Drogba et Chelsea dans l’histoire

Pour moi et beaucoup de fans de foot de ma génération, la finale de la Coupe d’Angleterre était le match le plus attendu de l’année. Que de samedis après-midi du mois de mai passés à l’intérieur, alors que dehors les arbres fleurissaient sous les premières chaleurs du printemps. Nous résistions à l’appel des terrains de jeu, scotchés devant notre téléviseur noir blanc, ensorcelés par les voix de l’irremplaçable Jean-Jacques Tillmann et de son complice anglais Max Marquis, et par la vision sublime de la cathédrale de Wembley et ses 100’000 spectateurs. Des moments de pur bonheur.

Hormis les matchs de Coupe d’Europe, c’était en effet le seul match de foot anglais retransmis en direct sur le continent de toute l’année. D’abord, toute la liturgie d’avant match, avec la présentation des équipes par les capitaines respectifs à la Duchesse de Kent, accompagnée par les multiples anecdotes de Max Marquis et son accent british distingué et le God Save The Queen chanté par tout le stade, à donner les frissons. Puis, les commentaires toujours justes de Jean-Jacques Tillmann, dont l’émotion et la passion m’ont converti dès mon jeune âge en fidèle du foot anglais. Souvent, des matchs opposant une grande équipe contre une petite, des longues ouvertures sur cette immense pelouse de Wembley, des coups de théâtre en fin de rencontre, un seul remplaçant possible, les échos incessants des deux kops de supporters, un fair-play propre au football anglais et enfin, après une explosion de joie pure, mais non exagérée, la montée des marches, et le rituel du lever de cette si belle Coupe, aux couleurs des deux équipes, depuis la tribune royale. Idéalise-t-on notre jeunesse ? Sûrement. Cependant, cette journée incarnait ce que le sport (et la vie) peut nous offrir de plus beau.

Aujourd’hui, c’est sur un téléviseur HD et couleur que j’ai eu la chance de suivre la version 2012 de la FA Cup Final, l’affiche alléchante opposant les Blues de Chelsea aux Reds de Liverpool.  D’autant plus que les Reds, c’est mon club, ayant grandi en suivant les exploits de Liverpool de la fin des années 70 et début des années 80 : Kevin Keegan et consorts nous avaient présentés un football pur, à une touche de balle, qui ne se résumait pas au kick & rush si typiquement britannique, un football qui faisait rêver, le football parfait. Anfield Road, aussi légendaire que les Beatles, et le You Will Never Walk Alone. Une équipe qui était toujours là lors des grands rendez-vous, comme à Rome en 1984, où Bruce Grobbelaar, se tortillant sur sa ligne, avait fait craqué les légendaires Conti et Graziani, lors de la séance des tirs au but, permettant aux Reds de remporter une énième Coupe des clubs champions.

Cette finale avec mes Reds allait-elle me permettre à nouveau de rêver ? Je découvris un nouveau Wembley certes magnifique, mais donnant avec ses places assises une impression de VIP un peu aseptisée quand même. Les cérémonies d’avant-match existent encore, devant des gradins divisés en bleu d’un côté et en rouge de l’autre, sur fond du doux vert de la pelouse. Cependant, une image allait rapidement me rappeler à quel point les choses ont changé : un gros plan sur la Coupe, avec les rubans rouge et bleu, sur lesquels était inscrit «Budweiser». Non seulement un sponsor, mais une bière américaine ?

Un début du match inhabituel à 17h15, donc sans l’ensoleillement habituel, un Dalglish qui n’est pas en costard cravate et un God Save The Queen partiellement hué ne sont que des petits détails indiquant que les traditions se perdent. La réalité, c’est que l’importance démesurée prise par la Ligue des Champions et de ses enjeux financiers ont relégué la FA Cup à un événement presque secondaire, une quatrième place au championnat rapportant beaucoup plus que la victoire de la Coupe d’Angleterre. A l’époque, au contraire, la victoire de la Coupe était synonyme de qualification pour la C2, la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe, qui était presque aussi prestigieuse que la C1. Maintenant, il s’agit de miettes pour réconforter ceux qui, comme Liverpool cette année, n’ont pas pu participer au festin parfois écœurant de la Champions League.

Non, aujourd’hui je ne rêve plus, mais j’ai quand même vibré. Car après 60 minutes de match relativement ennuyeux pendant lesquelles Chelsea a démontré à nouveau son remarquable réalisme qui a coulé le grand Barcelone il y a 10 jours, la rentrée de Carroll et son 1-2 ont complètement changé le physionomie de la partie. Liverpool a pressé pendant la dernière demi-heure, et le point fort de la finale restera l’action litigieuse de la 82ème, lorsque la tête à bout portante de Carroll fut stoppée miraculeusement par Cech sur sa ligne. Dalglish et ses joueurs célébraient déjà le but, à l’image de Capello en Afrique du Sud, car il semblait que la balle avait traversé la ligne, mais l’arbitre laissait l’action se poursuivre. Ah, si seulement l’homme en noir à Wembley en 1966 avait pris la même décision, se disent les Allemands. Mais, contrairement au but de Lampard contre l’Allemagne à Bloemfontein, où la balle avait clairement rebondit derrière la ligne, les multiples ralentis sur ITV (depuis la retraite de Tillmann, la TSR ne s’intéresse plus à la finale de la Cup) ne semblent jamais permettre de conclure que la balle a totalement passé la ligne. Une question de millimètres. D’ailleurs, si le but avait été accordé, personne n’aurait crié au scandale. Les dieux du sport sont bien ironiques : Chelsea s’était qualifié pour la finale grâce à un but où la balle n’avait jamais traversé la ligne… Pour la petite histoire, même si vraisemblablement dans le cas particulier cela n’aurait rien changé, il est incompréhensible que les ploutocrates du football n’aient pas encore mis en place un système d’image vidéo en cas de but litigieux, comme c’est le cas au hockey ou au rugby.

Cet exploit de Cech entrera donc dans l’histoire du football comme un de ses plus grands arrêts, comme l’arrêt de Dino Zoff sur la ligne lors de la rencontre mythique contre le Brésil en 1982. Et comme l’a déclaré Dalglish de manière très fair-play après le match : «J’ai cru que la balle était entrée. Je n’ai pas encore vu les images, mais si les arbitres ont pris la bonne décision, ils méritent d’être félicités.» Personne cependant ne se souviendra du nom de l’arbitre Phil Dowd ou de son juge de touche Andrew Garratt, car c’est le triste sort d’un arbitre que son nom est seulement retenu par l’histoire lorsqu’il se trompe.

 

Alors que les fans de Liverpool se moquent régulièrement de ceux de Chelsea sous prétexte que leur club n’a pas d’histoire, Chelsea a inscrit hier son nom dans la tabelle des records en remportant incroyablement 4 Coupes d’Angleterre en 6 ans. Et Drogba est le premier également à marquer dans 4 finales, dont 3 fois en tant que but décisif, comme hier. D’être le plus fort aux moments les plus importants, c’est le propre des tous les grands champions. Drogba en est un.

Victoire donc méritée pour Chelsea qui a été la meilleure équipe sur le terrain pendant 60 minutes. Cependant, Di Matteo, lancé en l’air par ses joueurs lors des célébrations en fin de match, sait que s’ils ne ramènent pas une autre coupe de Munich à la fin du mois, la saison de son équipe sera vue comme un échec et son contrat ne sera pas garanti pour l’année prochaine. La Coupe d’Angleterre n’est décidément plus ce qu’elle était. Et pas facile de travailler pour un Christian Constantin russe.

Et Jean-Jacques Tillman et Max Marquis, qu’auraient-ils dit de tout cela ? Ils auraient sans doute déploré les effets néfastes de l’argent sur le sport, et le fait que certaines traditions se perdent. Puis ils auraient vibré, comme ils en avaient le secret, car en définitive, ils étaient amoureux du football, et le football reste le football, avec ses beaux gestes, ses moments de grâce et ses coups de théâtre. Le vert de la pelouse, le ciel bleu, le bruit du ballon frappé et les filets qui vibrent, bref toute notre enfance. Bien sûr, ils auraient apprécié, avant d’aller se rafraîchir avec une bière, mais probablement pas une Budweiser. 

Écrit par Andy Tschander

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6 Commentaires

  1. tellement ca!

    Et que l’on remette la C2! Enfin ca m’etonnerait, deja qu’ils parlent de liquider l’Europa League….

    A quand une serie sur les plus belles finales de la Cup?

    Merci pour le bel article

  2. Bravo pour l’article :).
    réaliste, passionné, tout ce qu’il faut.
    La cup ça reste quand même quelque chose pour les supporters

  3. Techniquement, la télévision ne montrait pas que le ballon était complètement rentré. Donc même sans arbitrage vidéo, l’arbitre ne semble pas s’être trompé.

  4. Sandy – Les ustensiles de cunsiie plaisent e0 tout les enfants !Emma et Lou sont tre8s mignonnes !J’adore ces photos en couches, j’en ai plusieurs de ma demoiselle !Les photo sont toujours aussi magnifiques !Par contre je n’arrive pas e0 voir la vide9o Belle soire9e !

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