Jusqu’au bout du ridicule

En cette période calme, il n’est pas facile de trouver de nouvelles cibles à dégommer. Heureusement, le duel Alinghi-Oracle n’en finit plus de jouer les prolongations en cale sèche à notre plus grand bonheur. Voilà du sport, du vrai ! Chronique d’une épreuve moderne qui ne se joue plus sur la mer, mais devant les tribunaux.

Autant l’admettre d’entrée. La voile, c’est aussi chiant qu’un huitième de finale du championnat gallois de Boule Anglaise ou qu’un critérium intercommunal de dressage. Élitiste et snob, la Coupe de l’America aura permis de faire ressortir en chaque bon Helvète une âme de fan de voile de la première heure, à laquelle il convient d’ajouter une exacérbation patriotique mercantile assez consternante.
C’était en 2003 ; la belle affaire : les petits Suisses sans le sou – avec aucun accès direct à la mer, piteux argument savamment institutionnalisé par l’intelligentsia médiatique suisse – damèrent le pion au Defender néo-zélandais chez eux avec en prime un sec 5-0 dans la poire des Kiwis minés par les embrouilles techniques. Nous avions alors pu constater à quel point le syndicat suisse était merveilleux et solidaire, ainsi que le splendide sourire d’Ernesto Bertarelli. Naturellement, les éléments tels que les moyens financiers du Challenger helvétique, ainsi qu’un équipage composé presque exclusivement de non-Suisses avaient été subrepticement mis de côté… Il aurait été dommage de faire les rabat-joie et de gâcher le si beau spectacle ; l’Aiguière d’argent élisant enfin domicile dans le Vieux Monde. Une fois encore un grand merci à Marcel Ospel et sa clique d’alors pour le soutien apporté.

Spy the spi !

Apèrs la lune de miel, le clash. Le binôme Bertarelli-Coutts implosa sous fond de querelles d’égos et de règles contractuelles prétendument non respectées. Le skipper… néo-zélandais à donc été prié de voir ailleurs s’il y était et fut enrôle par le syndicat Américain Oracle. On y arrive. Il n’est maintenant plus question de skippage, d’empannage ou de bord de près. On parlera plutôt d’espionnage industriel, de dépôt de plainte et autres recours. Énumérer tous les évènements qui ont émaillé l’après-Valence et d’y mettre à chacun une note de style sur une échelle du pathétique allant de 1 à 10 se révèle être un exercice vain. Nous allons donc faire court.
Sans vouloir, bien entendu, continuer à accabler les compétiteurs de cette farce, le grotesque de la situation tient en grande partie du règlement néanderthalien de l’épreuve, le «Deed of Gift». Car bon, laisser tout le bon soin au Defender d’édicter unilatéralement la quasi-intégralité des conditions de course de la prochaine édition, c’est un peu limite au niveau de l’égalité des chances. Imaginez la même chose pour le tennis, lors de Wimbledon en 2010 : un Roger Federer qui serait directement qualifié pour la finale et qui imposerait à son concurrent (disons Nadal, à tout hasard) de jouer avec la main droite, sans bandages aux genoux, et avec le modèle de raquette de Roger… Et hop, 18 titres de suite. Le côté comique serait garanti, mais un tantinet injuste toutefois. Du coup, il apparaît presque normal qu’on en arrive à ce point. Face à l’arrogance du team à monsieur Pepsodent et à son insistance à vouloir régenter n’importe quoi n’importe comment, l’attitude d’Oracle ne peut être sujette à caution, même si le procédé est peu cavalier.

Pire to pire

Dernier épisode du grotesque poussé jusqu’à un niveau jamais atteint depuis l’imposture de la Grèce championne d’Europe de foot en 2004, l’exhibition en grande pompe du nouveau catamaran Alinghi 5. Spécialement transporté par un hélicoptère russe réquisitionné pour l’occasion, le team Alinghi en a profité pour longer toute la Riviera vaudoise afin de montrer à quel point nous pouvions être fiers de ce joujou. Le bateau qui va tous nous rassembler autour de cet engin si proche du peuple et si accessible et faire oublier tous nos problèmes. En surfant sur la vague écologique très à la mode en ces temps, concédons que la voile est une discipline propre. Néanmoins, en comptant les transports et les besoins énergétiques de tout ce bazar, de la planification à la réalisation en passant par les transports, le bilan CO2 doit laisser quelque peu à désirer. Par extrapolation, autant appeler cette coupe ancestrale la Coupe de l’Âme Erika, en hommage aux compagnies pétrolières injustement bafouées dans ce contexte de crise économique mondiale. Bref, on se réjouit tous de ressortir la panoplie complète du fan suisse, laquelle moisissait dans un réduit sinistre peu après le fiasco de l’Euro 2008, et d’aller à Valence (un autre élément restant à confirmer) afin de pouvoir se goinfrer de fondue et de raclette par 35 degrés à l’ombre au QG d’Alinghi, à condition d’y être admis. Chouette !

Écrit par Mathieu Nicolet

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12 Commentaires

  1. moi ça m’amuser cette coupe de l’America. de plus on peut pas perdre. Soit c’est la Suisse qui gagne soit c’est Bertarelli qui perd et nous qui rigolons.

    + les bateaux sont magnifiques et le défi technologique réel. Ca m’suffit comme dirait l’autre.

  2. Excellent cet article, j’ai beaucoup ton humour.
    C’est si chiant que ça la voile ?. Ah oui pardon à regarder c’est vrai que c’est mortel. Il faut dire que les médias sont nulles pour mettre le jeu en scéne. La dernière était toutefois d’antologie !
    Pourquoi Bertarelli il est si méchant ?

  3. Le fait qu’il y ait de nombreux internationaux à bord et très peu de Suisse n’a rien d’étonnant puisqu’il retranscrit ce qui fait de la Suisse une place financière et politique forte.

    La Suisse serait encore dans des cavernes si elle n’avait compté que sur ses citoyens! Elle a compris qu’il fallait intégrer les meilleurs d’où qu’ils viennent afin d’être performant!

    Quant à l’aspect juridique, il fait parti de la Coupe aussi bien que les aspects technologiques, sportifs ou financiers.

    A mon avis, les bateaux seront tellement différents qu’il n’y aura pas de match. L’un ira radicalement plus vite que son rival et remportera aisément la Coupe.

    Vivement le 1er août et bravo pour l’article, piquant à souhait!

  4. et oui comme quoi ,la défénition de l’infini est bien la connerie humaine… sympathique article même si la victoire de la Grèce à L’euro portugais n’est pas une imposture mais plutôt une agréable surprise basée sur un systhème defensif exemplaire….bon week a tous et bonne bourre surtout

  5. Depuis le temps que ça balance entre les tribuneaux il est devenu impossible de se rappeler qui est le « gentil » et qui est le « méchant » dans l’histoire.

    La seule certitude c’est que tous deux sont les grands guignols de la coupe

  6. Mouais, un peu réducteur quand même. Bertarelli ne fait que défendre son bien, qu’il a été le premier a ramener en Europe après 156ans, c’est un exploit quand même, surtout pour un team Suisse.
    Le duel contre Oracle va être splendide, sur des bijoux technologiques. ça va changer de ces régates chiantes à mourir style Coupe Louis Vuitton.
    Espérons qu’on leur mette une belle claque à ces arrogants d’Oracle, histoire de leur montrer qu’en Suisse on a aussi des grandes bites.

  7. @Jacouille
    le duel contre Oracle va être splendide mais je suis vraiment pas certain que ça soit pour autant plus enthousiasmant pour le  »supporter » lambda qu’un duel classique style LVC. A par des départs à l’abattée aux bouées au vent, le match race c’est pas super sexy (à la TV), même sur des gros engins de plage…(sauf quand ça se retourne)

  8. Critiquer autant le bilan écologique d’une campagne à l’America’s Cup que les budgets impliqués ou encore les mercenaires étrangers me fera toujours autant rire. Comparez cela à d’autres sports médiatiques (oui la LVC + AC est un des événements les plus médiatisé au monde..) et on reparle de tout cela après. Certes on est sur cartonrouge, on peut se le permettre, mais les gens (supporter de foot au hasard ?) qui le font dans la réalité ne finiront pas de me faire rire..!

    Applaudir le geste d’Ernesto B. me semble plus approprié. Il fait quand même profiter de son argent pour dynamiser un sport et une compétition qui en avait bien besoin sans parler du rayonement qu’il apporte à la Suisse dans le monde entier !

    Concernant le duel Alinghi – Oracle, on a pas fini d’en entendre parler devant les tribunaux. Alinghi tentant de jouer la carte d’un plan d’eau bien spécifique pour s’assurer une victoire et Oracle se rendant bien compte que son trimaran ne sera jamais assez polyvalent pour battre Alinghi, c’est pas encore prêt d’être réglé sur l’eau cette affaire..
    De plus Oracle rencontre en ce moment de gros problème d’optimisation de son bateau, il ne sont meme pas sur de pouvoir virer en régate pour l’instant.

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