Au Nord, c’était les Corées

Placée dans le groupe de la mort, la Corée du Nord est vouée à prendre des branlées monumentales face aux ogres brésilien et portugais, avant de disputer une troisième rencontre pour beurre contre la Côte d’Ivoire. Un conseil à nos amis coréens prodigué par le philosophe Jean-Claude Dusse : «Oubliez que vous n’avez aucune chance. Foncez ! Sur un malentendu ça peut marcher».

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ? Bon, ben d’abord je n’ai pas eu le choix. Le chef a dit «tu prends la Corée du Nord», je n’ai rien eu à dire. Quelque part, pour présenter le dernier pays vraiment stalinien de la planète, la manière de faire de notre bien-aimée rédaction est parfaitement adéquate.
2) A quoi sert ce pays ?
La République Populaire Démocratique de Corée (DPRK), guidée par son «dirigeant bien-aimé» Kim Jong-Il (même si certains médias prétendent qu’il aurait été remplacé par son fils) est le seul représentant de «l’axe du Mal», défini en 2001 par le futur Prix Nobel George W. Bush, présent à cette Coupe du Monde 2010. A ce titre, le pays sert déjà à démontrer aux incrédules béats que 11 sportifs courant après un ballon peuvent difficilement être taxés de dangereux terroristes nucléaires. Reste encore à savoir si ces 11 sportifs ont vraiment eu le choix de se déplacer à Johannesburg. Rassurons-nous en nous disant qu’ils auront au moins pu découvrir Anzère durant leur bagne.

3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ?
La Corée du Nord a connu un parcours difficile durant ses qualifications. Elle a notamment dû en découdre avec son petit frère du sud, la Corée Tout Court. Le problème, c’est qu’entre la Corée du Nord et la Corée Tout Court c’est le même genre de relation qu’entre Gottéron et Berne avec en sus, la frontière la plus hermétique du monde (le genre de truc qu’aimerait bien mettre en place le philosophe Oskar Freysinger pour notre pays), un no-mans-land de 238 kilomètres de long et 4 de large. Et lorsque les deux Corées se sont rencontrées pour un match officiel de qualification pour la Coupe du Monde 2010, cela a donné lieu a un gros incident diplomatique. Le match aurait dû se dérouler à Pyongyang, capitale de la Corée du Nord. Mais le gouvernement fantoche du bien-aimé dirigeant Kim Jong-Il a décidé que faire sonner l’hymne national ainsi que le lever de drapeau de la Corée du Sud  serait un affront bien trop important contre la République Populaire. Il a fallu l’intervention de la FIFA elle-même pour départager les chiens et les chats et faire jouer le match en terrain  «neutre», la ville de Shanghai dans la célèbre République Démocratique de Chine fut choisie. Le match se solda par un match nul et vierge. On n’a pas eu vent de l’affluence de ce match classé «à hauts risques» mais gageons que le nombre de supporters nord-coréens devait être inversement proportionnel au nombre de soldat gardant le no-mans-land susmentionné. Après plusieurs matchs perdus ou nuls, notamment une défaite rageante contre l’Iran (autre black-listé «du Mal») alors que la Corée du Nord n’avait plus qu’un match à jouer, le dernier pays stalinien s’est finalement qualifié grâce à une meilleure différence de buts sur l’Arabie Saoudite.
4) Pourquoi vont-ils gagner la Coupe du Monde ?
Je n’y connais pas grand chose en football, mais c’est un peu comme si on me disait que le EHC Biou sera un jour champion suisse de ligue A. Faut pas déconner…
5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?
Le groupe G c’est le groupe des deux «lusitanophones», le Portugal et le Brésil qui devraient très logiquement se qualifier (même si pour les premiers on aurait espéré une élimination rapide, juste histoire de pouvoir siroter une bière sur une terrasse tranquilles sans avoir à subir les concerts de klaxon des supporters du Poutougaou). Alors bon, les gentils petits Coréens – fussent-ils communistes – n’auront probablement pas la moindre chance de passer le premier tour. N’est pas la France qui veut.

6) Qui sont les joueurs à surveiller ?
Comment dire ? Tous évidemment. Lorsque son pays est une telle prison, le choc culturel peut être rude. Jouent-ils au «football» avec les même règles que dans le reste du monde ? Quelle issue du match lorsque l’arbitre n’est pas membre du parti communiste ? Leur ballon est-il cubique ? Plein de questions qui trouveront une réponse lors de leur premier match. C’est aussi ça l’ouverture d’esprit.
7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?
Il serait dangereux, pour ne pas dire suicidaire, de se moquer d’un joueur nord-coréen. Il y a des fortes chances pour que son métier principal soit espion. A vous de voir, mais finir dans un goulag au nord du 36ème parallèle sans moyen de recevoir Global FM ni de pouvoir consulter CartonRouge.ch devrait être une raison suffisante pour les laisser se vautrer sans les humilier.
8) Une bonne raison de les supporter ?
On se réjouit de voir Josef Zisyadis et Marianne Huguenin faire trois fois le tour de la place Saint-François klaxonnant à bord de leur Lada VAZ-2101 Kopeyka aux couleurs soviétiques et se saoulant à la vodka Moskovskaya après chaque victoire des Nord-Coréens.
9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
C’est un peu comme la France ou le HCC, faut être du coin pour y croire.

10) Bon d’accord, mais sinon ?

Il y a bien évidemment l’aspect extra-sportif qui reste une excellente raison de ne pas les supporter. Comment accepter qu’au XXIème siècle un système politique pareil existe encore ? Mais – à l’instar des États-Unis – l’amalgame sport-politique est trop facile ; bien d’autres contrées soi-disant plus accueillantes sont présentes à des grands rendez-vous internationaux sans qu’on en fasse un fromage. Alors bon, je te laisse seul juge, ô toi lecteur assidu, de déterminer si cette équipe a sa place à la Coupe du Monde (rappelle-toi simplement que dans notre bien-aimée patrie, on laisse un EHC Biou participer au championnat suisse de ligue A…). Personnellement, je m’en réjouis, c’est quand même ce genre de pays qui montre au reste du monde comment on fait un vrai tifo, non ?

Écrit par Camarade Vincent Keller