Marathon des Sables : entretien avec Pascal Lauber

Au-delà de l’aspect sportif, c’est surtout l’aspect humain qui ressort de notre entretien avec Pascal Lauber, meilleur représentant helvétique lors de cette 23ème épreuve du Marathon des Sables.

Considérée comme la course la plus difficile du monde, cette compétition emmène quelque 820 coureurs à pied, sur une distance totale de 245 kilomètres. Le départ a lieu près de Ouarzazate, au Maroc. Le programme se présente ainsi : 6 étapes de 20 à 80 km, dont une courue sur la distance d’un marathon (environ 42 km) et une autre non-stop d’environ 80 km. Ajoutez à cela que chaque concurrent doit porter, en autosuffisance et sur le dos, sa propre nourriture pour toute la semaine, et ses effets personnels pour toute l’épreuve (sac de couchage, réchaud, casserole, affaire de rechange,  etc…), l’organisation ne fournissant que 9 litres d’eau par jour à répartir entre les différents postes de contrôle et le bivouac. Notre invité du jour, Pascal Lauber, effectue cette année sa quatrième participation à l’événement (après 1998, 2000 et 2002). Agé de 36 ans, marié et papa de deux petites filles, Pascal est un accro du sport. Après avoir évolué au sein du HC Villars, aux juniors élites du LHC puis à Prilly, il en fut même le président de 1996 à 1999. Il occupe actuellement le poste de directeur technique du HC Bulle (quart de finaliste du dernier championnat de 1ère ligue, battu sur le fil par le Star Lausanne). La course à pied occupe une place importante dans sa vie depuis de nombreuses années et c’est il y a bientôt 10 ans qu’il décida d’aller affronter le désert pour la première fois.


Pascal Lauber après l’arrivée

CartonRouge.ch : Salut Pascal, nous voici un mois après la fin de l’épreuve, comment as-tu récupéré de tes efforts ?
Pascal Lauber : Ben je me suis tout d’abord fait plaisir en mangeant pratiquement n’importe quoi pendant une dizaine de jours et ce, sans effectuer le moindre kilomètre de course à pied… Mais ça commençait à me manquer, alors j’ai repris progressivement par de légers footings. La sensation fut d’avoir deux poteaux à la place des jambes pendant trois-quatre jours mais après, cela a donné le tour. J’ai aussi passé du temps avec ma famille, ça m’a fait beaucoup de bien.
Comment se prépare-t-on, tant sur le plan physique que matériel, pour un événement comme le Marathon des Sables ?
Cela commence par une saine discussion avec son épouse… J’ai de la chance de pouvoir compter sur Caroline qui tolère généralement facilement mon besoin de vivre de telles aventures. Ensuite, elle me laisse m’entraîner en acceptant mes nombreuses heures passées sur les sentiers gruyériens à raison d’environ 30 heures par mois et ce, sur un laps de temps de 6 mois. Pendant cette période, je prends part à deux-trois compétitions qui me motivent à poursuivre ma préparation.
Sur le plan technique, j’effectue principalement des sorties en endurance avec la particularité d’en faire une par semaine de deux à trois heures. Deux mois avant le départ, il faut songer à préparer ses pieds en essayant de les durcir au maximum par un traitement adéquat. Ces longues sorties fortifient aussi le moral car il faut également se préparer sur ce plan là. Au niveau matériel, il faut le prévoir longtemps à l’avance et le tester. L’élément principal est la contrainte du poids. Sur le plan de la nourriture ce sont les mêmes principes qui s’imposent (test, poids et tolérance).

Pourrais-tu nous décrire une journée type de cette course ?
Un bénévole (en l’occurrence une pour notre tente) vient gentiment nous réveiller à 6 heures du matin. Elle nous annonce l’heure du départ de l’étape ainsi que les éventuelles spécialités du jour. Peu de temps après son passage, c’est au tour de Bachir et de son équipe de nous rendre visite pour nous démonter (ou arracher, ou encore ramasser) la tente… Après cela, nous sommes libres jusqu’à l’heure du départ, fixé en principe à 9 heures. On en profite pour prendre le petit déjeuner (personnellement cela m’occupe pendant 2 minutes car il s’agit de poudre de chocolat et d’eau), pour faire notre toilette, pour remettre des pansements ou en poser des nouveaux, pour s’enduire de crème, pour refaire notre sac à dos et aller chercher notre première bouteille d’eau de la journée qui doit nous permettre de tenir jusqu’au 1er poste de contrôle de l’étape. Petit briefing du directeur de course avant le départ et après il ne nous reste plus qu’à courir pour passer l’étape du jour.


Le bivouac

Une fois à l’arrivée, on reçoit trois bouteilles de 1.5 litre pour la fin de la journée. Puis, on retrouve notre bivouac et on est tellement «cassé» que l’on se laisse tomber par terre. On consomme ensuite une petite boisson de récupération. Généralement, il me faut une heure pour me retaper un peu. Je grignote encore quelque chose puis je vais envoyer un e-mail à mon épouse. Pendant ce laps de temps, les copains arrivent et on échange nos impressions de l’étape. Ensuite, c’est finalement le moment de se faire son seul et unique repas chaud. C’est l’un des moments les plus sympas car on a retrouvé des forces et on discute avec les autres participants. A 19 heures, il fait nuit et surtout il fait directement froid. On courait par 47° et le soir il fait environ 9°… Dès lors, on ne traîne pas trop avant de s’enfiler dans son sac de couchage. Sous le coup des 19h45, on retrouve notre commissaire qui nous amène nos e-mails. Lesquels sont fort appréciés et attendus. Puis, l’extinction de la frontale se fait au gré des convenances mais très souvent sur le coup des 20 heures. Il n’y a que la longue étape où le rythme de la journée est différent.
Je suppose donc que l’aspect humain est primordial ?
Ce qui est formidable, c’est que tous les coureurs sont à la même enseigne. Et ceci quel que soit notre niveau social, sportif ou encore notre nationalité. Les contacts à l’intérieur des tentes sont vraiment conviviaux. Personne n’est laissé pour compte et on essaie toujours de se motiver, de s’entre-aider. En ce qui me concerne, il est également important de partir avec une personne qui m’est proche et sur qui je peux compter (et vice-versa) en toute occasion. J’ai la chance d’avoir avec moi mon ami d’Echallens, Daniel Glardon. On s’entend très bien et on a la même vision de la course.


Daniel Glardon au bivouac


Qu’est-ce qui a été le plus dur pour toi lors de cette 23ème édition ?

La chaleur ! Quand je suis parti de Bulle, il neigeait… Et là-bas, on court des étapes avec 37°, 40°, 47°, 47° et 48°. Le corps se ramasse une jolie claque…
Même si c’est secondaire pour toi, parlons un petit peu résultat, tu termines 23ème de l’épreuve sur près de 747 concurrents à l’arrivée et meilleur Suisse, es-tu satisfait de ta performance ?
Honnêtement, je suis très content de ma performance. En étant si près des 20 premiers, j’ai tenté le tout pour le tout mais ne suis pas parvenu à y entrer. J’étais à ma place au 23ème rang et je n’ai pas de regret.
Les premières places sont trustées par des Marocains et Jordaniens, quel est leur secret ?
Le niveau est chaque année plus élevé. Les premiers sont des coureurs de niveau international. Le premier Européen n’est rien d’autre que le champion national d’Espagne des 100 km. Les Français, pays du trail par excellence où les marques (Salomon, Lafuma, etc) aident plusieurs coureurs, finissent dans le top 20 mais pas dans le top 10. L’avantage que je vois également pour les Marocains et les Jordaniens est une meilleure habitude que nous de la chaleur et du terrain.


La nuit tombe sur les dunes de Merzouga

A titre personnel, y aura-t-il une cinquième participation ?
Ne jamais dire jamais ! Même si j’ai l’impression d’avoir fait un peu le tour sur cette épreuve… Cette année, je ne devais rien à personne, hormis à ma femme et à mes filles qui m’ont moins vu et qui ont aussi subi le sacrifice financier (car le coût total d’une telle épreuve s’élève à environ 6’000 francs). Alors à l’avenir, si je cours pour un sponsor et/ou en équipe et que je suis redevable à ces gens, ma motivation sera peut être augmentée, on verra !
Si tu ne devais garder qu’une seule image de cette course ?
Tout d’abord ma force de caractère tout au long de la préparation et durant la course. Ensuite, ma gestion de l’épreuve que je qualifie de très bonne. Je n’ai pas commis de grosse erreur. Pour terminer, je dois avouer que je suis un amoureux du désert et que j’ai énormément de plaisir à me retrouver dans cet univers. Le fait de ne pas avoir de bruit, ces longues étendues totalement désertiques me plongent dans un autre monde que j’apprécie. J’éprouve cette même sensation à la montagne. Ce sont des endroits où l’on n’est pas grand-chose.
Un grand merci Pascal et bonne continuation !

Écrit par Nicolas Pollien

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8 Commentaires

  1. Magnifique reportage, passionnant. On en redemande.

    Bravo à Pascal Lauber davoir réalisé ce défi, cest plus courageux que de traverser le désert avec des bolides remplis dessence…

  2. Eh bin, faut être fou ! 🙂

    Une tournée des bars un samedi soir me fatigue alors des marathons dans le désert…

    Bonne continuation M. Lauber.

    dodi

  3. merci pour cet article, cest beau de voir quil ny a pas que du foot sur la planete sport.

    Bravo à M. Lauber pour cet exploit*.

    *ne me dites pas que de faire 245km à pied dans le désert nest pas un exploit.

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