les deux équipes se valaient. C’est finalement Kelly qui a permis aux joueurs d’aller prendre une douche en scorant alors que Doistonov venait de rater devant Eichmann.

Pour la petite histoire, au sixième match de janvier 1998 le score était de 3 parties gagnées pour Karpov, 3 pour Anand. C’est Karpov qui est devenu champion du monde sur décision… du résultat de deux parties «blitz», la séance de tirs au but des échecs.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

LHC – Langenthal 2-3 tab (0-0 0-0 0-0 0-0)

Malley, 7’265 spectateurs.
Arbitres : MM. Küng et Massy
Tirs au but : Dostoinov et Genoway pour le LHC. Kämpf, Campbell et Kelly pour Langenthal.
LHC : Caminada; Stalder, Reist; Leeger, J. Fischer; Kamerzin, Chavaillaz; Snell; Setzinger, Genoway, Wirz; Helfenstein, Augsburger, Staudenmann; Ulmer, Dostoinov, Sigrist; Antonietti, Bonnet, S. Fischer.
Langenthal : Eichmann; Cadonau, Schefer; Guyaz, Flückiger; Steiner, Müller; Kelly, Campbell, Tschannen; Carbis, Bodemann, Gruber; Dommen, Weber, Kämpf; Hobi. Holenstein, Mike Wolf.
Pénalités : 4×2’ contre le LHC. 5×2’ contre Langenthal.
Notes : LHC sans Conz (blesse), Borlat et Le Coultre (Elite), Barbero, Bishai, Mottet et Bucher (surnuméraires). Langenthal sans Braegger et Chatelain (blessés), Leuenberger.

Écrit par Vincent Keller

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6 Commentaires

  1. Défaite inquiétante car :
    1. On a été globalement dominés
    2. On a été extrêmement maladroits devant les goals
    3. Conz a manqué. Et va continuer de manquer…
    4. La confiance et la chance ont changé de camp…

    Bref, si on perd vendredi, on peut imaginer le pire… Si on gagne par contre, il y a 9000 personnes à Malley dimanche pour la remise de la coupe !!

    Tout ou rien…

  2. 1. d’accord
    2. Langenthal idem, Sauf qu’à mon avis, ce sont les 2 gardiens qui ont été très bons
    3. On fera avec. On a gagné les 2 premiers matchs sans Conz, non?
    4. Je n’y crois pas une seconde. Etla chance….
    On peut très bien perdre vendredi et gagner la série. Heureusement que les joueurs et le staff sont plus adultes dans leur raisonnement.

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