Quel est ce pays merveilleux que je chéris où je suis né ?

Suite à l’article d’Alex DeLarge, je voulais voir de mes propres yeux à quoi ressemble une descente de ski alpin (sans les lénifiants commentaires des guignols de la TSR), palper et participer à l’ambiance qu’Alex avait qualifiée de «passionnée». Un coup de téléphone à l’un de mes cousins participant à la course plus tard, mon sésame promis, alea jact est… départ pour Wengen.

D’abord c’est une histoire de trains…

Gare de Lausanne 6h20, l’IC711 Genève – St-Gall entre sur le quai 1. Peu de monde en ce samedi matin. Quelques fêtards qui ont fait la fermeture des discos de la ville (peut-être avec les joueurs du LHC célébrant le limogeage de Dany Gélinas) et qui rentrent chez eux d’une démarche hésitante ne laissant pas le moindre doute sur la nature de leur dernière boisson, quelques sportifs lève-tôt ne voulant pas rater une minute de soleil de cette journée qui s’annonce sous les meilleurs auspices et votre serviteur, frais comme un gardon. Les gares se suivent tout autant que les changements de train… Berne, Spiez, Interlaken-Est, Lauterbrunnen. A partir de ce moment-là, l’ambiance du Lauberhorn commence vraiment. Pour monter à Wengen il faut prendre le petit train WAB pris d’assaut par des milliers d’amateur de ski (skieurs et spectateurs). Le tortillard, pourtant designé pour amener des hordes de touristes japonais au sommet de la Jungfrau «Top of Europe», était ce jour-là en déficit de capacité. Peu importe, l’ambiance est bon enfant : joueurs de sonnailles, Guggenmusik et effluves de saucisses aident à passer l’heure d’attente pour atteindre la mythique station bernoise. Rien que ça vaut le déplacement !
Arrivée à Wengen, l’ambiance monte d’un cran autour de la gare. Les différents clubs de soutien des skieurs ainsi que les différents sponsors distribuant des bibelots s’ajoutent à la joyeuse cohorte. Un petit passage à l’hôtel des Autrichiens pour récupérer mon billet d’entrée et départ pour la Wengernalp avec le train, toujours bondé.

Un circus maximus naturel

La Wengernalp c’est un peu le plus grand stade helvétique, mais en naturel et surtout sans sa cohorte de crétins ultras. Au pied de la célèbre et paisible «Eiger Nordwand» et de ses deux soeurs Mönch et Jungfrau s’agglutinent plusieurs dizaines de milliers de spectateurs.
Ambiance familiale… enfants, ados, adultes sont tous de la fête. Même si les drapeaux suisses sont très clairement majoritaires (c’est devenu une habitude : à chaque grand évènement sportif, les sponsors offrent des drapeaux suisses maculés de leur logo), il y a aussi des drapeaux autrichiens, italiens, américains mais aussi des drapeaux valaisans. Tous cohabitent dans la joie et la passion, sans jamais esquisser la moindre violence, ni même d’en avoir l’idée. Les quelque 25’000 amateurs de ce sport (noble dirait Alex) font face à la célèbre «Hundschopf» (en français la «Tête de Chien») à la «Minschkante» et aux premiers mètres du schuss de l’«Alpweg». Le décor est planté, la course peut commencer.

Phénoménal Didier !

Le premier skieur à s’engager sur le saut de la Tête de Chien n’est autre que Bruno Kernen, dernier vainqueur suisse sur la piste du Lauberhorn en 2003, armé d’une caméra pour l’occasion. Les images sont projetées en différé sur l’écran géant. Imaginer que le Bernois de Thun n’aura que 15 à 20 secondes de retard sur le premier en passant la ligne d’arrivée est simplement incroyable. Cinq minutes plus tard, le jeune Autrichien Romed Baumann et son dossard numéro 1 se présente au portillon de départ. 2’34 »61 sera le temps de référence pour cette descente qui reste la plus longue de l’Histoire. Sixième coureur de la liste, l’Autrichien Christoph Gruber (2’34 »56) a lui aussi raté sa course malgré les cris d’encouragement de son fan’s club dont l’auteur faisait partie. On verra par la suite que l’armada autrichienne, invincible il y a peu, ne gardera pas un souvenir impérissable de cette édition 2009 au pied de l’Eiger.
Depuis le début de la course, nos sympathiques voisins valaisans trépignaient d’impatience. Il faut dire qu’ils avaient fait les choses en ordre : trois mâts de 6 mètres de haut affublés des Treize Étoiles, fondue au fromage (avec du Bagnes bien sûr) et des litres de Fendant au frais dans la neige. Le moment tant attendu est arrivé : Didier Defago passa comme une fusée le schuss de l’Alpweg après avoir sauté avec élégance la Tête de Chien… verdict à l’arrivée : 39 centièmes d’avance sur l’américain Marco Sullivan ! Hurras des voisins, et Abricotine à la place du traditionnel Champagne. Après la pause publicitaire (tous les quinze concurrents), Bode Miller s’élance à son tour sur la piste, négocie mieux le saut de la Tête de Chien, les Valaisans en apnée attendent le verdict de la tocante. Le champion de Morgins restera sur la plus haute marche du podium, Bode échoue à la seconde place pour 20 centièmes. Plus personne n’inquiètera sérieusement Didier Defago : le Valais est à la fête et la réponse évidente : «c’est toi, c’est toi mon beau Valais».

«Die Rache wird in Kitzbühl !»

Second meilleur temps pour les Autrichiens, Christoph Gruber (19ème au final) a analysé son échec et celui de ses compatriotes après la course. Pour le natif de Schwaz in Tirol, un problème matériel a contribué à sa médiocre performance, Michael Walchofer a été pénalisé suite à un mauvais choix de trajectoire dans le «S» de Kernen, Georg Streitberger, pourtant meilleur des Autrichiens ce samedi (18ème), a clairement mal négocié cette descente, il y a des jours sans ! Klaus Kroell était blessé à une main et donc peinait à la relance alors que les deux jeunes Autrichiens (Joachim Puchner et Peter Struger) sont en manque d’expérience pour une course pareille (mais seront des valeurs sûres à l’avenir !). La méforme du vétéran Herminator reste quant à elle incompréhensible.
Une chose est certaine pour les Autrichiens : la vengeance sera à Kitzbühl ! Et vous ? Serez-vous aussi en Autriche dans une semaine ? Parce qu’Alex avait raison : vivre une course pareille ça mérite d’abandonner pour un soir sa patinoire favorite. Fût-elle le Temple du hockey romand…


A lire sur le même sujet : La patience selon Didier Défago

Écrit par Dr. Vincent Keller

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4 Commentaires

  1. Tant mieux si cela t’a plu, Vincent !
    Ambiance bien restituée.
    On t’attend maintenant l’année prochaine, sur les skis, pour un compte rendu d’une reconnaissance du Lauberhorn !

  2. Le passage sur les Valaisans est superbe ! La nuit a dû être animée dans les boîtes de Wengen…et dans les caves de Morgins !

  3. « fondue au fromage (avec du Bagnes bien sûr) »
    Attention ils vont demander une AOC fondue…
    Bravo Didier, quel beau week-end pour le ski Suisse!

  4. ah oui que du bonheur la descente en ski…. l’inénarrable Jaton F. nous apprend sans rire que suite à la chute de Daniel Albrecht ses coéquipiers ont dû rester concentrés car « ils risquent leur vie » sur les toboggans…..rien de nouveau les jeux du cirque existent depuis l’antiquité… pour en terminer avec « notre » TSR au journal de 12h45 il faut maintenant 2 beunets (ou alors 1 beunet et 1 beunète) pour nous distiller avec un entrain non contagieux la lecture des dépèches de presse…..

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