Caramba, encore raté !

Le concept est assez marrant. Aller à la patinoire pour voir un match, quand il n’y a pas de match. Première donc samedi soir pour moi qui ai fait les 125 kilomètres jusqu’à la PostFinance Arena de Berne afin de suivre mon SCB… sur «grand» écran. Malheureusement, les petits bonhommes en bleu ont levé les bras 6 fois au ciel, contre 3 fois pour les gars en blanc. Le ZSC a donc égalisé de manière méritée et la finale se jouera dans un alles entscheidende «game 7» – comment en aurait-il été autrement ? – mardi soir à Berne.

La grande messe

En arrivant un peu perdus sous la pluie (décidément il pleut de manière ininterrompue à Berne depuis jeudi – éclaircie mardi ?), nous ne rencontrons pas le pèlerinage habituel des maillots du SCB se rendant à la cathédrale du hockey suisse ; juste quelques énergumènes isolés aux couleurs de YB marchant à contre sens, rentrant du Stade de Suisse voisin un peu dépités d’un match nul contre GC. Cependant, nous découvrons rapidement les avantages d’aller au match, quand il n’y en a pas :
Pour parquer, c’est beaucoup plus facile ;
Le billet ne coûte que CHF 10… et en plus on est assis !
Il n’y a pas besoin d’arriver une heure et demi en avance pour se garder une bonne place dans les gradins ;
On n’est pas fouillé à l’entrée ;
On peut s’asseoir juste derrière le banc (vide il est vrai) des joueurs du SCB ;
On ne risque pas de se prendre un puck en pleine gueule ;
Il n’y a pas de supporters de l’équipe d’adverse ;
Il n’y a pas d’ultras rasés, du genre «Hier spricht man deutsch» : ils sont tous allés prendre le thé au Hallenstadion avec leurs sympathiques cousins zurichois, qu’ils détestent bien sûr, bien qu’ils partagent tous la même vision du monde. La seule différence : la couleur du t-shirt.
En pénétrant dans la patinoire, la scène est un peu irréelle : l’immense tribune du kop est complètement vide et déserte, mais toutes les places assises sont remplies par des fidèles prêts pour la grande messe à célébrer autour de l’autel du «Jumbotron» à quatre faces qui domine le centre de la patinoire. Et même s’il n’y a pas de livres de cantiques sous les sièges, les officiants commencent à chanter, d’une manière crispée certes, en préambule de la liturgie à suivre.

Comme des skieurs sur les pistes, on peut reconnaître «l’époque» de nombreux supporters à leur style et à leur accoutrement, et je peux en un coup d’oeil faire l’historique des titres du SCB. Du vieux dinosaure avec le beau pull sacré et sans publicité des années 70, à un magnifique 90 Josi jaune du titre 2010, en passant par le noir du maillot Tosio champion surprise à Lugano en 1989, le tricot rouge (comme mon Montandon 35) tellement moche, mais rappelant les si beaux souvenirs des titres du début des années 90 ; une dame portant le 14 Beutler, défenseur solide, qui comme elle sans doute, ne faisait pas dans la dentelle, ou un 17 Orlando du titre 1997, aussi d’une excellente cuvée. Bref, tous les âges, tous les styles et toutes les couleurs s’étaient rassemblés pour cette grande communion. Il y en avait même un qui avait choisi le pull blanc (matches à l’extérieur) et laid du gardien remplaçant Gigon : soit c’était un vrai fidèle qui ne voulait pas oublier le dernier des serviteurs, soit c’était un pull en action à moitié prix.
Pendant que tout le monde se lève pour l’hymne national, nous découvrons sur les images que Kwiatkowski et Vigier jouent à la place de Roche et Dumont. Puis le match (la cérémonie ?) commence, dans une ambiance tendue, mais au son des chants et des cris classiques de cette foule qu’on peut estimer à 7000 personnes, prête – sans vouloir trop l’espérer – à l’apothéose.

Tir groupé

Je ne vais pas vous faire une longue analyse sportive sur les aléas du match : d’abord il était difficile de distinguer le puck ou le numéro des joueurs sur l’écran «géant». D’autre part, je devais faire un compte-rendu, par l’envoi constant de SMS, à mon copain Bernard, un abonné de saison passionné qui avait eu le malheur de se faire inviter à un mariage au sud de la France ce week-end ! Qui aurait deviné, lorsque nous suions sur la traduction de la Guerre des Gaules de César, afin d’obtenir le prix de latin (c’est Bernard qui l’a eu), que nous allions appliquer ces capacités rédactionnelles trente ans plus tard en s’envoyant des messages électroniques instantanés appelés SMS pour se tenir au courant d’un match de hockey sur glace ?
Après un début de match équilibré, soudain, au 2ème tiers, le match se décide en 144 secondes. Trois à zéro pour Zurich. D’abord la scène clé du match à la 24ème : un beau tir de Monnet pour le 1-0, mais arrêtable – voilà deux tirs de suite du même endroit que Marco Bührer aurait dû stopper avec le gant. Aïe. Puis Ambühl redoublait la mise quelques secondes plus tard (mais y avait-il eu faute non sifflée sur Plüss quelques instants auparavant ? l’oeil attentif et expérimenté de mon voisin l’avait repéré) et Seger, à nouveau lui, pour le 3-0, cette fois en power play, d’un missile de la ligne bleue.

Je changeais alors de place. Officiellement, pour suivre le match debout d’un endroit où je pouvais mieux voir l’écran, mais en réalité pour «changer quelque chose» et influencer la fortune. Pour gagner un titre, tous les détails sont importants. Bernard aussi l’avait compris, en me signalant depuis Salon-en-Provence que désormais je ne devais lui envoyer un message que pour un but bernois.
Eh bien, ces mesures d’urgence eurent rapidement l’effet escompté, Deux buts coup-sur-coup de Gardner nous permettaient à nouveau de rêver : peut-être que l’immense bar construit pour l’occasion sur la glace au centre de la patinoire, encore vide, coulerait à flots dans quelques heures. L’ambiance, qui était tombée d’un coup avec les buts adverses, fut soudain survoltée ; et elle n’était sans doute qu’une pâle image de la folie que provoquerait la conquête du titre et l’accueil des joueurs rentrés avec la coupe de Zurich. Moi qui avais regretté ne pas être venu en 2004 accueillir, à 2 heures du matin avec plus de 10’000 supporters dans la patinoire, les joueurs du SCB qui ramenaient la coupe de Lugano.
Cependant, une pénalité sévère à Plüss, un engagement gagné par les Zurichois de manière semble-t-il irrégulière et une magnifique reprise «poteau et goal» de Pittis quelques moments plus tard me signalèrent que les dieux du hockey voulaient prolonger la série et avaient choisi le ZSC comme équipe de la soirée.
Le superbe but marqué par Plüss (le 200eme de sa carrière) en début de troisième période n’allait rien y changer. Les Lions avaient sorti leurs meilleurs artilleurs pour abattre l’Ours bernois : Monnet, Ambühl, Seger, Pittis, Baertschi et Tambellini, beau tir groupé et 6-3 au final. Deux éléments toujours clés en play-offs, le power-play et le gardien avaient également fait pencher la balance en faveur des les Zurichois.

Veni, vidi… et j’ai compris

Caramba, encore raté ! «Veni, vidi… et j’ai compris», préciseraient, à l’instar du César de Goscinny, les supporters bernois désabusés.
Pour l’anecdote, et à la joie sans doute du spectateur au maillot blanc susmentionné, Bührer fut remplacé après le 5-3 à la 46eme par Gigon. Enfin, c’est en quittant la patinoire, sans la bénédiction espérée, que nous entre-apercevions un bel hommage à Ari Sulander, que Bob Hartley avait élégamment mis sur la glace pour les derniers 34 secondes de sa carrière devant un Hallenstadion en fête.

Mariage pluvieux et pas victorieux, mariage heureux ? On l’espère pour les amis provençaux de Bernard, qui ne devaient d’ailleurs pas s’intéresser le moindre du monde au hockey sur glace. Au moins, ce dernier n’a pas dû sauter dans une piscine à 15 degrés, devant un parterre d’invités un peu surpris, comme il nous l’avait promis en cas de titre.   

Final showdown

Tout se décidera donc lors du grand «showdown» mardi. Le SCB aura l’avantage de la glace, le ZSC l’avantage du momentum. Berne alignera probablement à nouveau Jean-Pierre Dumont et Travis Roche reposés, afin de donner plus de punch offensif pour aller chercher le titre. Les Bernois devront également soigner les détails, comme les engagements, dont j’ai l’impression que les Zurichois en ont remporté au moins 70% lors des actes V et VI.
Les Ours se souviendront de leurs victoires en match décisif de finale contre Lugano (1989), Fribourg (1992) et Servette (2010) et oublieront leur défaite face à Davos en 2007. Les Lions se rappelleront de 2001, quand ils étaient aussi menés 3 à 1, et avaient renversé la vapeur, sous l’égide de Larry Huras, pour remporter le titre à Lugano, lors de l’acte VII.
Cependant, on a beau puiser dans l’histoire, les analyses et les statistiques : l’issue est absolument incertaine. Quelle équipe voudra le plus la victoire ? Quel camp les dieux du sport choisiront-ils ? Impossible de dire.

Pour les fans neutres, c’est une magnifique finale pleine de suspense, avec du hockey de très haut niveau devant un nombre record de spectateurs (dépassant pour la première fois la barre des 100’000 !), n’en déplaise au Matin et ses théories fumeuses sur les stratégies défensives. C’est ce hockey pur que les équipes romandes devront présenter s’ils veulent un jour gagner le titre.
Et pour nous, les supporters, comme les joueurs, ça sera tout ou rien. La vie ou la mort. L’apothéose avec la coupe ou la coupe jusqu’à la lie. Et on ne voudrait pas que ça soit autrement. Victoire ou défaite, c’est dans ces moments-là que le sport est le plus intense et le plus beau.
Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Écrit par Andy Tschander

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11 Commentaires

  1. Dans cette finale, comme je l’ai déjà dit, je suis assez amusé par le comportement de Bob Hartley! Je reconnais bien volontiers le travail formidable qu’il a effectué avec les ZSC et auparavant avec les Avalanches du Colorado! Ceci dit, son éternelle attitude de Caliméro et sa manière d’utiliser les médias zürichois pour déstabiliser l’équipe bernoise et balancer des polémiques à deux balles ne l’honorent pas et tranchent singulièrement avec la réputation de gentleman qu’il essaie de nous vendre par l’intermédiaire de son ami du journal de Montréal!

    1. Son insistance à faire passer Morant pour un voyou conduisant à une supsension record et totalement invraisemblable de 14 matches! Pour rappel, le multi-récidiviste Holden n’avait écopé que de 8 matches pour son agression contre Dubé!!!!

    2. La remarque habilement glissée et largement répétée par les médias zürichois (20 Minuten et Blick) selon laquelle Kwiatkowski était en train de négocier avec Gottéron, ce qui, selon notre moraliste en chef et Calviniste du hockey canadien, est absolument inacceptable en play offs! Je ne savais pas les ZSC si délicat en matière de transferts, eux qui font des offres pharaonesques à tout ce qui porte deux patins en Suisse et ailleurs! En je conseillerais à Monsieur Hartley de s’ntéresser à son propre patron, Monsieur Walter Frey, ponte de l’UDC zürichoise, avant de donner des leçons de morale, et de lire quelques-unes des unes de la Weltwoche…

    3. C’est encore les ZSC qui glissent au Blick que Furrer risque de partir à Lugano malgré un contrat valable jusqu’en 2015, le même Furrer qui a la forme de sa vie et tient en ce moment la défense bernoise!

    4. Et enfin, c’est Hartley qui commente sans que l’on ne lui ait rien demandé la déscision de Tormännen de remplacer Bührer au troisième tiers du match 6, disant que quant à lui, jamais il n’aurait pris une décison pareille!

    Monsieur Hartley, malgré tout mon respect, je ne vous demande qu’une seule chose: laissez l’acte 7 se dérouler et maintenant, FERMEZ-LA!

  2. Je remarque d’ailleurs que l’UDC veut virer tous les étrangers de Suisse, mais que ça ne dérange pas trop Monsieur Frey d’avoir le jeune Kenins (licence suisse mais d’origine lettone) dans son équipe…

  3. Et souvenons-nous que lors du dernier titre de Zurich en 2008, on apercevait encore dans les tribunes sénatoriales, volant au secours de la victoire, peu avant sa chute, l’ex-patron et fossoyeur de l’UBS, Marcel Ospel!

  4. Voilà un extrait du programme de l’UDC, dont le président des ZSC est un membre important et dont il est l’un des principaux bailleurs de fonds:

    l’UDC exige que les étrangers, qui souhaitent s’établir en Suisse, prouvent
    qu’ils connaissent la langue nationale du lieu. En l’absence de
    connaissances linguistiques, ces personnes doivent suivre un cours
    de langue à leurs propres frais;

    J’exige donc de tester les connaissances en allemand de messieurs Hartley, Cloutier, Mc Carthy, Pittis et Down…

  5. Enfin un article de Tschander où point un peu d’humour (même si pour l’autodérision et l’autocritique, il y a encore du boulot). Du mieux donc.

    Quant à Daniel, était-ce nécessaire de mélanger politique et sport ? Faut déjà être à la masse pour faire des rapports comme ça. Tant qu’à y aller, t’aurais du assimiler tous les fans zurichois à des néo-nazis. Ca t’aurais au moins rapporté un point Godwin.

    Et pour Hartley, il fait ce que McS fait depuis des lustres (et qui ne choque d’habitude pas grand monde) : tentative de déstabilisation. N’était-ce pas McS qui avait dit que Pavel Brendl l’intéressait alors même que Servette jouait contre Rapperswil ?

    Et d’après mon petit doigt, on a déjà dépassé le stade des négociations entre Gottéron et Kwiatkowski !

  6. Ahah vous me faites rire avec vos commentaires à 2 balles sur l’UDC et Bob Hartley.

    De 1, quand en face on a un entraineur qui prône le non jeu en attendant bien sagement à la ligne bleu, ça donne forcément le droit d’usager de stratagèmes tout autant sournois non?

    De 2, malgré un profond dégoût pour l’UDC, je vois pas ce que la politique vient faire là-dedans. Quand bien même, on parle d’un joueur avec un permis de travail, bien payer et qui ne fait pas la manche devant la coop et vole dès qu’il a fini son service de quémande….

  7. Et pour vous faire plaisir, Baramine et Pavel, je souhaite rajouter la chose suivante: comme Walter Frey est contre la double nationalité pour tous les étrangers qui sont installés en Suisse, je propose qu’il commence par appliquer son programme à sa petite entreprise: je vais donc lancer une pétition pour déchoir Messieurs Sulander et Kenins de leur nationalité suisse!

    Quant à mélanger politique et sport, mon cher Pavel, et pour redevenir sérieux, tu dois être tombé de la dernier pluie, parce que ça fait un sacré moment ques ces deux domaines sont mélangés! Berlusconi à Milan? Tapie à Marseille? Et va demander aux supporters historiques de Zürich, qui était considéré comme le club « prolétaire » et populaire de la ville face aux riches et aux bourgeois plutôt supporters de Kloten, ce qu’ils ont pensé de la mise du milliardaire walter Frey sur leur club!!!!!!!

  8. Alex, merci de ce commentaire si constructif et qui va enrichir notre débat… Au lieu de commenter les attitudes des uns et des autres (drôle, pas drôle, gentil, pas gentil, …), essaie de nous faire part de tes idées! Tu as mille fois le droit de penser que j’écris des conneries, mais argumente un peu et je lirai ta réponse avec plaisir…

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