La nouvelle patinoire de Genève, aux Vernets ou au Trèfle-Blanc ? (1/2)

Le suspense devrait être levé bientôt : quel site entre les Vernets et le Trèfle-Blanc sera choisi pour accueillir la future patinoire ? Les représentants de la Ville et du Canton de Genève, du GSHC ainsi que de la Ville de Lancy ont prévu de prendre une décision fin janvier. Si aucune date n’a encore été arrêtée, il va bien falloir finir par trancher. Retour sur un dossier plus épineux qu’il n’y parait.

Cela fait plusieurs années que l’on parle de construire une nouvelle patinoire à Genève qui accueillerait les matches du GSHC dans un cadre un peu plus adapté à la réalité du 21e siècle que ce que propose cette brave «ruine» des Vernets, comme se plaisent à l’appeler nos sympathiques et taquins adversaires. Néanmoins, ce n’est que depuis le printemps 2011 que ce projet a pris de l’ampleur. Succinct rappel des faits :- Avril 2011 : le Conseil d’Etat et le Conseil administratif de la Ville de Genève ainsi que le Genève-Servette HC mandatent le bureau Burckhardt+Partner pour évaluer quatre sites susceptibles d’accueillir une nouvelle patinoire où évoluerait le GSHC : les Vernets, le Centre sportif du Bout-du-Monde, le Quart-de-Camembert au sud du Stade de Genève et le Trèfle-Blanc sur la commune de Lancy. Précisons que cette étude était très générale et n’avait pas pour but de dresser un bilan économique précis des sites en question.
– Juin 2011 : suite aux résultats de l’étude, les sites des Vernets et du Trèfle-Blanc sont présélectionnés. Le cabinet Wuest & Partner est engagé pour mener une analyse économique détaillée des forces et faiblesses des deux sites retenus.
– Octobre 2011 : incapable de prendre une décision, le comité d’examen annonce qu’il ne fera son choix qu’au mois de janvier 2012. Il prévoit entre temps d’avoir recours aux conseils de «différents cabinets urbanistiques» ainsi que d’un «groupe international spécialisé dans la conception des patinoires» pour lui permettre de statuer définitivement et en toute connaissance de cause.

Les forces en présence

Aux Vernets comme au Trèfle-Blanc, le projet prévoit une patinoire de 10’000 places avec un parking en sous-sol et agrémentée de diverses infrastructures (patinoires annexes, hôtel, logements, bureaux, etc.). Le début des travaux était prévu pour 2012 avec une livraison en 2015, mais comme on a déjà six mois de retard sur le planning, les délais ne seront pas tenus. Si l’enceinte se construit aux Vernets, elle prendrait la place de l’actuelle patinoire extérieure, ce qui permettrait à l’équipe de continuer à utiliser la patinoire actuelle durant la durée des travaux. On se retrouverait à terme avec deux patinoires construites à quelques mètres à peine l’une de l’autre, ce qui est tout à fait ridicule. Ensuite, la désormais ancienne patinoire serait démolie, ce qui coûterait du temps (deux ans) et pas mal d’argent. Ce d’autant que deux patinoires annexes seraient reconstruites à sa place, dont une seule couverte puisqu’il fait toujours beau à Genève. Au final, on obtient des années de travaux occasionnant d’énormes nuisances pour les utilisateurs de la piscine, du parking, du pub et du restaurant, et des coûts supplémentaires dévolus à la démolition de l’actuelle patinoire. Le tout pour gagner une seule nouvelle surface de glace.
De con côté, le projet du Trèfle-Blanc ne projette pour l’instant que la construction d’une salle communale et d’un hôtel en plus de la patinoire. Mais comme tout reste à bâtir dans ce quartier en plein développement, le projet est malléable et facilement modifiable. Le parking souterrain prévoit deux fois plus de places que celui des Vernets et, bien plus important, une décision de construire à Lancy permettrait le maintien des deux patinoires existant actuellement aux Vernets. On pourrait alors imaginer la mise en place de deux ou trois nouvelles surfaces de glace fixes au Trèfle-Blanc, ce qui donnerait un bon coup d’accélérateur à l’ambitieux programme Genève Futur Hockey qui en a par ailleurs bien besoin. Choisir le Trèfle-Blanc, c’est aussi regarder la réalité en face : le Canton de Genève est en plein développement urbain et le secteur Lancy-Sud/Plan-les-Ouates sera en première ligne avec, à l’horizon 2016, l’arrivée du CEVA et d’un parking P+R au Bachet, un probable tram sur la route de Base, de nombreuses constructions prévues à la Chapelle, aux Palettes, aux Cherpines, etc. De plus, une bretelle d’autoroute se trouve juste à côté, ce qui permettra aux Lausannois de vite rentrer chez eux la queue entre les jambes si d’aventure ils arrivent à remonter un jour en LNA. D’aucuns me rétorqueront qu’une patinoire aux Vernets s’impliquerait aussi dans un projet d’urbanisation, à savoir le fameux PAV (Praille-Acacias-Vernets), et ils auraient raison. Cependant, la conceptualisation de ce projet n’est pas du tout aboutie à l’heure actuelle, et Dieu seul sait quand il verra concrètement le jour. Et quand on voit les bouchons qui se forment au terme d’un bête match contre Rapperswil, on n’ose même pas imaginer le boxon dans le quartier après une rencontre jouée devant 10’000 spectateurs.

Le site du Trèfle-Blanc n’est pas parfait non plus. Mais il n’a qu’un seul point faible : quatre des vingt-deux parcelles que constituent le site où la patinoire devrait être érigée sont possédées par des privés qui devront, le cas échéant, faire l’objet de négociations en vue d’un rachat ou d’un échange par l’Etat. Trois parcelles sur les quatre étant acquises – ou étant en voie d’acquisition – par des sociétés, il est tout à fait possible d’imaginer pouvoir obtenir des arrangements, en incluant par exemple ces dernières dans le projet en leur permettant de construire un hôtel ou des bureaux en proximité immédiate de la future patinoire. Ce type de négociations est monnaie courante et s’est retrouvé dans tous les récents projets de construction d’infrastructures sportives en Suisse, tels que le Stade de la Maladière à Neuchâtel ou la Bossard Arena de Zoug. Cependant, la quatrième parcelle est détenue par un privé et, par conséquent, sujette à une opposition personnelle qui pourrait théoriquement bloquer le projet si d’aventure le propriétaire était obtus et borné. Néanmoins, d’après mes informations, ce dernier serait au contraire plutôt ouvert à la discussion. De plus, sa propriété étant située en marge du site, il serait peut-être même possible de concevoir un projet de patinoire qui n’empiéterait pas dessus.
Vous l’aurez donc compris, le projet des Vernets est objectivement moins bon que celui du Trèfle-Blanc, qui apparaît plus adapté dans une perspective à long terme et constitue une excellente opportunité pour le développement du hockey à Genève. Ceci considéré, l’attractivité du site des Vernets reste indéniable avec sa dimension historique, sa forte relation avec les partisans du club, sa situation centrale et la présence de nombreux bars sympas à proximité pour le 4e tiers-temps. Pourtant, ces considérations philosophico-pratiques ne vont malheureusement pas peser bien lourd au moment de la prise de décision et laisser leur place à d’autres arguments autrement plus persuasifs, comme vous vous en rendrez compte dans la prochaine partie.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Marc Baertschi