Les lunettes de Stratton

Il y a de cela quelques décennies, un savant nommé Stratton développa des lunettes qui inversaient la perception du haut et du bas afin de mener des expériences sur la capacité qu’a le cerveau à traiter l’information. A Bienne on a fait il y a peu l’expérience de ces lunettes sous la forme d’une promotion dans l’élite du hockey du pays. Car, suite à cet événement, les Seelandais étaient en bas de classement, mais en haut de la hiérarchie au lieu d’être en haut, mais à l’étage du bas.

Cette nouvelle donne, au lieu d’offrir des premiers rôles dégagés de prétendants, laissait entrevoir un noyau d’insoumission à l’ordre naturel des choses de la part d’irréductibles Léventins. Ces guerriers sanguinaires et sans merci étaient d’ailleurs attendus ce soir au Stade de Glace pour une lutte qui s’avérera périlleuse, tant les insurgés réussissent le sans faute cette année, avec pas moins de 8 points d’avance sur les locaux, malgré un match de retard.
 
Et pourtant Bienne avait des arguments de poids. L’organisé manque d’efficacité en supériorité numérique, la taille et la robustesse insuffisante de la défense, une infirmerie qui ne désemplit pas avec des blessés pour de longue durée et un budget tout juste équivalent au salaire d’un second défenseur en NHL n’avaient pas de quoi faire adopter un profil bas. Mais rien n’y fait, Bienne n’avait pas le réalisme pour revenir au bon échelon.

On pourrait citer les nombreux responsables de cet insuccès. Il y a non seulement le public qui se déplace, même par mauvais temps. Il y a l’entraîneur qui lave son linge sale en famille. Il y a le destin qui défie la logique dans certaines confrontations avec l’ennemi de la capitale. Et il y a certains joueurs qui avaient passé toute la saison précédente à produire des résultats qui auraient rendu jaloux n’importe quel golfeur noircissent cette année leur fiche, à tel point que certains soient retenus pour occuper une place dans*le morne et sans aucune ambition système de jeu du général Kruger*.

Mais ce soir, nous devons aussi respecter l’adversaire qui nous vient du nord. Le club du sud du Tessin a en effet réussi à se débarrasser des ignobles et immoraux Trudel – toujours aux fraises – et Dominichelli, bientôt exempt de ses obligations de citoyen suisse et, de fait, libéré de l’angoisse de devoir s’intégrer à *une organisation défensive étudiée jusque dans les bureaux des Devils du New Jersey*. Pour dire que c’est la gloire qui guette, le «jamais opportuniste» Roland Von Mentlen est devenu élu de la commune sur laquelle est bâtie la patinoire. Quel symbole plus évident que le vol en spirale d’un vautour pour montrer la vitalité d’un club ?

Décidemment, ces lunettes ont de nombreux avantages, même si elles ne me permettent pas complètement de ne pas être scandalisé du statut de dauphin qui devrait, au moins d’un point de vue zoologique, revenir à Rapperswil. En effet, comme vous le constaterez, elles me permettent aussi de publier le compte rendu de la rencontre avant qu’elle commence…

Ah…ce que je ne vous ai pas encore dit, c’est qu’au bout d’un certain temps, l’effet s’estompe et l’on recommence à voir le haut en bas. Mais cela, peut bien attendre la fin de la saison régulière.

Vous n’avez pas fini d’être jaloux des Biennois.

*lunettes ôtées entre les deux astérisques*

Écrit par Jean-Boris Cochet-Lamouche

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