Yake pour le meilleur et pour le pire

En conformité avec les traditions hockeystiques (les propositions de changement de formule de championnat du mois de septembre, la Coupe Spengler de fin d’année, …), le Lausanne HC a viré son entraîneur dans le courant du mois de janvier. «L’intérim non provisoire» sera effectuée par Terry Yake jusqu’au terme de la saison. À la fin de celle-ci, toutes les portes restent ouvertes concernant le nom du prochain entraîneur du Lausanne HC. De façon anecdotique, les Lausannois se sont défait du EHC Bâle sans convaincre, mais sans décevoir non plus, grâce à un Mieville auteur de son premier triplé sous le chandail lausannois.

Dany Gélinas aura tenu à peine moins de temps que Kevin Ryan, viré l’an passé également au mois de janvier après le soulèvement du vestiaire lausannois contre ses méthodes. Gélinas aura subi le même sort plus à cause du manque de spectacle présenté par son groupe qu’en raison de résultats décevants. Les rênes du club ont été confiées à Terry Yake, 40 ans, qui officiera comme «entraîneur-joueur» jusqu’au terme de la présente saison. Le titre de coach «ad interim» affublé par la direction du club à celui qui avait signé à Lausanne comme cinquième importé en début de saison n’en est pas un dans la mesure où Yake est sûr de terminer la saison derrière le banc de Malley. En quelques semaines, le Lausanne HC aura donc fait vivre à son ex-coach une sorte de revisite de l’«Assommoir» en l’épargnant toutefois «d’une lente, interminable et dégradante agonie»*. «Promu» responsable technique du club, en compagnie de son grand ami Chris McSorley peu après le décès de Jim Koleff, le Québécois a donc été mis sur le devant de la scène par la même direction qui, quelques semaines plus tard seulement, l’a relevé de toutes ses fonctions au sein du Lausanne HC. Passer d’entraîneur-directeur-technique-chef-de-formation à celui de paria responsable de tous les maux du club en dix semaines seulement a un côté relativement pathétique pour l’ex-homme fort de Malley. Tout comme pour la direction générale du club, d’ailleurs, qui n’a ni été en mesure d’assumer ses choix, ni été capable de préparer «l’après Jim Koleff» avec toute la diligence requise. Le fait d’appuyer sur le «bouton de panique» aussi près des séries de fin de saison ressemble à une mesure désespérée pour tenter de sauver une saison pourtant pas si mauvaise que ça.

Terry Yake se retrouve avec un mandat pas particulièrement évident à gérer. Si «son» LHC se retrouve deuxième au lendemain de son intronisation, il lui reste sept points à reprendre – avec 27 unités encore en jeu – sur un HC La Chaux-de-Fonds qui campe en tête du présent championnat depuis le début de la saison. Le LHC version Gélinas ne fonctionnait pas offensivement parlant – surtout sur l’avantage numérique – mais il reste l’équipe qui compte le plus de victoires après 60 minutes de jeu. Preuve que cette formation est capable de dominer l’opposition à cinq contre cinq. Une situation de jeu qui est normalement rencontrée par les équipes pendant les deux tiers d’une rencontre. Le pari d’un changement est toutefois risqué, Gélinas n’ayant pas obtenu de mauvais résultats sportivement parlant, la barre se situe déjà relativement haut pour un Terry Yake qui n’a que peu d’expérience comme coach. Ajouter à cela le fait que le changement d’entraîneur n’avait pas eu les effets escomptés l’an passé, Bordeleau assistant impuissant à la volatilisation de son équipe contre le HCC, le directoire du Lausanne HC devait avoir plus que des griefs purement sportifs à reprocher à son ex-homme fort…

Du boulot, toujours du boulot…

Samedi soir, le Lausanne HC aura fait preuve de beaucoup d’engagement, parfois de façon maladroite, parfois avec un certain brio, à l’image d’un Larry Leeger très volontaire. Il reste que les chantiers de Terry Yake s’apparentent à nettoyer les «écuries d’Augias». L’équipe devra se mettre à produire sur l’avantage numérique, améliorer la transition du jeu attaque-défense, limiter le nombre de revirements accordés et simplifier son jeu en zone offensive. Le second tiers hier soir en aura été la parfaite illustration. La partie contre Bâle ne permet pas toutefois de révéler quoi que ce soit de significatif, le nouvel entraîneur de Malley n’ayant eu qu’un entraînement pour préparer sa formation. Outre la performance de choix de Leeger, Alain Mieville a également connu un excellent match en se faisant l’auteur de trois des cinq buts de son équipe. Le premier centre lausannois atteint gentiment son plein rendement. Une manière de faire oublier que les étrangers du LHC restent encore et toujours décevants par rapport à ce qui est attendu d’eux et ce malgré les quatre points réussis par les deux importés contre les Rhénans.

Quid de l’après-Yake ?

Le Lausanne HC ne semble pas privilégier d’alternative particulière sur l’orientation sportive du groupe pour la prochaine saison. La recherche d’un directeur technique semble toujours d’actualité tout comme celle de plusieurs renforts, mais l’ordre de priorité quant à leur recrutement reste flou. Crise économique oblige, le nombre des transactions en vue de la préparation de la saison 2009-2010 est pratiquement au point mort depuis quelques jours. Certains clubs semblent ne plus pouvoir s’aligner sur les salaires proposés lors des dernières saisons. Plusieurs sponsors parlent de se désengager, notamment dans les secteurs qui sont touchés de plein fouet par le ralentissement de l’économie mondiale. Du coup, plusieurs équipes ne possèdent plus la profondeur économique requise pour étoffer leur contingent, ce qui crée des situations assez particulières où plusieurs équipes offrent à peu de choses près des salaires identiques mais inférieurs à ce que les joueurs, de LNA notamment, espèrent pouvoir obtenir en se prévalant de leur autonomie complète. À ce jeu-là, le LHC a, pour l’instant, la sagesse de ne pas faire sauter la banque en surpayant des joueurs qui pourraient ne pas livrer la marchandise l’an prochain **. Quoiqu’il en soit, les prochaines semaines seront intéressantes. Premièrement pour savoir si le Lausanne HC, malgré cet énième changement de stratégie sportive, reste un endroit attractif pour des joueurs de Ligue Nationale et deuxièmement pour évaluer si le travail de Dany Gélinas était ou non si préjudiciable à la tenue du LHC cette saison.

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* «Gervaise dura ainsi pendant des mois. Elle dégringolait plus bas encore, acceptait les dernières avanies, mourait un peu de faim tous les jours. Dès qu’elle possédait quatre sous, elle buvait et battait les murs. On la chargeait des sales commissions du quartier. Un soir, on avait parié qu’elle ne mangerait pas quelque chose de dégoûtant ; et elle l’avait mangé, pour gagner dix sous. M. Marescot s’était décidé à l’expulser de la chambre du sixième. Mais, comme on venait de trouver le père Bru mort dans son trou, sous l’escalier, le propriétaire avait bien voulu lui laisser cette niche. Maintenant, elle habitait la niche du père Bru. C’était là-dedans, sur de la vieille paille, qu’elle claquait du bec, le ventre vide et les os glacés. La terre ne voulait pas d’elle, apparemment. Elle devenait idiote, elle ne songeait seulement pas à se jeter du sixième sur le pavé de la cour, pour en finir. La mort devait la prendre petit à petit, morceau par morceau, en la traînant ainsi jusqu’au bout dans la sacrée existence qu’elle s’était faite. Même on ne sut jamais au juste de quoi elle était morte. On parla d’un froid et chaud. Mais la vérité était qu’elle s’en allait de misère, des ordures et des fatigues de sa vie gâtée. Elle creva d’avachissement, selon le mot des Lorilleux. Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor, on se rappela qu’on ne l’avait pas vue depuis deux jours ; et on la découvrit déjà verte, dans sa niche.» Emile Zola, l’Assomoir, Ch. XIII

** Voir dans l’histoire récente du LHC, les contrats consentis à Christophe Brown, Beat Schuler, Bernhard Schumperli ou autre Roman Botta.

Photos Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Lausanne – Bâle 5-2 (2-0 0-1 3-1)

Malley : 2744 spectateurs.

Arbitres : MM. Peer, Frei et Huguet.

Buts :  7e Miéville (Tremblay, Trunz) 1-0. 18e Leeger (Charpentier, Tremblay/5c4) 2-0. 30e Laakso (Wittwer, Tuominen/5c4) 2-1. 41e Miéville (Rüfenacht) 3-1. 42e Gailland (Bonnet, CHarpentier) 4-1. 58e Laakso (Westerback/5c4) 4-2. 60e Miéville (cage vide) 5-2.

Pénalités : 4 x 2′ contre Lausanne; 8 x 2′ contre Bâle.

Notes : Lausanne sans Zeller et Sigrist (blessés); Bâle sans Mordasini, Kast-Spicher, Zanatta, Staeubli, Machacka et Balerna.  Magnifique tifo de la Section Ouest – qui fêtait ses 15 ans – où il était inscrit «AMOUR ET PASSION DANS LE TEMPLE DES DÉSILLUSIONS».

Écrit par Jérôme Verrey