Revier-Derby : ou quand la Ruhr danse le sirtaki

Deux buts de l’attaquant Theofanis Gekas ont permis au VfL Bochum de remporter, samedi à domicile, le (klein) Revier-Derby face à Borussia Dortmund. Ambiance au cœur de la Ruhr lors de la 25e journée de Bundesliga : piano ma sirtaki !

Das Revier, e : le bassin minier. Pas vraiment le genre d’expression que l’écolier romand apprend à la Lektion 14 du Schülerheft, lorsque Mireille et Pierre Reymond font la connaissance de Vreni et Ueli Holzer au camping d’Yverdon. Car, à moins d’être passionné d’histoire industrielle allemande en version originale, le terme s’apprend sur le terrain, en pleine Ruhr. Tout comme l’expression «Revier-Derby», d’ailleurs. Un Revier-Derby, c’est tout simplement quand les clubs des villes de la Ruhr s’affrontent en Bundesliga – Dortmund (le fameux BVB), Gelsenkirchen (le nom moins renommé Schalke 04) et Bochum (le plus modeste VfL) cette saison.Footballistiquement, Bochum, qui «pèse» quelque 380’000 habitants (quelques tonnes donc) sur les 5,3 millions (un bon paquet de tonnes) que compte l’immense agglomération industrielle de la Ruhr – quinze villes au total – est caractérisé depuis dix ans par une certaine propension à jouer les ascenseurs entre la 1re et la 2e Bundesliga. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si les Bochumer, à défaut de pouvoir afficher le moindre palmarès, insistent avec fierté sur les trois premières journées de la saison 2002-2003, passées en tête du championnat et leurs deux uniques tickets européens (5e place) de leur histoire (1996-1997, 2003-2004). C’est mieux que rien. Enfin, faut-il encore «aller jouer» (comme disent les techniciens de certaines ligues cantonales) à Bochum…

Dortmund en sait quelque chose. Car si les «jaune et noir» ont tendance à considérer leur seul vrai Revier-Derby contre Schalke 04 et qualifient tout au plus leurs affrontements contre Bochum de «klein Revier-Derby», c’est peut-être en raison d’une certaine difficulté à dompter le VfL à l’extérieur. Car les Dortmunder ne se sont imposés qu’à quatre reprises au Ruhrstadion bochumois en vingt-six rencontres.

Le stade, atout touristique ?

Dernière illustration en date de ces difficultés à faire la loi chez le petit voisin, samedi dans le cadre de la 25e ronde de Bundesliga, avec la claque prise par Borussia Dortmund – défaite 0-2 – au Ruhrstadion. Un stade qui ne paie pas vraiment de mine extérieurement (le comble en pays minier, ah ah, qu’elle n’est pas drôle), mais qui constitue l’une des rares curiosités de la cité bochumoise, dont le centre-ville alterne entre rues piétonnes commerçantes et… rues commerçantes piétonnes. Bref, typiquement l’urbanisme d’une ville allemande reconstruite après la deuxième guerre mondiale : pour un peu, et sans trop d’effort d’imagination, on se croirait à… Dortmund. Question tourisme, la ville ne fait d’ailleurs pas un tabou des ses lacunes : à côté de quelques dépliants vantant les mérites du Deutsches Bergbau-Museum et du Eisenbahnmuseum, l’office du tourisme local est rempli au trois-quarts de produits dérivés du VfL Bochum, panoplie allant du biberon à la traditionnelle casquouette, sans oublier l’indispensable brosse à dent.

Pépère ma sano

Tout de béton coulé, le Ruhrstadion apparaît juste après la sortie de terre du métro. Bochum baigne dans un soleil de début de printemps en ce samedi après-midi (match à 15h30) et c’est tout piano qu’un sympathique mélange de bleu – les couleurs du VfL – et de jaune et noir rallie l’enceinte. Pas le moindre cri, chant ou provocation, juste quelques conversations tranquilles à l’heure de siroter la bière d’avant-match.

Ambiance similaire dans la très populaire Osttribüne, où parmi les quelque 6’000 spectateurs – sur les 31’328 que compte le stade – s’opère un mélange de générations aussi sympathique qu’inhabituel pour des places debout : du bambin sur les épaules de papa au couple de personnes âgées, en passant pas les nombreux ados et les supporters déchaînés (regroupés au centre de la tribune). Même sans écharpe aux couleurs locales, on a l’impression de faire partie de la famille. On est d’ailleurs vite convertis aux chants locaux du genre «Faueffèle, Faueffèle, mein Herz ist für Dich» qui alternent avec des refrains plus ironiques – mais non haineux – sur l’adversaire – «Borussia, Borussia, im Abstigsjahr…» ou «Wir singen, wir singen, BVB in der 2. Bundesliga, oh wie ist das schön…» Il faut dire que les Bochumer n’avaient pas trop apprécié qu’au quart d’heure Dortmund poursuive le jeu, alors qu’un des leurs était au sol. Rien de tel pour faire mousser l’ambiance. Et c’est tant mieux. Car sur le terrain, on avait aux prises l’avant-dernier du championnat face à un Borussia Dortmund qui n’avait engrangé que six points sur l’ensemble de sept premiers matches du deuxième tour. D’où un niveau de jeu assez moyen techniquement.

Sirtaki à la bochumoise

De la première période, on retiendra que Bochum s’est ménagé les meilleures occasions, sans les concrétiser. La force de l’équipe de Marcel Koller (mais oui, l’ancien international suisse) ? Un jeu de rupture basé sur de longues ouvertures en profondeur. C’est d’ailleurs sur deux actions assez similaires que le VfL inscrira ses deux réussites en seconde mi-temps (48e 1-0 et 84e 2-0), auxquelles Dortmund n’aura pu répondre que par un poteau (59e, Valdez) et quelques actions chaudes entres les deux réussites bochumoises. Buts qui ont déclenché à chaque reprise : a) une explosion de joie dans la Osttribüne, où la tradition semble être d’arroser ses voisins avec de la bière (paraît qu’à Maracana, les touristes reçoivent des godets de pisse sur la tête, à Bochum, c’était que de la… Pils !), suivie de : b) un sirtaki mémorable dans le stade.
Eh oui, car le VfL peut compter depuis cette saison sur un certain Theofanis Gekas, auteur non seulement des deux buts de son équipes samedi, mais aussi de dix autres cette saison. Un bilan qui vaut à cet international grec le statut provisoire de deuxième buteur du championnat d’Allemagne, à égalité avec Roy Makaay (Bayern Munich) et juste derrière Mario Gomez (13 buts, Stuttgart). Et comme le brave Fanis (pour les intimes) a été élu Knaller (sensation) du match, c’est sur un nouveau petit sirtaki que s’est conclu ce Revier-Derby.
Bref, un derby au milieu d’une tribune debout, de la bière qui gicle aux buts bochumois, une saine rivalité entre supporters, le tout sans excitation artificielle d’avant et d’après-match (syndrome WM), ça fait tout simplement du bien. Ce Revier-Derby à Bochum, c’était une bonne bouffée d’oxygène à l’heure où le football vire de plus en plus à l’aseptisé. Une belle revanche pour une région pas forcément réputée pour la pureté de son atmosphère. Rien que pour ça, le Faueffèle mérite sa place en Bundesliga.

PS. Et les joueurs suisses, dans tout ça ? C’est assez vite vu. Côté Dortmund, Philipp Degen s’est montré assez peu à son avantage sur son côté droit. En retard à de nombreuses reprises en phase défensive, le Bâlois s’est fait d’ailleurs fait avertir peu avant la mi-temps pour une faute, dite de retardataire. Pour le reste, le latéral aura quand même touché quelques ballons, les remises en touche faisant partie de son job sur son flanc. Affaibli par un virus, Alex Frei est entré pour le dernier quart d’heure de la rencontre, l’entraîneur Jürgen Röber décidant de passer à trois attaquants. Mais bon Frei et le rôle de joker, ça semble assez peu compatible. Quant au plus heureux de nos compatriotes, il s’agissait sans nulle doute de Marcel Koller, qui, pas peu fier de son coup, sautillait comme un gamin à la fin du match. Au rythme du sirtaki, bien sûr !

Bochum – Dortmund 2-0 (0-0)

Ruhrstadion : 31278 spectateurs.
Buts : 48e et 84e Gekas (1-0, 2-0).
Bochum : Drobny ; Schröder, Maltritz, Yahia, Meichelbeck ; Zdebel ; Bechmann (65e Fabio Junior), Misimovic, Grote (76e Dresk) ; Epelle (68e Ilicevic), Gekas. Entraîneur : Marcel Koller.
Dortmund : Weidenfeller ; Degen, Wörns, Metzelder, Kringe (76e Frei) ; Tinga, Amedick, Kehl (65e Saka), Dede ; Smolarek, Valdez. Entraîneur : Jürgen Röber.

Écrit par Thibaud Guisan

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