Les héros sont redevenus des hommes

Le Lausanne-Sport, qui marchait sur l’eau depuis le début de sa campagne européenne, est sévèrement retombé sur terre face au CSKA Moscou. Sans être forcément inférieurs ni vraiment dominés, les Vaudois ont craqué sur des petits détails qui, à ce niveau-là, font toute la différence. Cette défaite face au favori du groupe est toutefois porteuse d’espoirs, soyons optimistes !

Le LS avait mis les petits plats dans les grands pour accueillir l’Europa League. Des tourniquets qui auraient rendu jaloux Pierre Hegg, des sécuritas plus nombreux qu’au Comptoir Suisse, un éclairage qui consomme autant d’électricité que le M2 durant une semaine, un système vidéo digne de la FBI et une interdiction d’alcool qui aurait fait la joie d’une famille de Mormons : on ne rigole pas avec les mesures strictes de l’UEFA. Reste qu’on ne manquera pas de féliciter la Ville de Lausanne et les dirigeants du LS qui ont réussi, en un temps record, à faire de la Pontaise un stade aux normes européennes. Ce n’était pas gagné… 

Face à tous ces efforts, le public vaudois a répondu présent et ce n’est pas moins de 11’500 spectateurs qui ont garni la vénérable enceinte des hauts de Lausanne. Un chiffre surprenant quand on sait qu’il y en avait 300 de moins contre le Lokomotiv alors que, hier soir, trois blocs supplémentaires avaient été ouverts… Comme tentative d’explication, on dira juste que le speaker de la Pontaise a parfois tendance, tel un organisateur de manifestation altermondialiste, à gonfler les chiffres. C’était le cas contre Lokomotiv où l’on ne devait pas être plus de 10’000, tout compte fait.

La montagne russe

Des 11’500 spectateurs annoncés, il devait en manquer deux ou trois mille au coup d’envoi. Le Vaudois moyen n’avait sûrement pas prévu les bouchons pour accéder au stade et la file d’attente à l’entrée des caisses. «Ah bon, on ne joue pas contre Gossau ce soir ?» Il n’empêche que les retardataires ne vont pas rater grand-chose. Le LS n’ose pas et le CSKA n’est assurément pas ici pour assurer le spectacle, mis à part Vagner Love et ses cheveux bleus qui détonnent au milieu de la pelouse. «Nous avons été trop respectueux de notre adversaire en début de match», reconnaîtra Martin Rueda après la partie.
Alors que le LS commence à s’enhardir et le public à se réveiller, les visiteurs vont cueillir leur adversaire à froid. L’excellent Mark Gonzalez file sur son flanc gauche (mais où était Traoré ?) et oblige Anthony Favre à faire une parade qui rebondit sur la tête de Vagner Love. A cinq mètres d’un but, le Brésilien est comme face à une bimbo moscovite en boîte de nuit : il ne rate pas le coche. 0-1, le LS prend une leçon de réalisme. 

Les Lausannois, valeureux, tentent de refaire leur retard et ne déméritent pas. Tosi par deux fois puis Silvio ont une chance d’égaliser mais il écrit que le Brésilien de la soirée, ce sera le joueur au look de Schtroumpf pineur. Après 45 minutes, le onze de Rueda quitte la pelouse avec un seul tir cadré en direction d’Igor Akinfeev, mais peut se targuer d’avoir fait jeu égal avec le club aux 150 millions de budget. «Ces défenseurs russes sont des pièces, hyper solides et très difficiles à bouger» telle est l’analyse de Frédéric Gigon au bar des vétérans à la pause, où la serveuse est un appel à l’adultère (c’est vraiment des pros chez Grand Chelem).

Commedia dell’arte

Le LS entame la seconde mi-temps comme il a terminé la première : avec de l’envie mais sans réelle occasion. Comme l’a justement relevé l’ex-international du Liechtenstein, la défense soviétique est aussi difficile à manœuvrer qu’un char de l’armée rouge. On sent aussi qu’il manque ce brin de folie et d’insouciance qui avait porté Celestini et cie à l’exploit face au Lokomotiv. Face à cette montagne de l’Est, les héros lausannois redeviennent des hommes et seuls une frappe venue de nulle part ou un exploit personnel semblent pouvoir briser ce roc. Marazzi tente sa chance de 20 mètres mais le ballon file de peu à côté (58e). C’est la meilleure occasion lausannoise avec la tête de Tosi en première mi-temps.
Le onze de Leonid Slutsky ne va pas se faire des amis en seconde période. Entre les nombreux arrêts de jeu, les joueurs qui se roulent par terre et Mark Gonzalez qui met 30 secondes pour sortir, les visiteurs n’ont pas volé les sifflets du public. Le vainqueur de la Coupe UEFA 2005, ce monstre de réalisme, va définitivement assommer son adversaire à la 68e sur une tête de Tosic. Vagner Love est hors-jeu de position sur l’action mais vu qu’on ne prête qu’aux riches, on ne va rien dire.

Sonnés, les Galactiques lausannois n’ont plus la force de revenir. Ils vont même boire le calice jusqu’à la lie lorsque l’arbitre gallois, en pleine montée de crack, offre un pénalty complètement imaginaire aux triples champions de Russie, qui font une nouvelle fois étalage de tout leur talent de simulateurs. Ce dernier est transformé par celui qu’on avait croisé et salué un soir de juillet 2008 au Rai Club de Moscou (si si, et il n’était même pas ivre !). 0-3 dont deux buts litigieux : nul doute que M. Evans ne dormira pas au Formule 1 la prochaine fois qu’il descendra dans la capitale russe…

Honda superstar

Qu’on se le dise, le LS n’a pas à rougir de cette claque tant il a souvent fait jeu égal avec son redoutable adversaire, ne refusant jamais de jouer, d’aller de l’avant, fidèle aux convictions de Martin Rueda. «Moscou a marqué à sa première occasion. Nous en avons été incapables. C’est le seul reproche que je puisse formuler au groupe», tels seront les propos du coach lausannois en conférence de presse. Ce groupe ne mérite en effet aucun reproche et la sévérité du score ne reflète pas la physionomie de la rencontre. Cette première défaite du LS en Coupe d’Europe depuis 11 ans est de celle qui fait grandir. «C’est le métier qui rentre», comme m’avait dit mon père après mon premier râteau en boîte.                        
Quelques mètres plus loin, nous avons droit à une scène quelque peu insolite. Keisuke Honda est entouré par quatre ou cinq journalistes japonais qui lui posent une ribambelle de questions sur les…17 minutes de son match. Ces envoyés spéciaux ont pour rôle de suivre le joueur nippon durant toute la saison, 7 jours sur 7, et de relater ses «exploits» dans la presse locale ! Une sorte de télé-réalité en mode footballeur exilé à Moscou. Avis aux amateurs, je veux bien me faire engager par un média suisse romand pour suivre les pérégrinations de Stéphane Grichting à l’AJ Auxerre…

3 déplacements en 9 jours

Cette deuxième défaite d’affilée marque un coup d’arrêt pour le club des Plaines-du-Loup. Il n’est toutefois pas l’heure de gamberger pour des Vaudois dont le programme s’annonce périlleux, mais de loin pas insurmontable. Après un périple à Langenthal en Coupe de Suisse, les Lausannois iront défier Servette pour un derby lémanique qui promet des étincelles et une belle affluence. Cinq jours après, c’est à Palerme que l’aventure européenne se poursuivra. Face à un adversaire qui en a pris trois dans l’antre du Sparta Prague, les Galactiques lausannois auront l’occasion de rectifier le tir. Ce n’est pas l’actuel 16ème d’un championnat de seconde zone qui va faire peur aux hommes de Rueda. Après avoir renversé le Kremlin, à eux de conquérir l’Etna !   
Photos Marc-Olivier Reymond et Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch 

Lausanne – CSKA Moscou 0-3 (0-1)

La Pontaise, 11’500 spectateurs (record de la saison).
Arbitre : M. Evans (PdG).
Buts : 22e Vagner Love 0-1. 68e Ignashevich 0-2. 80e Vagner Love (penalty) 0-3.
Lausanne : Favre; Traoré (64e Basha), Katz, Sonnerat, Gétaz; Tosi, Marazzi, Celestini, Avanzini (81e Carrupt); Silvio, Roux (73e Munsy).
CSKA Moscou : Akinfeev; A. Berezutsky, V. Berezutsky, Ignashevich, Shennikov; Gonzalez (64e Oliseh), Mamaev, Semberas, Tosic (84e Necid); Vagner Love, Dzagoev (73e Honda).
Cartons jaunes : Semberas (31e), Dzagoev (41e), Marazzi (45e), Katz (65e), Avanzini (79e), V. Berezutsky (90e).
Notes : Lausanne sans Buntschu ni Meoli, le CSKA sans Doumbia (tous blessés).

A propos Marco Reymond 470 Articles
Un p'tit shot ?

Commentaires Facebook

14 Commentaires

  1. Le Schtroumpf Pineur…
    Mort de rire, j’arrive pas à arrêter!!!
    Trop fort!!! Et la Schtroumpfette, c’était la serveuse du bar des Vétérans ??

  2. Contre le Palermo il y aura peut-être un bon coup à jouer car l’équipe nage en plein doute. D’ailleurs ça aurait été pas mal de les affronter hier au lieu du CSKA. Le calendrier du Palermo devrait être un coup de pouce supplémentaire, avec un septembre de feu où ils devront mettre le focus sur le championnat et donc contre le Lausanne il y aura un large turn-over et il faudra en profiter!
    Le calendrier donc:
    dim 19/09 Palermo – Inter
    jeu 23/09 Juventus – Palermo
    dim 26/09 Palermo – Lecce
    jeu 30/09 Palermo – Lausanne-Sport
    dim 03/10 Fiorentina – Palermo

  3. C’est très bien écrit, plein de jolies métaphores, tout en reflétant très justement la physionomie du match, je trouve. Du super boulot, Marco !

    Et, en effet, entre Webb l’anglais et maintenant Evans le Gallois, on pourrait commencer à se demander si les referees de la Verte Albion ne sont pas devenus les nouveaux Colombiens et Vénézueliens de l’arbitrage ! Ces trois-là ( pardon, cinq ! ) doivent adorer le caviar et les belles poupées russes en tout cas ! 😉

    Sinon, un grand bravo au LS d’avoir joué crânement sa chance face à plus fort que lui c’est vrai, et fait si plaisir à son public ! On attends la suite avec impatience.

  4. excellent papier.

    C’est que du bonus pour le LS ces matchs d’Europa League à la Pontaise. Franchement le scénario idéal pour lancer la saison de la PROMOTION, renforcer l’équipe, réveiller les sponsors, ramener le public, agrandir le futur stade,…

    HOP LS

  5. où la serveuse est un appel à l’adultère (c’est vraiment des pros chez Grand Chelem).

    Je confirme Marco, juste dommage pour le manque de bières ; – )

  6. Excellent article j’ai bien ri !
    Dommage pour le LS mais dans ce genre de match l’inexpérience se paye cash, dommage également qu’une fois de plus le grand soit favorisé par l’arbitrage. Enfin bon ceci, même si un match nul n’aurait, à mon avis, pas été volé, on ne va pas crier au scandale. A noter que sur les 4 défenseurs et le gardien, 4 sur 5 sont internationaux russes.

  7.  » A noter que sur les 4 défenseurs et le gardien, 4 sur 5 sont internationaux russes.  »

    On peut donc partir du principe que même avec des Strellettes et des Frei, la Suisse n’aurait pas fait mieux !

  8. Hahaha, très bon résumé !

    CSKA m’a quand même beaucoup plus impressionné que Loko. De grosses individualités, un poison nommé Love, un gardien 5 étoiles et ce chilien sur l’aile gauche va vite, très vite… Et dire qu’il manquait Doumbia.

    Le CSKA va survoler ce groupe. Faudra aller chercher des points contre Palerme et Prague. Avec un maximum de réussite c’est possible !! Hop LS

  9. Le CSKA est nettement supérieur…S’ils voulaient jouer à fond, ils auraient dominer et marquer bien plus de buts!
    Mais on croit toujours en chance du LS qui a tout pour accrocher les 2 autres équipes!! LAUSANNE!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.