Nadal III : c’est plus fort que toi

Après un début de tournoi sous la pluie, la finale de ce dimanche allait avoir lieu sous un magnifique ciel bleu. Un temps parfait pour une finale dont tout le monde rêvait, que l’on avait programmée depuis une année et qui paraissait de plus en plus probable vu les résultats des deux meilleurs joueurs du monde avant Roland Garros. On l’annonçait somptueuse, elle ne tint ses promesses que sur quelques (rares) points. Nadal s’est imposé sur le score de 6-3 4-6 6-3 6-4 et remporte ainsi son troisième sacre d’affilée sur la terre parisienne, il n’y a d’ailleurs jamais perdu un seul match… Nadal (aïe ça fait mal) est vraiment trop fort.

Et pourtant, Federer avait des raisons d’y croire : au premier set, il obtient dix occasions de faire le break dont sept avant de se faire breaker lui-même. A 3-2 pour lui, il galvaude cinq possibilités par sa faute ou que l’Espagnol sauve de manière incroyable. Après ce jeu raté, il offre directement à son contradicteur trois balles de set sur trois grosses fautes, le Majorquin ne se fait pas prier et convertit ces cadeaux dès la première occasion. On pensait le Suisse fini dans cette première manche, voilà que Nadal lui rend la politesse en lui offrant à son tour un magnifique 0-40 sur son service mais encore une fois, Federer n’arrive pas à revenir. Le premier set se termine sur un bilan catastrophique pour le Bâlois : 38% de première balle, aucune balle de break convertie sur dix tentatives, seize fautes non provoquées contre neuf à Nadal et seulement sept coups gagnants. Le Père Noël est helvétique…Durant le deuxième set, le Suisse attaque, il y a toujours autant de déchets dans son jeu (douze fautes après seulement quatre jeux disputés) mais sa moyenne de première balle remonte, il n’est plus inquiété sur son service et agresse Nadal ; son jeu est dorénavant porté sur l’attaque et ça paie. Il ravit le service de Nadal pour mener 4-3 service à suivre. Malgré deux balles de break à sauver, il ne plie pas et remporte la seconde manche. À ce moment là, on pense que le numéro un mondial est capable de réaliser quelque chose, et pourtant, plus dure sera la chute. Bien que le score ne le laisse pas trop penser, la fin du match est à sens unique. Nadal breake Rodgeur d’entrée dans le troisième set et ne lâchera plus son os pour remporter le set 6-3. Et pourtant, dans ce set, le Suisse flirtait avec les 90% de première balle… Le dernier set est la copie du précédent puisque Nadal prendra le service du Suisse à 1-1 pour s’envoler vers une nouvelle victoire à Paris, conclue sur sa première balle de match. Sans trembler. Tout un symbole.

Une défaite malheureusement logique

Résumons nous : pourquoi donc Rodgeur a-t-il laissé passer une occasion pareille ? Certes, Nadal a joué d’une manière admirable, et bien que j’imaginais déjà mon article sur la victoire de Federer pendant le premier set, je savais bien que cela allait être bien compliqué pour le Suisse. Plusieurs points sont à retenir pour expliquer cette défaite :
Premièrement, ce qui a prétérité Federer dans cette finale, c’est son incapacité à remporter les points importants : 17 balles de break, une seule convertie ! Alors qu’il avait remporté sa demi-finale sur des détails, le numéro un mondial aura eu ici des occasions en or de soulever la Coupe des Mousquetaires. Je n’ai plus le nombre exact en tête, mais sur le match il y a en tout cas deux jeux où il mène 0-40 sur le service de Nadal et peut-être encore deux autres où il y a 15-40. À ce niveau-là, c’est impardonnable.
Ensuite, on peut citer le nombre de fautes non provoquées : 60 contre 28 pour Nadal. C’est comme si Federer avait donné deux sets et trois jeux à son adversaire. Et ceci sur des balles sans difficulté ! Bien sûr, ce chiffre regroupe les tentatives d’attaque ainsi que les fautes bêtes mais ces dernières étaient nettement plus présentes par rapport aux attaques malheureusement loupées.
De plus, Federer a depuis quelque temps certains problèmes sur son service. 38% de première balle dans le set initial ajouté aux deux problèmes précédents ne pouvaient rien donner de bon. Ne pouvant s’appuyer sur sa première balle pour dicter ainsi la mesure dans ses jeux de service, le jeu d’attaque de Rodgeur ne pouvait pas s’exprimer librement et il était obligé de se battre dans de longs échanges que l’Espagnol raffole.
En dehors du jeu du Suisse à proprement parler, on peut également avancer deux autres points qu’un numéro un mondial doit être capable de maîtriser. D’abord la pression, car ce n’était pas une finale comme les autres. Federer pouvait réaliser un Grand Chelem entre deux années, c’est le seul tournoi majeur qui lui manque, et depuis sa finale gagnée contre Nadal à Hambourg, il savait qu’il avait une chance à saisir. En plus de cela, tout le public était acquis à sa cause, ça peut aider mais également augmenter la pression. En ce dimanche de juin, le Bâlois semblait nerveux, tétanisé par l’enjeu, incapable de lâcher ses coups. Ensuite, il ne faut pas oublier son adversaire : Nadal s’avoue vaincu quand vous le mettez à 20 mètres de la balle, et encore. La furia de l’Espagnol était capable de tout hier et particulièrement à Roland Garros, sa terre promise.

Tous ces éléments mis ensemble ont conduit Federer à une défaite qu’il aurait pourtant pu éviter. Mais on va arrêter d’être chauvin pendant deux minutes : Nadal a réalisé un tournoi exceptionnel. Il était d’ailleurs très près de rééditer l’exploit de Federer à l’Australian Open où ce dernier s’était imposé sans concéder le moindre set. En moyenne, Rafa n’a perdu que trois jeux par set (67 en 22 sets disputés) et aucun joueur n’a paru capable de l’inquiéter durant la quinzaine parisienne. Encore quelques stats ? Son bilan à Paris est de 21 victoires-0 défaite et en trois ans il n’a perdu que sept sets ! Le Majorquin semble bien accroché à son trône parisien. Bref, chapeau Rafa.

Le Grand Chelem pour l’année prochaine ?

A bientôt 26 ans, le Suisse a encore cinq ou six ans voire même plus à régner au sommet du tennis mondial (le jour de ses 35 ans, Agassi était 7e mondial et l’on sait tous que Rodgeur a autant si ce n’est plus de talent que ce dernier), les occasions de remporter Roland Garros sont encore là. Ne repartons pas comme il y a quelques semaines dans une parano «Federer est en crise». On a vu depuis quelque temps déjà que le Suisse semble parfois trouver la faille dans le jeu de Nadal et la solution viendra peut-être dans une année. Après tout, chaque match est différent, rejouez le lendemain contre un adversaire que vous avez battu, le résultat ne sera pas forcément le même.
Sur ses 16 dernières participations à un Grand Chelem (depuis qu’il a remporté pour la première fois Wimbledon), la Maître en a remporté dix, a atteint douze finales (dont les huit dernières d’affilée) et deux demi-finales. Bref, il n’est pas encore temps de s’inquiéter, Rodg aura encore des occasions avant de voir son rêve de Grand Chelem s’envoler à jamais, mais qu’il ne tarde pas trop, et ce particulièrement avec l’arrivée de certains excellents joueurs.

Et à part la finale homme ?

Dans ce long article (désolé mais les résumés c’est dans le Matin Bleu et 20 Minutes, pas ici), je vais quand même concéder un court passage au tournoi féminin, en fait un peu à l’image des demi-finales et de la finale, c’est-à-dire sans grand intérêt ni véritable émotion. Le mouton noir ? Mauresmo, sortie au 3e tour par Safarova. On relèvera également la bonne prestation de Patty contre Sharapova, ou pas… Quand on a quatre fois la possibilité de conclure le match sur son service et qu’on obtient trois balles de match, on doit gagner. Mais on connaît la force mentale de Patty, qui est non sans rappeler Marco Streller au point de penalty…

Les pauvres spectateurs qui ont acheté des billets pour les demi-finales femmes peuvent tirer la gueule : 2h25 de match pour deux parties jouées dès les premiers coups de raquette, et que dire de la finale ? 1h05 de match seulement. En moyenne, le perdant a inscrit 3,33 jeux par match, vraiment passionnant, et dire que certains veulent que ça se joue au meilleur des trois sets comme chez les hommes. Pitié, non !
Chez les hommes, on doit avouer que cela n’a pas été le meilleur millésime non plus. On relèvera l’excellente performance de Novak Djokovic, un joueur pétri de talent, avec un fair-play qu’on aimerait voir plus souvent sur certains terrains et pas seulement de tennis. On peut aussi parler du parcours de Davydenko mais cela s’arrête là car on a assisté à une toute petite cuvée à la Porte d’Auteuil, en espérant que le niveau de l’année prochaine soit au rendez-vous.
Le bilan suisse ? Comme je l’ai dit plus haut, Patty aurait dû mieux faire. Sortie des qualifications, Timéa a remporté son premier match en Grand Chelem contre la Chinoise Jie Zheng, 52e mondiale, avant d’inquiéter Schiavone, un bon tournoi pour la jeune Vaudoise. Gagliardi a été égale à elle-même et à son niveau en perdant sans se faire humilier contre Vaidisova au premier tour. Chez les hommes, Stan a remporté son premier match depuis sa blessure en revenant de deux sets à zéro (et même 6-0 au premier) avant d’inquiéter quelque peu Ljubicic, il n’est plus très loin de son meilleur niveau.
En attendant, place à la saison sur herbe où Federer possède une statistique impressionnante : 48 victoires d’affilée, série en cours, de quoi nous faire patienter jusqu’à Wimbledon, dans deux semaines déjà !

Écrit par Nicolas Jayet

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