Genève d’un naufrage

Un sujet bateau au premier abord

A l’approche de la mi-saison, une tendance aussi lourde qu’une vanne de Jean-Marie Bigard et aussi forte que l’odeur d’un équipement de hockey moite qui stagne dans votre cave depuis 6 mois se dégage. Il y a des adversaires contre lesquels la mayonnaise lausannoise prend et d’autres contre lesquels l’affaire tourne aussi rapidement au vinaigre que les tribulations de Max Wärn en Suisse, vingt mille lieues sous le niveau requis. Les fessées délivrées par la phalange davosienne emmenée de main de maître par Aaron Palushaj, c’est pas le pied, mais on en a pris l’habitude. Être pris à la gorge par le mielleux Roman Wick et ses ZSC Lions, rien de plus normal en ce bas monde. Mais une troisième déconvenue en autant de matches contre le jardin des neiges sous-locataire de l’extrémité de notre beau lac dont la moyenne d’âge de 25 ans et demi prend probablement en compte le coach Patrick Emond, ça il n’en était pas question. Récit d’une rencontre qui avait probablement un chouïa plus d’importance dans les gradins que sur la glace.

Préambule

Franchement on a eu peur que les pensionnaires de la Vaudoise aréna trébuchent sur la dernière marche vendredi soir à Berne et nous empêchent de décliner la statistique parfaite qui va suivre. Mais c’était compter sans l’envie subite de Ronald(s) et MacDonald de se friter, offrant ainsi aux visiteurs un momentum inespéré et à Bertschy l’occasion de redonner la patate à toute une région.

Vingt-deux matches joués avant celui qui nous occupe. 12 victoires, 10 défaites. Contre Berne (3-0), Zoug (2-0), Lugano (2-0), Rapperswil (2-0), Ambrì (2-0) et Langnau (1-0), ça passe à tous les coups. Contre Davos (0-3), Zurich (0-2), les wannabe romands du Eh Ha Tsé Biou (0-2), Genève (0-2) et Fribourg (0-1), c’est la misère. A peine plus de 50% de réussite au total. Ce fameux five hundred, selon la notation anglo-saxonne, qui est l’embryon d’un début d’espoir de qualification pour les playoffs en NHL si tout va vraiment pour le mieux au cours des 72968695325 confrontations de saison régulière suivantes. Et encore. Ce ratio est actuellement synonyme d’une 23ème place environ (certes à 3 points des playoffs selon un système de qualification aussi complexe et profond que le compte Instagram de Marion Kaelin) dans la grande ligue. Sous nos latitudes, toujours avant samedi soir, un chiffre similaire vaut au LHC un 4ème rang aussi improbable que la pilosité supralabiale d’Alessio “Groucho Marx” Bertaggia au sein d’un classement aussi boiteux que le pirate latiniste Triple Patte en termes de parties disputées. Difficile donc de dire si DJ et ses solistes se produisent dans une ligue incroyablement relevée où gagner plus d’un match sur deux relève de l’exploit ou dans une division affreusement médiocre au sein de laquelle une moyenne d’à peine plus d’1,5 point par match vous assure un top 6. Tiens, en parlant d’occurrences improbables, et histoire de ressortir une vieille vanne du congélateur, les ex-protégés du toujours cool Chris McSorbet que tout le monde (sauf les boules de cristal de La Tribune de Genève, plus par habitude que par clairvoyance) voyait sous la barre en début de saison étaient troisièmes avec un match de plus et 2 points d’avance sur leurs mentors et modèles de toujours avant la rencontre de samedi. De quoi enfin se sentir concerné par un derby romand après trois prestations aussi pauvres que la rhétorique d’Olivier Rumo pour l’équipe dont le seul joueur du cru évolue comme 7e défenseur aux Ticino Rockets ?

Le match en deux mots

Dustin Jeffrey.

Comment ne pas revenir sur cet événement des plus traumatiques ? Il y aura un avant et un après 21 novembre 2019, 17h30, instant fatidique de l’annonce de la non-reconduction du contrat du Canadien au Chemin du Viaduc. Chaque supporter se souviendra longtemps de ce qu’il faisait ce jeudi-là à l’approche de l’apéro. Deux jours plus tard, le public lausannois ne s’y est pas trompé au moment de saluer son Top Scorer. Euh enfin bof. Disons que la Section Ouest a hurlé son nom particulièrement fort à son entrée avant de dérouler son gigantesque étendard à la salubrité plus que discutable rappelant furieusement celui de la Perfide Albion.

Putain qu’est-ce qu’on aurait été content s’il avait signé pour Justin an de plus!

Dustin Jeffrey, donc. Ces deux mots merveilleux seront sur toutes les lèvres vaudoises à chaque shift du meilleur joueur de champ à avoir porté le chandail du Lausanne HC depuis la dernière culbute en LNB en 2005, et ce jusqu’à la fin de la saison. Chaque coup de patin de celui qui a vu le jour il y a bientôt 32 hivers à Sarnia (Ontario), monde que l’on imagine au moins aussi magique que celui de C.S. Lewis, est dorénavant à savourer autant que l’absence salutaire de Sandro Zangger. 166 matches, 53 goals, 117 assists, 170 points. Voilà le bilan de DJ au hit parade de la capitale olympique à ce jour. Il lui reste 32 sorties de saison régulière pour dire adieu à ses fans. Jan Alston est à la recherche d’un « autre profil d’étranger » voyez-vous. C’est vrai qu’on en avait marre de ce gars. Et en plus on en a déjà douze qui mixent dans le même registre, c’est bien connu. Un centre efficace dans les cercles d’engagement, passeur génial au hockey IQ aussi développé que l’ego de José Mourinho, dont la seule présence sur sa ligne rendrait Tim Traber éligible pour la prochaine draft NHL. Un authentique guide sans lequel ses coéquipiers étaient tout simplement incapables de trouver le chemin du but adverse sans carte routière la saison dernière. Un caméléon qui s’adapte à toutes les situations, même les plus embarrassantes. On se souviendra tout de même que notre homme était prêt à tout pour signer une prolongation, même accompagner le Père Noël dans l’ambiance kitschissime de la patinoire du Flon pour annoncer ladite signature en anglais à des gamins aussi bilingues que Franck Ribéry (la moindre excuse est bonne pour aller revisionner cette vidéo collector). Le mec chiant au possible, quoi. Vu sous cet angle, tout semble soudain limpide. Le divorce était clairement consommé.

Médiocre. Il était temps de trouver mieux.

On déconne et pourtant il n’y a pas de quoi rire. « Kein DJ, keine Musik », titrait le Bund en octobre 2018 dans l’enchaînement d’une défaite en terres bernoises en l’absence du maître à jouer lausannois. Voilà qui n’annonce pas forcément des lendemains qui chantent du côté de Malley une fois la dernière danse de Jeffrey effectuée au printemps prochain. Au-delà des chiffres, le meilleur compteur du club (qu’on espère toujours) financé par Ken Stickney donne surtout ses lettres de noblesse à une organisation dont l’identité véritable reste parfois encore assez floue, surtout en l’absence d’une autre figure emblématique.

Le numéro 15 du génie des lieux a d’ores et déjà été retiré à tout jamais au firmament… enfin au plafond des locaux de la rédac’.

Les trois étoiles du match

⭐️ Dustin Jeffrey

⭐️⭐️ Dustin Jeffrey

⭐️⭐️⭐️ Dustin Jeffrey

Franchement, une rencontre de la saison 2019/20 au terme de laquelle on se retrouve à devoir élire Robin Grossmann homme du match ne mérite pas d’autre traitement que le sarcasme au moment de décerner les récompenses. Le kop ne s’y est d’ailleurs pas trompé en rappelant l’élu de son cœur à la fin d’une soirée des plus rocambolesques.

Comme le MAD organise son Nouvel An à la Vaudoise, on comprend qu’on essaie tout de même de ménager le moral du meilleur DJ de la ville.

La buse du match

Comme on a du mal à mettre le doigt sur un coupable idéal, on va s’en tenir à la déco du flambant neuf Spot Café, haut lieu de networking hockeyistique s’il en est.

On va pas dire que ça sent le sapin, mais presque…

Le tournant du match

On pourrait citer chaque occasion lausannoise de tuer le match et chaque opportunité donnée à l’adversaire de revenir après que Ronalds Kenins (14ème) et Yannick Herren (31ème) ont mis la fusée vaudoise sur orbite. On vous laisse choisir parmi les deux exemples qui suivent lequel doit être désigné premier responsable du crash final.

Le slapshot en pleine lucarne du match

La réduction du score d’Eric Fehr à la 41ème minute (2-1). Pas exactement un slapshot, mais la toile d’araignée logée dans la lucarne gauche de Tobias Stephan a été purement et simplement désintégrée. Ce sont des Servettiens chauffés à blanc qui ont ensuite montré de quel métal ils étaient faits pour forger leur troisième victoire en trois matches face à leur victime favorite cette saison (2-3 a.p.). Voilà qui mettra du beurre dans les épinards du côté des Vernets.

Le vieux rotoillon en cloche du match

Ce raté monumental de Fabian Heldner à la 51ème minute. Le défenseur ultra défensif a malheureusement eu tout loisir de se demander ce qu’il faisait dans le slot genevois durant le quart d’heure de réflexion que la défense grenat lui a accordé avant d’ajuster la jambière de Robert Mayer à bout portant.

Un Dustin Jeffrey au centre de toutes les attentions en cette fin de semaine.

Le chiffre à la con

5. Comme le nombre de duels que les hommes de Ville Peltonen ont dû livrer lors des 9 derniers jours. Le derby contre le voisin honni intervenait forcément en tout dernier, cerise grenat sur un sundae à la consistance plus que suspecte. Oh ça va hein, MySports n’a pas le monopole de la surenchère absolue des expressions québécoises maladroitement recyclées par des organes de phonation romands.

Le chiffre à la con bis

80’000. Comme le pactole en euros encaissé par le LHC au cours de la campagne en cours de Champions Hockey League et relayé par 24 Heures cette semaine. Toujours selon le même grand quotidien vaudois, dans un sport mineur tel que le football, un club atteignant le même stade du très prolétaire équivalent de la déjà cultissime CHL toucherait environ 306 fois plus d’argent. Et pourtant, cette même CHL est la compétition dans laquelle les Rouge et Blanc ont de loin le meilleur ratio de victoires (5 en 8 matches dont un match nul, vous savez, ce concept incompréhensible qui existe dans certains sports). Comme quoi, au pays de la Culture de la Gagne, on joue avant tout pour la gloire, loin des basses considérations capitalistes de notre championnat. Pourquoi battre Genève quand on peut ressusciter l’esprit du Baron de Coubertin ? En ces temps troublés de Coupe Piqué aussi anachronique que la couverture du dernier numéro de L’Illustré dans une Caja Mágica madrilène qui sonne aussi creux qu’une interview d’après match, cette noblesse d’âme n’est-elle point à saluer?

L’anecdote

En lisant l’article – et quelques jeux de mots pour le moins fermentés – consacré à l’onctueux Milan Gulaš dans les colonnes du 24 Heures en marge du 8ème de finale de la Champions Hockey League brillamment remporté par les Lions de Prilly face aux Tchèques du Škoda Plzeň, on a su tout de suite qu’on allait regretter de ne rien écrire sur le sujet. Si le club de Bohème peut se payer le luxe de boire et conduire, il nous a malheureusement fallu choisir à la rédac’ de Carton-Rouge ce mois-ci. L’ivresse (et surtout la gueule de bois) du derby lémanique au détriment de la pression de la Coupe d’Europe.

Et sinon dans les tribunes ?

Côté genevois, selon un « lecteur-reporter » (sic !) du 20 Minutes, les 200 galériens qui s’étaient malencontreusement trompés de moyen de transport pour rallier la mégalopole du Pays de Vaud ont été interceptés par les autorités à leur débarquement. Et pourtant on imagine à quel point ils ont dû ramer pour obtenir un frêle esquif de la CGN en ce D-Day de derby lémanique. On les comprend, il aurait fallu être complètement barge pour rater ça. Une poignée d’entre eux a fini par se frayer un chemin jusqu’à la zone VIP du stade, histoire d’échanger quelques doigts d’honneur d’une pertinence qui n’avait d’égale que leur finesse avec les ultras adverses avant de se faire jeter par-dessus bord. Les déplacements de supporters et leur potentielle suppression, un débat où on navigue à vue, voilà qui nous rappelle la seule fois où on a été d’accord avec Christian Constantin. C’est vous dire si on nage en eaux troubles.

L’abordage du vaisseau amiral de la flotte vaudoise n’aura finalement jamais eu lieu.

La minute Jonas Junland

On vous annonce avec plaisir la pérennisation de cette rubrique dès sa deuxième édition. Comme c’est souvent sa fête dans nos colonnes, on en profite également pour souhaiter un excellent anniversaire à Jonas avec une semaine de retard. Comme il s’est fait l’auteur d’une passe décisive et n’a pas coûté directement de but à ses couleurs, son rôle habituel revient à Ronalds Kenins ce soir. Offrir un penalty au spécialiste Henrik Tömmernes (2-2, 45ème) à hauteur de la ligne rouge, c’était tout de même pousser le sens de l’accueil un peu loin. On a d’ailleurs senti que les arbitres n’étaient pas complètement à l’aise non plus avec la notion de but quasi automatique accordé au sniper des charognards du bout du lac puisqu’ils ont d’abord sifflé une pénalité mineure avant de se raviser.

Une scène insoutenable devant le but local.

La rétrospective du prochain match

Des retrouvailles avec Heinz Ehlers, Harri Pesonen, Larri Leeger, Federico Lardi, Loïc In-Albon et les Langnau Tigers à Malley vendredi prochain. On espère que les faux plafonds de la Vaudoise aréna résisteront à cette déferlante offensive. En attendant, le théorème (quasiment un axiome à ce niveau de précision) tient toujours du côté de Lausanne : on gagne ou on perd mais jamais les deux dans une série contre un même adversaire cette saison. Du coup vous savez sur qui mettre une piécette dans cinq jours.

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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