Xamax 5, Celtic 1

Dans quelques semaines, le Celtic de Glasgow jouera les huitièmes de finale de la Ligue des Champions. A peu près au même moment, Neuchâtel Xamax 1912 sera en pleine préparation pour reprendre le championnat suisse de deuxième ligue interrégionale face, notamment, à Bassecourt, Courtételle ou encore Allschwil…

Que le monde du football peut être cruel ! Il y a une vingtaine d’années de cela, ces deux clubs faisaient partie des ténors de leur championnat respectif. En 1991, dans le cadre des seizièmes de finale de la Coupe UEFA (l’ancêtre de l’Europa League), ils se sont rencontrés pour une double confrontation qui est restée dans l’histoire : lors du match aller, Xamax a signé sa plus large victoire face à un grand d’Europe. Le Celtic, lui, a subi la plus grosse défaite de son histoire en Coupe d’Europe jusqu’en 2005.Le 22 octobre 1991, date du match à Neuchâtel, cela faisait une dizaine d’années que le club de Gilbert Facchinetti appartenait aux meilleures équipes suisses de football ; les deux seuls titres de champions de Suisse de l’histoire de ce club ont, d’ailleurs, été remportés pendant ces années quatre-vingt.
Bizarrement, mes meilleurs souvenirs footballistiques de cette période ne sont pas liés à cette domination du football helvétique mais plutôt aux folles soirées européennes qui se sont déroulées dans l’ancienne Maladière. Un stade qui a notamment vu le Sporting Lisbonne, Bayern Munich, Galatasaray et le Real Madrid (deux fois) s’incliner face à une équipe au budget très inférieur aux leurs. Mieux encore, jusqu’en 1997, aucune équipe n’avait réussi à s’imposer à Neuchâtel dans le cadre d’une compétition européenne.
En 1991, pourtant, Xamax ne partait pas favori face au Celtic de Glasgow.  Au tour précédent de la Coupe UEFA, Xamax avait difficilement éliminé «l’effrayante» équipe maltaise de Floriana La Valette (2-0/0-0). A Neuchâtel, la victoire s’était terminée sous les sifflets d’un public gâté pendant la décennie précédente.

Juste avant ce match, dans un championnat suisse de LNA qui réunissait 12 équipes, Xamax ne pointait qu’au 7ème rang (15 points en 16 matchs) d’un classement mené par… le Lausanne Sports ! Le week-end précédent ce deuxième tour de Coupe de l’UEFA, les Young Boys de Berne avaient battus 2-0 l’équipe dirigée par Roy Hodgson sous les yeux d’un espion du Celtic plus que rassuré. Peu après la rencontre, interrogé par un journaliste neuchâtelois, il avait déclaré : «C’est vrai, j’espère quand même pour eux qu’ils feront un meilleur match contre nous.»
Plus que le score de ce dernier match, le début de saison des Rouge et Noir inquiétait la plupart des journalistes et supporters neuchâtelois. Souvent apathiques, sans véritable jouerie et attaquants tranchants, le système de jeu mis en place par l’entraîneur britannique ne semblait pas convenir à l’effectif xamaxien de cette fin d’année 1991.
Une semaine auparavant, en championnat d’Ecosse, le Celtic avait laissé une «gigantissime impression» face à Dundee selon le magazine Foot-Hebdo. Les Ecossais les plus irlandais du Royaume-Uni sont donc arrivés à Neuchâtel sans imaginer une seconde ce qui allait leur arriver. Ce club débarquait dans une ville où le football n’avait rien d’une religion ; avec 35 titres de champions d’Ecosse et deux finales de la Coupe des champions (dont une gagnée) dans les bagages,  les «Bhoys» de Glasgow n’allaient pas craindre une équipe formés de joueurs aussi renommés que Walter Fernandez, Régis Rothenbüler, Florent Delay ou Francis Froidevaux…
Les supporters écossais qui avaient fait le déplacement semblaient également sûrs de la victoire de leur club. Le jour du match, beaucoup d’entre eux étaient arrivés à Neuchâtel aux alentours de midi. Ils étaient environ un millier ; ils chantaient et buvaient beaucoup avant le début de la partie…
Je me souviens des murs de cannettes de bière qu’ils construisaient à la Place Pury. Sur cette même place, ils étaient très nombreux à avoir habillé la statue de David de Pury avec leurs drapeaux. Pour l’anecdote, mon père, ce naïf, avait à l’époque un vieux sac de sport aux couleurs de Neuchâtel Xamax. Cet après-midi là, il le portait sur lui lorsqu’il a fendu une foule de dizaines de supporters du Celtic pour prendre un bus qui devait le ramener chez lui. Il s’est longtemps souvenu des sifflets puis des chants de ces grands gaillards alcoolisés ! Il a fini par arriver sain et sauf dans son bus avec plusieurs drapeaux irlandais sur les épaules ! Tout était resté bon enfant. Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui cette petite histoire se termine aussi bien.
Comme toujours avant un de ces matchs de Coupe d’Europe, je me réjouissais énormément d’assister à un tel événement ; mais j’étais également tendu comme si c’était moi qui devait jouer…  Un sentiment que beaucoup de supporters doivent ressentir lorsque leur club de cœur vit un grand événement.
Je me souviens également être allé au stade avec mon père presque deux heures avant le début de la rencontre ; c’était devenu très rare depuis la fin des années 80. Pour une fois, depuis longtemps, le secteur «pelouse» du côté centre-ville était bien rempli. Par contre, de manière surprenante, il restait de nombreux billets en vente aux caisses du stade le jour du match. Etait-ce en raison des mauvais résultats de ce début de saison ? Ou parce que cette rencontre était diffusée en direct sur la TSR ? Finalement, il n’y avait que 11’300 spectateurs pour assister à cette rencontre devenue mythique ; parmi eux, au moins 700 supporters du Celtic. Inutile de préciser que l’on entendait qu’eux avant le début de la rencontre.
Le match commence. Les Ecossais, avec trois attaquants, jouent très haut sur le terrain. Ils ne sont visiblement pas venus à Neuchâtel pour subir le jeu. Après un round d’observation de cinq minutes, Xamax réussit à ouvrir le score sur son premier corner à la 8ème minute grâce Hossam Hassan. Toujours confiants, les Ecossais ne semblent pas perturbés. 18ème minute, 2-0, Hossam Hassan. Les supporters écossais sont de moins en moins bruyants. 38ème minute, Bonvin, 3-0. Celtic est K.O. C’est la mi-temps. Les Neuchâtelois se pincent pour y croire.
Après un Coca et l’habituelle portion de frites sauce aïoli de la camionnette située à côté de l’entrée des pelouses, je suis persuadé que Celtic va réagir. Le début de la deuxième mi-temps se déroule comme prévu. Celtic presse mais Xamax ne rompt pas. Puis, c’est 4-0 par Hossam Hassan. Cascarino et ses coéquipiers semblent vivre un cauchemar ; ils ont tous la tête basse ; ils s’engueulent ! Leurs supporters ne chantent plus. O’Neil réussit à réduire le score mais c’est finalement Hossam Hassan qui inscrit le 5-1 suite à un magnifique effort personnel de Bonvin. Le match se termine. Oui, Xamax vient d’écraser Celtic de Glasgow cinq buts à un ! Le stade s’enflamme, finalement. Même les supporters écossais applaudissent la prestation quasi-parfaite des Xamaxiens.

Vous l’aurez compris, Hossam Hassan, surnommé à l’époque le Papin africain, a réussi ce soir-là le match de sa vie. Grâce à lui, ce Xamax – Celtic Glasgow est resté dans l’histoire du football européen. Celui qui est devenu le joueur égyptien le plus sélectionné en équipe nationale, celui qui a été trois fois vainqueur de la Coupe d’Afrique des Nations et qui a gagné deux fois l’équivalent de la Ligue des Champions d’Afrique était arrivé à Neuchâtel au début de cette saison 1991-1992 ; il n’y est resté qu’une année en n’apparaissant que huit fois sous le maillot xamaxien en championnat de Suisse ; il n’a marqué que trois buts soit moins qu’en une seule soirée d’octobre 1991… Bizarre.
Si Hossam Hassan a été le «match winner», je me rappelle aussi de la prestation d’Hany Ramzy, futur très grand défenseur du Werder de Brême. Sobre et calme comme jamais, il a été l’assurance tout risque des Neuchâtelois face à la débauche d’énergie du Celtic. Ce soir-là, j’ai découvert Florent Delay. Souvent remplaçant de Joël Corminboeuf à cette période, il a pu montrer qu’il avait le niveau pour être un gardien titulaire d’une équipe de première division en Suisse. En attaque, l’intelligence de Christophe Bonvin a été le complément idéal du sens du but et de la ruse du jumeau d’Ibrahim Hassan.
Finalement, le système mis en place par Hodgson a été payant. C’est d’ailleurs seulement à partir de ce match référence que bon nombre de Neuchâtelois ont commencé à faire confiance au successeur de Gilbert Gress et actuel sélectionneur de l’équipe d’Angleterre.
Plus de vingt ans plus tard, cette confrontation est restée gravée dans ma mémoire. Entre temps, d’autres grands d’Europe se sont  encore inclinés à la Maladière comme le Dynamo Kiev ou l’Etoile Rouge de Belgrade. Cela semble déjà une époque révolue. Presque comme si ce club n’existait plus ; comme s’il avait fait faillite et qu’il ne restait plus que des matchs de football amateur à Neuchâtel. Cela doit être un cauchemar ; je vais me réveiller… Rendez-vous dans vingt ans pour le prochain match de Coupe d’Europe à la Maladière ?
PS : pour ceux qui désireraient en savoir plus sur l’histoire de ce club, je conseille l’exposition «Xamax : 100 ans d’histoire et de passion» au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel. Elle fermera ses portes le 13 janvier 2013. Plus d’infos ici

Neuchâtel Xamax  – Celtic Glasgow 5-1 (3-0)

Stade de la Maladière, 11’300 spectateurs
Arbitre : Costantin (Be).
Buts : 8ème H. Hassan 1-0 ; 18ème H. Hassan 2-0 ; 38ème Bonvin 3-0 ; 56ème H. Hassan 4-0 ; 60ème O’Neil 4-1; 74ème H. Hassan 5-1.
Neuchâtel Xamax : Delay, Vernier, Ramzy, Lüthi, Fernandez, Sutter, Perret,  Rothenbühler (34ème Froidevaux), I. Hassan,  H. Hassan (87ème Chassot), Bonvin. Entraîneur : Roy Hodgson.
Notes : Xamax sans Egli, Smajic et Mottiez (blessés) et sans Gottardi et Zé Maria (étrangers surnuméraires).
Coups de coin : 7-5 (6-3)

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2 Commentaires

  1. Superbe récit. Je n’étais même pas au courant de cette confrontation, merci de la découverte.
    Pour l’anectote sur ton père traversant les supporters Irlando-Ecossais, je pense que oui aujourd’hui cela se passerait autant bien. Les nombreux fans du Celtic présent a Sion l’année passée étaient très amicaux.

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