Le sumo pour les nuls : voyage au pays des rikishi ! (4/5)

Quatrième partie de notre présentation du sumo ! De par ses nombreuses références à la religion et à la culture traditionnelle japonaise, on prête volontiers à ce sport une certaine noblesse qui le rendrait presque intouchable. Nous tordons ici le cou à cette image naïve et idyllique en évoquant un des passages les plus sombres de l’histoire de ce sport : le «yaocho mondai» ou un énorme scandale de matches truqués qui continue de défrayer la presse japonaise.

Mercredi passé, la toute puissante Association japonaise de Sumo a annoncé avoir essuyé la plus grande perte de son histoire, soit 4.9 milliards de yen (61.3 millions de dollars) sur l’ensemble de l’année 2011. Ce déficit ne fait pourtant que s’insérer dans une dynamique négative qui perdure – et empire – depuis maintenant quatre années. S’il ne fait guère de doute que le tsunami du 11 mars et la catastrophe nucléaire de Fukushima qui s’en est ensuivie ont eu une influence néfaste sur toute l’économie nippone, la déroute financière de l’Association japonaise de Sumo s’explique avant tout par des scandales à répétition qui ternissent un peu plus son image à chaque nouvelle révélation. En février 2011, l’Association a annulé le Tournoi du Printemps après que trois lutteurs ont avoué avoir truqué des matches dans le but de se maintenir dans la division juryo, qui leur assurait un salaire confortable (voir la partie 1 pour les explications sur le système de promotion/relégation d’une division à une autre). Au final, cette affaire impliqua des dizaines de rikishi et membres de leur entourage professionnel. Pour la première fois depuis 1946 et la rénovation d’un Kokigukan de Tokyo endommagé par la guerre, un des six grands basho n’a pas eu lieu comme prévu : une véritable onde de choc qui a secoué tant le monde du sumo que la société japonaise dans son ensemble, puisque même le grand tremblement de terre qui a détruit Tokyo en 1923 et la Seconde Guerre mondiale n’avaient pas empêché la tenue des tournois !

Cette nouvelle n’a pourtant pas dû surprendre grand monde. Le sumo est un sport où la pègre truste les loges VIP plus souvent qu’à son tour, et dans lequel il n’est pas rare d’apercevoir un lutteur dînant en compagnie peu recommandable. De plus, comme nous l’avons vu dans la partie précédente, des sombres affaires de bizutage – mais également de dopage, de paris illégaux et d’autres faits divers peu glorieux – ont salement terni l’image de ce sport et, pour ainsi dire, on n’en est plus à un scandale près. Enfin,  il est de notoriété publique que le sumo est un sport où, discrètement, on laisse parfois gagner un lutteur qui évolue devant sa famille ou qui n’a besoin que d’une victoire pour monter dans la division supérieure, dans un souci bienveillant de lui assurer un train de vie acceptable.
Mais voilà, cette fois-ci c’était trop gros et plus personne ne pouvait décemment fermer les yeux. Des preuves irréfutables – à savoir des sms échangés entre les lutteurs – ont été trouvées par la police, qui enquêtait sur des paris illicites sur des matches de baseball impliquant la mafia et des anciens rikishi. On ne pouvait dès lors plus faire semblant que tout allait bien, comme on aime pourtant tant le faire au Japon. D’un autre côté, l’Association japonaise de Sumo, qui se bat depuis des années pour la popularité de son sport, a probablement voulu se montrer ferme aux yeux des observateurs étrangers : se conformer aux critères internationaux semble logique lorsque l’on vise à moyen terme une participation aux Jeux Olympiques.
Quoi qu’il en soit, les conséquences ne se sont pas faites attendre : la chaîne de télévision publique NHK, partenaire historique de ce sport, a ainsi refusé de payer les droits de diffusion d’un tournoi mis spécialement sur pied pour redorer le blason du sumo et pour les matches auxquels l’Association avait offert l’entrée aux spectateurs. Pour cette dernière, cela représentait un manque à gagner conséquent, qui explique en partie les grosses pertes essuyées en 2011. La NHK, de son côté, avait déjà renoncé à retransmettre le tournoi de Nagoya une année auparavant, suite aux premières révélations sur les paris des matches de baseball : pour la première fois en 80 ans d’histoire de retransmission du sumo, un tournoi majeur n’était diffusé ni à la radio ni à la télévision ! Selon une estimation de la chaîne, cette décision avait toutefois reçu le soutien de près de 7 téléspectateurs sur 10, ce qui est révélateur du ras-le-bol de la population japonaise envers l’opacité du sumo actuel.

Les nombreux scandales qui éclatent à tour de rôle témoignent également de l’incapacité de l’Association japonaise de Sumo à s’adapter aux défis d’une époque nouvelle, telle que la gestion de l’information qui diffuse chaque bruit de couloir à l’autre bout du monde. Elle peine en effet à réformer une structure népotique, dépourvue de système de formation moderne et peu adaptée aux réalités de la mondialisation. Les présidents se succèdent mais les problèmes demeurent. Et c’est justement sur un de ces défis à relever que se clora cette série de présentation : l’internationalisation du sumo et la présence de toujours plus de rikishi étrangers dans l’archipel nippon, avec toutes les conséquences que cela implique pour un monde tout de même très conservateur.

Écrit par Marc Baertschi

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