Liverpool n’a plus le blues

Expérience inoubliable que cette victoire de Liverpool sur Chelsea dans le chaudron d’Anfield. Les Scousers n’ont pas été à pareille fête sur leur pelouse depuis plusieurs mois, offrant ainsi une soirée de gala à leurs supporters.

Liverpool a fait beaucoup parler de lui dans les médias cette semaine. Tout d’abord, le match de Tottenham contre l’Inter a ramené Benitez sur sol anglais, ce qui a évidemment provoqué une foule de questions-réponses sur son aventure chez les Reds. Si ses qualités de tacticiens sont louées, il est attaqué sur son recrutement, avec au passage, la publication de la liste des flops de ses transferts à Liverpool, Philipp Degen en tête. Ensuite, le nouveau propriétaire du club, John Henry, a promis une enveloppe de transfert pour janvier afin de renforcer cette équipe qui manque cruellement de profondeur de banc. Ses interviews sont épluchés par les médias locaux et sa première décision à la tête du club n’est pas dénuée de tout fondement : réorganiser et développer la structure dirigeante sportive du club, notamment la cellule des scouts et du recrutement. Sorti de la crise et éloigné de la zone de relégation après deux victoires en championnat, toutefois peu convaincantes face à Blackburn et Bolton, Liverpool a retrouvé un peu de sérénité et semble monter gentiment en puissance. Mais la qualité présentée lors des deux derniers matchs ne permet pas pour autant aux fans de recevoir Chelsea dans un océan de sérénité. Les Blues caracolent en tête de la Premier League, avec pour seule défaite leur revers sur le terrain de Manchester City. Chelsea est d’ailleurs la seule formation qui, pour l’instant, n’a pas perdu de points contre les présumées «petites» équipes. Elle possède également la meilleure défense et la meilleure attaque du championnat, et de loin, avec seulement 3 petits buts encaissés et 27 marqués en dix matchs.

Une première mi-temps à sens unique

Pourtant, il faudra peu de temps pour que toutes les craintes soient levées, onze minutes très exactement. Torres avait fait le plein de confiance en retrouvant le chemin des filets contre Blackburn, puis en délivrant une passe magique pour Maxi sur le seul but des Reds à Bolton la semaine passée. Et il va faire une véritable démonstration de son talent et redevenir un attaquant de classe internationale ce dimanche. Kuyt transmet une merveille de passe au-dessus de la défense des Blues, El Niño contrôle dans la course, résiste au retour de John Terry et pique le ballon au-dessus d’un Cech qui se couche en la circonstance aussi rapidement que Joël Gaspoz dans un slalom de coupe du monde. Anfield exulte et peine à y croire. Je me surprends à regarder trois ou quatre fois le tableau d’affichage pour m’assurer que les Reds mènent bien à la marque devant Chelsea. Je pense ne jamais avoir autant chanté «The fields of Anfield Road» lors d’une partie à domicile. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Liverpool est entré dans le match le couteau entre les dents et a démontré une envie et une détermination qui ravissent le public présent. La performance collective et individuelle des onze Scousers sur le terrain est impressionnante. Avec un Torres de retour à son juste niveau, la solidité de Carragher titularisé dans l’axe suite au forfait de Kyrgiakos et qui s’est abstenu de mettre un auto-goal, la classe habituelle de Gerrard, un Maxi Rodriguez qui bonifie ses partenaires et le fighting spirit de Kuyt revenu de blessure, tous ont joué à leur meilleur niveau sur une mi-temps, ne laissant que des miettes de jeu à Chelsea.
Un autre homme est sorti du lot : Lucas. Alors que la rumeur d’un transfert du milieu de terrain défensif est apparue cette semaine dans les journaux – on parle de Stoke City pour quatre millions de livres sterling – il a peut-être délivré sa meilleure copie depuis son arrivée à Liverpool. Une station de radio à Liverpool a traité Lucas de «pire joueur brésilien de tous les temps en Premier League», ce qui ne doit pas lui avoir fait très plaisir. Alors quatre millions, c’est du bonus ! Et en toute franchise, avant ce match, je l’aurais offert à n’importe quel autre adversaire du championnat, en payant son salaire encore pendant six mois et avec une clause l’obligeant à jouer le prochain match contre Liverpool. Il a réussi dimanche soir à faire taire tous ses détracteurs, moi le premier, et j’espère pour les Reds qu’il répétera cette prestation cette saison, celle qui le fait ressembler davantage à Xabi Alonso qu’à Bruno Cheyrou. Sa fiche de statistiques est brillante sur ce match et avec la complicité de Gerrard, il a éclipse le milieu de terrain de Chelsea et John Obi Mikel en particulier. Le Magloire du football anglais a passé son temps à courir derrière les deux hommes et à tenter de fermer les brèches provoquées par le jeu de passes efficace de Liverpool et les extérieurs du pied de Gerrard qui ressemblent à des passes dirigées de Playstation. Chelsea doit se passer de Lampard et d’Essien et cela se ressent dans l’entrejeu. Les autres grands absents sont Joe Cole et Benayoun qui manquent les retrouvailles avec leurs anciens clubs. La défection de Joe Cole a été bien digérée par Liverpool. Le numéro 10 n’a pas vraiment encore convaincu cette saison et son remplaçant, Meireles, a été excellent sur le côté. Chelsea, en revanche, aurait pu bénéficier de la vivacité et de la percussion offensive de l’Israélien, deux choses qui ont cruellement manqué aux Blues à Anfield.

Torres, allume-feu d’Anfield

Juste avant la pause, alors que quelques pékins sont déjà passés sous la tribune et que la tireuse à bière ronronne, Ashley Cole glisse au milieu du terrain, pressé par trois joueurs de Liverpool. Il offre le ballon à Meireles, qui le transmet directement à Torres. Ce dernier, excentré au coin des seize mètres, fait quelques pas sur la droite pour éliminer Ivanovic et envoie le ballon, avec un imparable plat du pied travaillé, dans le petit filet opposé, trompant un Cech médusé sous son casque. Au vu de la célébration de l’Espagnol, il expulse pas mal de frustration après ce goal. Je vous laisse imaginer le délire dans les tribunes et le Kop qui se met à chanter: «Fernando Torres, Liverpool’s number nine». Du coup, c’est la kermesse dans les buvettes, la foire à la saucisse, les bacchanales et tout ce que vous voulez pendant la mi-temps. Les gens sifflotent aux urinoirs et ça rigole dans les travées du stade.
Chelsea revient de la pause sans le fantôme de Kalou remplacé par son compatriote Didier Drogba, qui a débuté la partie sur le banc puisqu’annoncé malade et diminué avant le match. Mais les Blues semblent encore choqués par le doublé de Torres et la performance de Liverpool en première mi-temps, la présence de l’ancien Marseillais ne change pas vraiment la physionomie de la partie. La première véritable intervention du match pour Reina n’arrive qu’à la 60ème minute sur un bon tir de Zhirkov. Cinq minutes plus tard, le champion du monde va faire un tout grand arrêt réflexe et empêche Malouda de poursuivre sa moisson de buts saisonnière. Liverpool recule un peu et relâche son pressing à mi-terrain, sans doute déjà satisfait de mener 2 à 0 devant le leader, mais garde néanmoins le contrôle du match. Le rythme est infernal bien que les occasions des deux côtés ne soient pas toutes tranchantes. Chelsea est tout près de réduire le score à la 85ème, mais la frappe d’Anelka est déviée par Reina sur la barre transversale et Carragher est plus prompt que Drogba après le rebond. Liverpool tient son os et la dernière grosse occasion du match sera pour Kuyt, qui voit son puissant tir être superbement dévié par Cech en corner. «You will never walk alone» peut résonner dans le stade. Quelle victoire et quelle célébration pour les fans des Reds, libérés d’un poids après des semaines de doutes et de moqueries !

What’s next ?

Du côté des Blues, on ne dramatise pas la défaite et comme l’a dit le meilleur pote de Wayne Bridge dans l’interview d’après-match: «on ne peut pas gagner tous les matchs et celui-ci a été gagné par Liverpool et non perdu par Chelsea». C’est une semaine «anglaise» qui attend les clubs avec une journée de championnat aujourd’hui et une autre ce week-end. Chelsea accueille d’abord son voisin bourgeois de Fulham puis Sunderland, deux matchs à domicile qui devraient voir les Blues garder leur première place au classement. La bonne opération de cette onzième ronde est réalisée par Manchester United. La troupe d’Alex Ferguson a vu ses deux plus proches rivaux trébucher tour à tour, Arsenal mordant la poussière de l’Emirates face à Newcaslte, qui n’en finit pas de surprendre. Pour sa part, Liverpool se rend chez son voisin Wigan mercredi puis à Stoke samedi. Face à deux adversaires en plein doute, Roy Hodgson et ses hommes se doivent de confirmer leurs bonnes dispositions dans des stades qui ressemblent à tout sauf à des forteresses imprenables. Liverpool a évité la crise il y a peu, je ne vais pas maintenant être trop euphorique suite aux trois victoires d’affilée. Il n’y a vraiment qu’en répétant ce genre de prestation que les Scousers pourront voir l’avenir en rose. Les fans ont assisté à un match qui ressemblait à la cuvée 2008-2009 et si Liverpool cherchait un match référence, il l’a assurément trouvé.

Liverpool – Chelsea 2-0 (2-0)

Anfield, 44’238 spectateurs.
Arbitre : M. Howard Webb.
Buts : 11e Torres 1-0, 44e Torres 2-0.
Liverpool : Reina; Kelly, Carragher, Skrtel, Konchesky; Meireles (90e Spearing), Lucas, Kuyt (83e Shelvey), Gerrard, Maxi; Torres (87e Ngog).
Chelsea : Cech; Cole, Terry, Alex, Ivanovic (70e Bosingwa); Ramires, Mikel, Zhirkov (75e Sturridge); Kalou (45e Drogba), Malouda, Anelka.
Man of the match : Fernando Torres.

Écrit par Ludovic Schmutz

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4 Commentaires

  1. « (…) au-dessus d’un Cech qui se couche en la circonstance aussi rapidement que Joël Gaspoz dans un slalom de coupe du monde.  » La référence risque d’échapper aux plus jeunes mais c’est du pure génie!

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