Serie A – le point à la mi-saison

Depuis 8 journées et mon dernier texte sur la Serie A (j’ai une vie mouvementée, désolé cher lecteur), des tendances se sont confirmées, d’autres ont été contredites. Et comme on vient de passer le cap de la mi-saison dans la Botte, l’occasion est belle de sortir de mon hibernation cartonrougesque et de vous livrer quelques impressions sur le championnat italien, en forme de baromètre…

L’actualité récente en Italie est dominée par ce qui a failli devenir un véritable psychodrame pour la moitié noire et rouge de la ville de Milan : le passage à Manchester City de l’idole du Milan AC, Kaka. Mais, malgré une offre proprement indécente en pétrodollars sonnants et trébuchants, le Ballon d’Or 2007 n’a finalement pas cédé à la tentation de rejoindre le (nouveau) club le plus riche du monde. Le Brésilien ne sera donc pas le nouveau Shevchenko aux yeux des tifosi milanistes. Preuve que l’argent n’achète pas tout (même des sommes superlatives). Preuve aussi de l’attachement du Joueur FIFA 2007 au club lombard, qui voit son esprit de famille récompensé par celui qui, désormais, est passé du rang d’idole au rang de Dieu local. On se réjouit de voir l’accueil que lui feront les fans milanistes lors du prochain match à domicile, tout comme on se réjouit de voir si l’équipe se nourrira de cette décision de sa star incontestable de rester – cela pourrait bien renforcer encore la cohésion du groupe et rendre l’AC Milan encore plus fort et plus apte à contester le titre à son voisin intériste… Quoi qu’il en soit, chapeau bas et respect maximum à Kaka, qui a écouté son cœur plutôt que son porte-monnaie et qui ressort grandi de cette affaire. Mais revenons à ce qui nous amène, le terrain et ses réalités.

Baromètre en hausse :

Juventus

On avait laissé la Vieille Dame en pleine bourre après 11 journées, dans le sillage d’un petit jeune de 34 ans, Alessandro Del Piero. Eh bien, il faut le dire, la Juve est, de toutes les écuries de pointe en Serie A, celle qui jusqu’ici donne la meilleure impression collective, celle qui ressemble le plus à une vraie équipe. Le boulot de Ranieri, très contesté en début de saison, porte ses fruits – sa Juve est solide, solidaire, réaliste et très bien organisée, malgré les nombreuses blessures qui ont émaillé la saison «bianconera».
Del Piero est toujours un véritable orfèvre sur coup franc et a déjà sauvé plusieurs matches de cette façon. Le week-end dernier, il n’a pas marqué et s’est même fait l’auteur d’une prestation carrément moyenne, mais personne ne lui en a tenu rigueur, tant son influence est impressionnante depuis des mois. Et comme toujours, son attitude est irréprochable et sert de modèle aux nombreux jeunes incorporés dans la feuille de match juventina cette saison. Dernier en date : le défenseur Ariaudo, 19 ans, qui a débuté la rencontre à Rome contre la Lazio alors qu’il n’avait jusqu’ici joué qu’une quinzaine de minutes en Coupe. Résultat : une performance de premier ordre, quasiment irréprochable aux côtés du roc Legrottaglie, superbe et déterminé (mais malchanceux avec une reprise sur le poteau en fin de match qui aurait pu donner la victoire aux siens après que Mellberg eut répondu d’un impressionnant coup de boule sur corner à l’ouverture du score de Ledesma). Tout un symbole de cette Juve qui réussit parfaitement l’amalgame entre vieilles gloires et jeunes loups. Je mets un billet sur cette équipe pour le titre au final, surtout qu’elle ne devrait pas tarder à récupérer, après trois mois d’absence, son titan de gardien, Gigi Buffon. Et cela même si le nul contre la Lazio (1-1) peut se révéler une occasion manquée de revenir à seulement un point de l’Inter…

Genoa

Voilà bien l’OVNI de la saison en Italie. Intraitable dans son antre du Marassi, le Genoa se met à engranger les points à l’extérieur, et squatte du coup seul la 4e place du classement. Privée dimanche de son buteur patenté Diego Milito, courtisé par la moitié de l’Europe, la clique de Gasperini n’en a pas moins mis le Lecce au pas, avec la manière (0-2). Un excellent Rubinho entre les poteaux, un énorme Criscito en défense, un étincelant Thiago Motta à la manœuvre (quel superbe joueur, même à son époque du Barça il n’avait jamais été aussi bon) et un inspiré Bosko Jankovic en attaque (splendide talonnade pour l’ouverture du score) bien épaulé par Sculli, voilà les points de force des «rouge et bleu» dimanche, décidément bien partis pour redonner au club son lustre d’antan…

Roma

On l’avait laissée quasi-moribonde en novembre. Elle avait même passé sous la barre, à un moment donné. Mais la Roma de Spalletti se reprend, et plutôt bien, avec 6 victoires lors des 8 derniers matches (point de départ : la démonstration de force contre Chelsea en CL, 3-1). Et cela même en l’absence de Totti, bien évidemment blessé, et dimanche de Vucinic et Perrotta, pour ne citer que 3 des 7 absents. Les «Giallorossi» ont rattrapé dans la semaine leur match en retard contre la Samp et battu dimanche le faible Torino (0-1) sans vraiment convaincre. Mais il y a encore deux mois, la Roma perdait ce genre de matches.
Héros des deux dernières parties : Julio Baptista, «la Bestia». Doublé en semaine contre la Samp, but de la victoire dimanche dans les arrêts de jeu, d’une superbe bicyclette enchaînée après une amortie de la poitrine suite à un centre de Mexès. Ce but a fait jubiler Spalletti comme un gosse, tout soulagé de ne pas perdre de points contre un adversaire si peu entreprenant et autant privé de talent (et privé aussi du Suisse Blerim Dzemaili, habituel titulaire dans l’entrejeu). Après un début de saison proprement calamiteux, la Roma est de retour aux affaires et ne pointe qu’à 5 points de la 4e place, synonyme de Champions League, et cela même alors que sa moyenne de points obtenus sans son capitaine Totti équivaut au tiers de celle des points obtenus avec lui sur le terrain… Et si la Roma n’était plus autant dépendante de son Francè adoré ?

Cagliari 

Totalement largués en début de saison (1 point en 5 matches), les Sardes sont depuis des semaines l’équipe à éviter. Leur rythme est depuis deux mois endiablé, et les points obtenus dans ce laps de temps feraient pâlir d’envie n’importe quel autre club de Serie A. Avec 25 unités à la mi-saison, Cagliari est en avance sur son plan de sauvetage, puisque le maintien est la seule ambition du club cette saison. A noter l’émergence toujours plus confirmée du jeune buteur Acquafresca, muet dimanche mais précieux par son activité incessante et sa générosité. Il faut dire que le gamin a du coffre et du talent – il est clair qu’il quittera la Sardaigne en fin de saison pour un club plus huppé…

Baromètre constant :

Milan 

«L’affaire Kaka» semble peser sur les esprits milanais autant sinon plus que l’âge pèse sur les jambes des joueurs d’Ancelotti. Mais le Milan est là, 3e à six points de l’Inter, en embuscade et toujours en course pour le titre. Victorieux samedi dans un match qui sentait le piège contre la Fiorentina (1-0), les Milanais peuvent remercier le gamin Pato, littéralement en feu depuis 3 journées (5 buts) et auteur d’une superbe frappe croisée dans le petit filet. Mais le spectacle était presque plus présent dans les gradins de San Siro, où les tifosi rivalisaient d’ingéniosité pour inciter Galliani et Berlusconi à garder Kaka. Quoiqu’il en soit, les clés de ce Milan-là semblent de plus en plus aux mains du jeune Pato, qui fait presque oublier que son compatriote Kaka n’a que 24 ans et pourrait très bien, lui aussi, représenter l’avenir du club… Qui vivra verra…

Napoli

J’hésitais à mettre les Napolitains dans la catégorie «en baisse» tant leurs problèmes à l’extérieur sont criants : manque de caractère, de concentration, de soif de vaincre, absence de jeu… et dimanche, comportement répréhensible de deux joueurs, Hamsyk et Denis, qui seront amendés par le club lui-même : insultes à l’arbitre et expulsion pour le premier nommé, geste de défiance envers son propre coach au moment du changement pour le second. Tout cela peut être pris comme un signe de plus que les globalement jeunes joueurs de l’entraîneur Reja gèrent de moins en moins bien la pression et l’attente liées à leur (relativement inattendu) statut d’outsiders pour la CL. Mais je les laisse dans cette catégorie-ci au vu de leur nature schizophrénique : à domicile, le Napoli est une vraie bande de morts de faim, qui sait mettre le feu aux rencontres et étouffer son adversaire. Pas de bol, dimanche les maillots azurs jouaient à l’extérieur et se sont inclinés devant un passable Chievo (2-1). Un nouveau but de l’étincelant Lavezzi n’aura pas suffi, et le Napoli a dû céder sa 4e place au Genoa…

Fiorentina

La Viola de Cesare Prandelli reste tapie à portée de la Champions League (6e à 3 points du Genoa) mais il semble vraiment lui manquer le petit plus qui ferait d’elle une équipe capable de rivaliser avec les ténors. Non pas qu’elle joue mal, même si son style est assez fermé et prudent. Mais il manque probablement plus de constance de la part de Mutu (toujours aux prises avec des blessures) et de Felipe Melo, doué mais trop en dents de scie. Il semble surtout trop limité au niveau de l’effectif, le banc n’étant pas très convaincant. Cela pourrait jouer des tours sur le long terme aux Florentins, d’autant qu’ils ont laissé passablement de forces dans une campagne de Champions League qui ne s’est malgré tout pas aussi bien déroulée que ce qu’ils auraient voulu…

Lazio

Les «Biancoceleste» méritaient probablement mieux ce week-end contre la Juve, tellement ils ont dominé outrageusement la première mi-temps. Mais au final, faute d’avoir su marquer le 2-0 (Pandev doit encore s’en mordre les doigts) ils auraient aussi bien pu s’incliner devant la roublardise de la «Vecchia Signora», si la frappe de Legrottaglie ne s’était pas heurtée au poteau du portier Carrizo. Un nul pas immérité, on dira alors. Mais un constat : la défense anti-aérienne de la Lazio est vraiment ahurissante de faiblesse, c’est confirmé s’il le fallait encore depuis dimanche et l’énième but encaissé sur coup de pied arrêté, face au Suédois Mellberg cette fois, totalement seul au sein de l’arrière-garde laziale, aussi seul que l’aurait été Aldo Maccione en soirée dans une boîte gay. C’est dire. A noter que Lichtsteiner est bel et bien le titulaire indiscutable sur le flanc droit de la défense, et que le buteur argentin Zarate, irrésistible en début de saison, semble marquer le pas ces derniers temps. Mais la Lazio reste tout de même en course pour l’Europe, clairement.

Palermo

C’est un Mark Bresciano déchaîné qui a servi à faire couler la Sampdoria à Gênes (0-2). L’international australien de Palerme a été un vrai poison dimanche, prenant le relais du buteur patenté Miccoli, blessé. Tout ce qu’il faut de fourberie et de réalisme pour saisir sa chance et finir homme du match. Mais il faut souligner que si Bresciano a été la star, c’est à toute la troupe du coach Ballardini qu’il faut tirer un grand coup de chapeau. Compacte, intelligente, sereine, elle a mérité sa tranquille victoire, qui la replace dans les zones du classement qui fleurent bon la bagarre pour l’Europe. Rassurant, car après un excellent début de saison, Palerme avait traversé le désert pendant plusieurs journées, avant de se reprendre dernièrement. On peut vivre sans Miccoli…

Atalanta

Les observateurs se frottaient les yeux après 4 rondes de championnat, avec l’Atalanta en tête du classement. Les hommes de Luigi Del Neri ont ensuite logiquement repris un rythme plus proche de ce qu’on attendait au vu de leur réelle valeur, mais ils ne pointent pas moins dans la première moitié du tableau et ont déjà effectué les deux tiers du chemin supposé jusqu’au maintien, l’objectif du club. Dimanche, les Bergamasques sont revenus sur le devant de la scène médiatique grâce à une retentissante victoire (3-1) à la maison contre le triple champion en titre et leader incontesté du classement, l’Inter. Un résultat archi-mérité, tant les «Nerazzurri» de Bergame ont donné la leçon aux «Nerazzurri» de l’Inter. Encore un but pour l’artilleur Floccari (insatiable, à tel point qu’on parle toujours de lui à la Roma mais le club assure vouloir le garder jusqu’en juin) et un doublé pour l’éternel Doni, le capitaine et l’âme de l’équipe, et Bergame menait 3-0 à la 34ème minute, dans un stade comble, surchauffé et en extase. L’Atalanta va se sauver, les supporters feront une statue à l’idole Cristiano Doni, et le club encaissera en juillet une somme rondelette après le transfert de Floccari. Belles perspectives à Bergame…

Baromètre en baisse :

A l’origine je me disais que j’allais faire court pour les derniers baromètres, mais avec les équipes qui restent dans cette catégorie-ci, comment faire court ? Je vais essayer tout de même.
La Sampdoria est clairement menacé par la barre. La mayonnaise n’a jamais vraiment pris, et la régularité n’est pas le point fort de cette équipe, pour sûr. Mais comment être régulier avec pas grand-chose à la base ? Cassano (trop seul) et les siens sont sortis sous les sifflets de leur propre public dimanche…
L’Udinese, flamboyante jusqu’en novembre, est maintenant en chute libre, dans une spirale de résultats qui ne sentent pas bon : trois nuls et sept défaites en 10 matches, il n’y a vraiment pas de quoi frimer. Surtout que même le Cagliari, net vainqueur ce week-end, est passé devant. La barre se rapproche, c’est un rang indigne de l’effectif du club frioulin, surtout quand on pense que cette spirale négative a débuté au moment même où l’Udinese touchait à… la tête du championnat.
Enfin, last but not least, l’Inter. Avec 43 points (+3 sur la Juve, +6 sur le Milan) le club de Massimo Moratti reste en tête du classement et favori à sa propre succession, mais voit ses poursuivants se rapprocher à la faveur de la fessée administrée dimanche par une magnifique Atalanta. Aussi magnifique que l’Inter était affreuse, «mon Inter la plus laide» a dit ensuite Mourinho. Une prestation embarrassante de l’arrière-garde «nerazzurra» notamment, mais c’est l’ensemble de la machinerie qui semble s’être quelque peu grippée depuis quelques semaines. Au niveau du jeu comme de la sérénité, il y a quelque chose qui coince, les exploits d’Ibrahimovic et les déboulés de Maicon ne parviennent pas à le masquer. La déroute de dimanche est un tournant dans la saison de l’Inter : l’électrochoc qui relance tout, ou le premier gros pavé sur la route de la crise et, peut-être, un retour «juventino»…

La saison va être longue et angoissante pour eux : Catania, Siena, Bologna, Lecce, Torino, Chievo, Reggina

Mention au Catania de Zenga, qui a démarré fort mais ne trouve plus le second souffle, et à Bologne, qui montre des signes de vie sous Mihajlovic. Mention surtout au vieux renard Marco Di Vaio, 32 ans et en tête du classement des buteurs (14 buts). Il a encore trouvé le chemin des filets ce week-end (victoire 1-2 à Catane). Inusable, le bougre.

Écrit par Gian del Mulo

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5 Commentaires

  1. Je rejoins l’auteur :

    Bravo et merci à Kaka de n’avoir pas vendu son âme au « dieu Pognon », lui qui d’habitude, ne manque jamais de remercier « l’Officiel » à chaque geste réussi.

    Il a au moins été conséquent avec lui-même, ce qui est bien.

    Il a aussi (et surtout) renoncé à un indécent salaire annuel de 18mio d’ € (!!!)

    En même temps, quand tu en gagnes déjà la moitié, ça aide quand même à voir l’avenir avec sérénité.

    Mais il a fait le choix du coeur et a choisi le football. Bravo pour ça.

    Merci pour le football, donc, et pardon aux Mancuniens, pardon aux familles, tout ça…

  2. En effet, ça commence à faire beaucoup.

    – L’arrivée buisness de Beckam
    – La médiatisation du transfert de Kaka

    C’est prendre les gens pour des imbéciles

  3. Chers amis je comprends votre crainte d’un complot intersidéral pour mettre en lumière l’AC Milan et tout ça, mais je rappelle qu’en termes de médiatisation de l' »affaire Kaka », c’est d’abord et surtout la presse anglaise qui a sorti l’info et qui en a fait ses choux gras… Si influent qu’il soit, pas sûr que le Petit Lifté ait le bras aussi long…
    Quant à l’arrivée business de Beckham (cela dit le Real cultive la méthode depuis belle lurette sans qu’on s’en émeuve particulièrement), je n’ai même pas pensé à la mentionner, ça me paraît somme toute assez insignifiant, sportivement parlant… Becks est un grand pro mais à l’évidence, au vu de ses premières prestations, ses plus belles années sont derrière lui… et il ne tradera pas à retourner au Galaxy, de toute manière.
    Merci pour vos posts et bonne fin de semaine

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