Les play-offs de NHL : une compétition unique au monde

Alors que les Championnats du monde sont sur le point de débuter, je me suis levé au milieu de la nuit de mercredi à jeudi pour regarder en direct les matchs 3 des séries Washington Capitals contre les New York Rangers, et les Nashville Predators contre les Phoenix Coyotes. Voici trois faits marquants de cette soirée qui illustrent pourquoi les play-offs de la NHL sont pour les Canadiens une compétition sportive mythique, unique, même sacrée. Bref, de loin la plus passionnante à suivre, tous sports confondus. La raison pour laquelle même pour les très patriotes Canadiens, les Championnats du monde ne sont que d’un intérêt très secondaire.

Le spectacle produit sur la glace révèle en effet une philosophie fondamentale aux yeux des Nord-Américains : pour réussir, il faut tout donner pour ses coéquipiers, se sacrifier pour l’équipe, ne pas se décourager quand les choses vont mal, être capable de pousser ses limites à l’extrême et rester humble tant dans le succès que dans la défaite. Et pour conquérir le Graal sacré, il faut effectuer ce combat tant mental que physique tous les deux soirs, pendant deux mois. Encore une fois, quel dommage que nous, les petits Suisses, passons à côté de ces grands moments de sport.

1. La mort subite

Des prolongations qui ne se terminent qu’au moment où une équipe marque un but, sans limite de temps, donnent au match une dimension exceptionnelle. Jamais ce couperet artificiel des tirs au but, espèce de loterie qui n’a rien à faire avec le sport du hockey lui-même. Il est dommage que notre championnat suisse (et les Championnats du monde et les JO a fortiori) ne suivent pas la même règle pendant leurs finales. Que de moments mythiques bradés pour la fin en queue de poisson que constituent les pénaltys !

Mercredi soir, c’est à 14:41 du troisième tiers temps de la prolongation (soit après 114:41 minutes de jeu, presque deux matchs consécutifs – 20ème match le plus long de l’histoire de la NHL) que Marian Gaborik a marqué le but victorieux 2-1, permettant aux NY Rangers de prendre l’avantage 2 à 1 dans la série contre les Capitals. Il est difficile d’imaginer la débauche d’énergie et surtout le combat mental qui consiste à disputer de telles prolongations, sachant qu’à tout moment, sur chaque tir, le match peut être gagné ou perdu. Devoir tout donner, mais ne pas savoir pendant combien de temps. D’ailleurs, le remarquable gardien suédois Henrik Lindqvist a dit après le match : «le plus dur c’est dans la tête. Après la 4ème période, c’est tout dans la tête, ce n’est plus une question de technique ou de physique ; la seule question, c’est jusqu’où tu peux repousser tes limites.» Dan Girardi, le défenseur new yorkais, qui à lui tout seul a bloqué 8 tirs pendant ses 44:52 de temps de glace, a déclaré dans le même sens, son front fraîchement suturé : «à ce point du match, les gars sont en train de mourir sur la glace, peu importe ta technique ou si t’es un bon patineur. La seule chose qui compte, c’est à quel point tu veux la victoire, et il faut essayer d’ignorer ta fatigue et continuer à travailler, coûte que coûte.»

Les lecteurs sceptiques de CR diront qu’il s’agit de clichés et de phrases bateaux. Cependant, y assister en direct, même pour un spectateur neutre, est un spectacle à couper le souffle.

2. Les tirs bloqués

Dans la lignée de ce qui précède, les NY Rangers sont les leaders lors des play-offs de la statistique des tirs bloqués. Voilà un art pourtant fondamental que nos commentateurs sportifs romands n’apprécient pas à sa juste valeur. Pour un joueur de champ, il faut un sacré courage pour se jeter, corps (et âme ?) devant un puck tiré à 150 kilomètres à l’heure. Outre le risque réel de blessure grave, l’équipement d’un joueur de champ est plein de «trous» et endroits où l’impact du puck sera extrêmement douloureux. D’ailleurs, les gardiens expriment régulièrement leur admiration pour leurs coéquipiers, affirmant qu’ils n’oseraient jamais eux-mêmes se jeter de telle manière devant un tir avec un équipement de joueur de champ. Cependant, de manière répétée, les combattants de la NHL n’hésitent pas à sacrifier leur corps pour leur équipe, sachant que chaque puck bloqué est potentiellement un but de sauvé.

A Washington mercredi soir, les Capitals ont bloqué 40 lancers, et les Rangers 41 (!), confirmant le caractère déterminant de cette statistique sous évaluée : l’équipe qui remporte la statistique des tirs bloqués sera dans la très grande majorité des cas l’équipe victorieuse (contrairement à la statistique des tirs au but, qui elle est paradoxalement moins significative).

Autre image parlante vue la nuit de mercredi. Boyd Gordon, centre des Coyotes, qui lors d’un power-play de Nashville bloque un tir de la ligne bleue avec le bras, juste au-dessus du gant. Visiblement blessé, il continue cependant à jouer, le bras pendant, pour se jeter quelques moments plus tard à nouveau devant un missile. Ce n’est que lors du prochain arrêt de jeu qu’il peut enfin sortir de la glace pour rejoindre directement le vestiaire afin de faire soigner sa (ses ?) blessure. Et ce clip vous permettra de constater  que ce n’est pas la première fois que ça lui arrive,  à ce brave no 15 des Coyotes. Quand vous comparez cette attitude avec les footballeurs qui se tordent par terre de douleur à la moindre petite intervention, vous admettrez qu’il y a un gouffre entre la différence de mentalité de ces deux sports.

3. L’équipe avant les individus

Dimanche passé, les favoris Nashville Predators ont disputé le moins bon match de leur saison et perdu 5 à 3 à Phoenix, se trouvant dans un trou 0 à 2 dans leur série contre les Coyotes. Le troisième match à la maison mercredi soir était donc un quitte ou double, une défaite signifiant plus ou moins une fin brutale à une saison pleine de promesses.

Mais la trame ne s’arrête pas là. Le coach Barry Trotz a appris mardi qu’Alexandre Radulov, meilleur joueur de KHL venu en renfort pour les play-offs, et Andrei Kostitsyn, étaient rentrés des bars de Scottsdale dans l’Arizona après l’heure limite fixée par le club, le soir (ou plutôt le matin) avant le match no 2. Si ces deux joueurs sont les deux plus grandes forces offensives du club, ils avaient été inexistants pendant les deux premiers matchs de la série, en particulier dans leurs tâches défensives. Radulov a même été plus ou moins démoli pour son manque d’engagement par la télévision nationale NBC pendant la pause du tiers temps : .

Malgré l’importance de l’acte III, le manager général David Poile n’a pas hésité à suspendre de manière interne leurs deux stars offensives, pour le match no 3, en affirmant que c’était une décision facile, que la philosophie des Nashville Predators, c’était de mettre l’équipe avant des individus, que certaines règles devaient être suivies par tout le monde, et que si ce n’était pas le cas, il y avait des conséquences, tout simplement. Cette décision a été amplement discutée dans le monde du hockey nord-américain, la plupart des commentateurs applaudissant des deux mains. Une philosophie qu’a appliquée par ailleurs également Bob Hartley à Zurich cette année, aucun privilège pour les «stars», une égalité de traitement et une grande discipline, avec les résultats que l’on connaît.

Et bien, malgré (grâce à ?) l’absence des deux stars offensives, le gardien Rinne et ses coéquipiers ont réussi à retrouver leur hockey discipliné et engagé et ont remporté lors du match 3 une victoire cruciale 2 à 0 pour revenir dans la série 2 à 1. Roman Josi, qui a retrouvé son compère Hal Gill en défense, s’en est sorti à son avantage avec un bilan de +1 et 14 minutes de temps de glace (il n’a pas joué lors des infériorités numériques).

La question maintenant est de savoir si Radulov et Kostitsyn vont réintégrer l’équipe pour le match 4 de vendredi soir. Rien n’est moins sûr. En effet, Barry Trotz a résumé la philosophie de la Coupe Stanley, philosophie que parfois certains joueurs européens ont de la peine à comprendre : «c’est un immense privilège de pouvoir jouer dans les play-offs de la Coupe Stanley, et les joueurs ce soir, conscients de leur privilège, ont saisi leur opportunité. C’est un élément sacré des play-offs. Ça va être très dur de changer le groupe qui a tout donné ce soir.»

Bref, du hockey et du sport à se relever la nuit.

Écrit par Andy Tschander

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7 Commentaires

  1. Merci Andy pour ses articles passionnés et passionnants. Je n’y connais rien au hockey mais à force je vais m’y mettre …

  2. Ouaip…dommage que la SSF n’ait pas obtenu les droits cette année…heureusement, il y a le streaming ! Bon, pas tjrs excellent pour ceux qui n’ont pas payé pour GameCenter…

    Le pire (mieux) c’est les never-ending OT…une abération en Suisse…bon pour les championnats du monde et JO cela tient plus aux programmes TV qu’au véritable attrait du hockey…évidemment l’argent passant tjrs avant les intérêts du sport…

  3. C’est clair que ce genre d’événements valent la peine d’être suivis la nuit. Merci pour cette article qui résume bien la manière dont fonctionne le hockey, ce que les Bastardoz et autre rigolos de la RTS ont de la peine à comprendre.

  4. j’adore les salades e0 base de fe8ves, j’en fais sonuevt. je suis adepte des fe8ves picard de9je0 pele9es, c’est le pied. et j’aime bien aussi les artichauts chez eux. de9je0 cuisine9s, c’est une re9ussite.en tout cas bravo pour cette salade tout e0 fait de saison, qui me met en appe9tit.et un grand grand merci pour ton message chez moi !! tu es adorable, et ton mari aussi. tu lui diras hein ? !!!! 😉

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