Cannavaro mérite son Ballon d’Or, et on va le prouver !

Le Ballon d’Or est un titre qui vaut ce qu’il vaut. Attribué non pas par des gens compétents en matière de football mais par des journalistes, ce prix a toujours comporté son lot de discussions, de perplexités, de désaccords. Mais jamais comme cette année, le lauréat n’aura autant été traîné dans la boue.

A la défense du défenseur !

Or, ces critiques de tous bords et sources confondus, puent la mauvaise foi à plein nez. Parce qu’il faut bien se le dire : casser le foot italien, ça donne l’impression d’être un peu subversif, de faire l’original, bref, on croit montrer qu’on s’y connaît. Malheureux ! Cette attitude est tellement «mainstream», tellement facile que je me dis quand même que ça ressemble plus à de l’anti-italianisme primaire, et de l’imbécillité crasse que de réelles compétences footballistiques.
Bref, volons à la rescousse de Cannavaro, qui mérite son Ballon d’Or, et tâchons de mener un débat qui ne se fonde pas sur des clichés vieux de vingt ans, des jugements personnels, ou des critiques gratuites, mais sur des FAITS ! Car au risque d’en étonner plus d’un, il paraît qu’il est vivement conseillé de regarder les matches avant de se permettre de causer foot (ce dont je doute finalement que tout le monde fasse).

Des faits, rien que des faits !

Marx disait que pour détruire son adversaire, il fallait infiltrer celui-ci, en capter les rouages, et les retourner contre lui afin de le faire imploser. Bien, on va voir ce qu’on peut faire en partant de certaines des critiques ayant frappé la désignation du champion du monde.
L’Equipe, hilarante comme à son habitude quand elle joue le rôle de Calimero, a consacré son argumentaire à la démonstration par A+B que Thierry Henry aurait dû gagner haut la main ce trophée, et que Cannavaro est un vainqueur inexplicable, un usurpateur en fait. Premier argument : Thierry Henry est un joueur d’exception, Cannavaro a juste disputé une phase finale de Coupe du Monde d’exception. Bon pour un pays qui a découvert le foot en 1998, on ne va pas trop en demander, mais dire du Napolitain qu’il n’est pas un joueur exceptionnel me fait rire le bas du dos. Et que les béotiens de tous bords qui viennent objecter «oui, mais c’était facile de gagner avec Moggi (rire gras, rot et poing heurtant le bar)» se la coincent, juste pour une fois.

Oui, le championnat d’Italie était truqué. Mais il ne s’agit pas ici de victoires mais du jeu, bon sang ! Il semble difficile de croire que lorsque deux joueurs se disputaient un ballon, l’un d’eux avait la consigne de se retirer pour laisser son adversaire emporter le duel, non ? Cannavaro, ses duels, il les gagne trois fois sur quatre, et n’a pas attendu d’arriver dans le club des 40 voleurs pour démontrer ce dont il était capable (mais peut-être que ses années à Naples, et surtout à Parme sont à négliger, par ignorance, et parce que finalement ça arrange tout le monde, comme on le fait avec d’autres footballeurs italiens…). Quant à ses prestations en Allemagne, gageons que le simple fait que l’on ait dû attendre la finale avant de voir enfin un attaquant «passer» le capitaine Azzurro fasse largement l’affaire.
Enfin, à ceux qui, comme l’Equipe ou TF1, fustigent son rendement sous le maillot du Real depuis le début de la saison, proposons allégrement de visionner les images (oui, oui, encore des matches à regarder ! C’est rude hein ?) de la première saison en Italie de Platini ou Zidane, qui ressemblaient peu ou prou à des zombies, ou le passage de Papin à Milan. Cela s’appelle l’acclimatation à une nouvelle réalité, un nouveau jeu, et surtout à de nouveaux coéquipiers, un critère toujours pris en compte pour expliquer les débuts difficiles d’un joueur dans un nouveau club, mais bizarrement passé sous silence en l’occurrence. Je voudrais bien vous y voir, vous, avec Helguera et Roberto Carlos comme «défenseurs» à vos côtés… Il est clair que Cannavaro est en dessous de ses possibilités à Madrid, mais de là à en faire un argument contre l’attribution du Ballon d’Or…

Comment ça, «que» champion du monde ?

Un des autres arguments des pourfendeurs de Cannavaro est de dire, dans la continuité de sa prétendue médiocrité avant et après la parenthèse Coupe du Monde, qu’il n’a finalement que remporté le Mondial, alors que Henry, lui, a mené son club et sa sélection en finale de deux compétitions majeures. Alors là, franchement, y a de quoi tomber ! Pendant 12 ans, on s’est foutu des Italiens qui se demandaient pourquoi aucun joueur de la Botte n’avait reçu le Ballon d’Or depuis Baggio, en arguant «ben les Italiens y foutent plus rien en compétitions internationales». Si la portée de cet argument est discutable, prenons-le pour bon quand même, et je demande à ce qu’on m’explique : deux finales perdues contre une finale de Mondial gagnée, ça fait bien un trophée à zéro ou c’est moi qui divague ? Non, je demande ça comme ça parce qu’il y a comme un air de quatrième dimension là !

Et last but not least, une perle, un haut-lieu de journalisme, tiré toujours de l’Equipe : «Le premier défenseur italien à remporter le Ballon d’Or n’est pas le meilleur défenseur italien de l’Histoire», avec une référence notamment à Facchetti, Baresi ou Maldini. Mais c’est la faute aux poteaux carrés si ces monuments du foot italien n’ont jamais été primés ou doit-on plutôt se tourner du côté de la niaiserie des votants ? En même temps, c’est sûr que quand on voit que cette blague de Michael Owen ou Matthias – j’ai vu Dieu pendant une saison dans ma carrière et c’est tout – Sammer figurent, eux, au palmarès de France Football, on a répondu à la question. De plus, si l’on admet (ce qui est vrai) que Cannavaro est effectivement inférieur à ses illustres prédécesseurs, n’a-t-il pas un mérite d’autant plus grand d’avoir réussi à mener la Squadra là où ces derniers avaient échoué, en étant décisif qui plus est ?

Savoir ouvrir les yeux

Bon nombre des critiques adressées à Fabio Cannavaro finissent donc par se mordre la queue et se retournent en fin de compte contre ceux qui les ont proférées. La «faute» à un raisonnement un minimum rationnel… Attention, il ne s’agit pas de dire que le sacre de Cannavaro ne peut absolument pas être discuté, loin de là. L’important, c’est d’amener des arguments réels, qui trouvent un fondement ailleurs que dans les stéréotypes et dans une pensée philosophico-journaliste à la Yannick Paratte. Et reste dans l’air cette sensation que finalement bon nombre des griefs adressés au capitaine de l’Italie trouvent leur racine en amont : aux yeux de beaucoup, l’Italie n’a pas mérité son titre de champion du monde. Trop défensive, tricheuse, etc… Mensonges, ni plus ni moins. Ce ne sont pas moins de dix joueurs différents, issus de tous les postes sur le terrain, qui ont inscrit leur nom au tableau des marqueurs pour les Azzurri durant la compétition. Un record. Symptôme d’une manœuvre peut-être pas toujours spectaculaire au plus haut point, mais du moins incroyablement unie, pleine, «chorale». «Ouais mais pour l’Italie, c’est les défenseurs qui marquent», rétorquera-t-on. Ok, et pourquoi les défenseurs sont-ils aux avant-postes ? Et pourquoi parle-t-on des défenseurs alors que TOUS les attaquants sélectionnés par Lippi ont marqué en Allemagne (même Iaquinta, c’est dire…) ? Ça ne sent pas un peu le préjugé tout ça ? Parce que n’oublions pas que l’Allemagne s’incline en demi-finale après que Lippi ait remplacé deux milieux de terrains par deux attaquants, usant les courageux Allemands à la longue (et c’est pas rien d’user l’équipe d’Allemagne !).
Après, bien sûr que la défense (gardien compris) italienne a été fantastique durant ce Mondial, et décisive. Mais est-ce une tare de n’encaisser que deux buts, dont l’autogoal du siècle et un pénalty ? Et cessons de dire que l’Angleterre est «valeureuse» quand elle se défend, alors qu’on dira dans les mêmes circonstances de l’Italie qu’elle est «frileuse». C’est ridicule ! La défense fait partie du jeu, point. Sortons des clichés ! Primo, les matches ça se regarde (oui, j’insiste). Secondo, Trapattoni, Cesare Maldini et autres abominations sont partis. Tertio, l’Italie n’a pas joué au Catenaccio, vous pouvez dire ce que vous voulez, la preuve est sur DVD… Et dans cette chevauchée vers la conquête du titre, nul doute que Cannavaro a été magnifique, élégant, ponctuel, démontrant que même un tacle était un geste technique, et donc mérite d’être récompensé par le Ballon d’Or.

Le but de ces lignes était donc de demander aux critiques envers la Squadra et son capitaine non pas de changer d’avis, mais de faire preuve d’un tant soit peu de bon sens dans les jugements, aussi définitifs qu’ils soient. Et à nos amis français (qui auraient fait en toute honnêteté un magnifique champion du monde), j’adresse en particulier cette requête : après la Coupe, on vous a aussi embarqué le Ballon d’Or… Vous croyez pas, tant qu’on y est, que c’est le bon moment pour nous rendre la Joconde ? Merci d’avance.

Écrit par Maurizio Colella

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