Trêve hivernale, mercato infernal

C’est bientôt Noël, c’est bientôt la fête, tout le monde claque son fric pour le plus grand plaisir des patrons Fnac et Apple (ah merde, pas Apple), alors les dirigeants du ballon rond font pareil : bienvenue dans le mercato hivernal.

Malgré tous les crachats que l’on fait sur lui, le mercato reste un événement majeur de la planète foot. La preuve ? Vous être en train de lire un article sur lui simplement parce que vous avez lu mon titre aguicheur. Des marchés de transferts, il n’y en a que deux par saison. Un durant l’été qui fait office de pause estivale et celui qui vient durant tout le mois de janvier. Qu’on soit clair dès le début, ça c’est uniquement pour l’Europe car beaucoup d’autres championnats ont des mercatos plus longs ou à différentes périodes de l’année. Voici quels sont les pièges à éviter pour ne pas passer pour un Flipper.Alors oui, c’est bien beau le marché des transferts, mais ça sert à quoi ? Les joueurs s’estimant sous-payés pour ne rien foutre sur le terrain partent à la recherche de l’oseille qatarie/russe/chinoise/américaine ; les joueurs payés pour ne rien foutre sur le banc partent se trouver «un nouveau challenge». Faut pas rêver. La plupart des joueurs qui partiront ce mois de janvier sont ceux qui veulent se montrer à leur coach pour l’Euro à venir in Ukraina i Polska. En quelque sorte, ils font les putes pour aller au bordel.

Tout ça pour dire que, comme chaque année, il y aura des beaux transferts, quelques-uns, mais ne vous attendez pas à revivre le même que le dernier. Vous avez été excités devant Dzeko à City, vous avez bandé devant Torres et David Luiz à Chelsea, vous avez tout lâché devant Luis Suarez et Carroll à Liverpool. Cette année, vous allez surtout pleurer en voyant que la plus grosse – le mot est tout à fait adapté – surprise sera le départ de Baleine Gignac à Fenerbahçe ! Voire Makélélé au PSG… A vos Prozac.
Et comme chaque fois, les mêmes annonces seront faites avec exactement les mêmes clubs. En gros titres nous serons servis : les deux Manchester qui ne doivent surtout pas laisser à l’autre le gros coup, sans doute Chelsea et Liverpool toujours bons dans cet exercice, le FC Barsenal dont les accords commerciaux sont réguliers, le Real qui doit laver «l’affront du Clásico», Malaga le nouveau riche et les Qataris de la Ville Lumière. Je prends les Paris.
Mais avant tout, comme chaque année, vous et moi serons inondés de rumeurs toutes plus absurdes les unes que les autres comme Higuain au PSG, Henry à Arsenal (si si), Drogba à l’OM. Il y aura aussi les annonces exclusives qui sont là pour alimenter l’idiotie du XXIe siècle : le buzz. Comme Tevez à Milan ou Beckham au PSG. Ne vous laissez pas abuser hein, ils seront juste prêtés. Sinon, sur la Canebière encore, on parle de l’arrivée du joueur le plus honnête de la Serie A : Inzaghi. Aaah une attaque Pippo-André-Pierre, ça aurait de la gueule. Ah non le Big Mac part au pays des kebabs… Mais c’est pour vous dire l’absurdité d’informations censées avoir une «source sûre». Dans chaque dépêche que vous lirez, méfiez-vous des phrases telles que : «selon un proche du joueur». Le proche en question est souvent aussi éloigné du joueur que vous êtes fan de Justin Bieber.
Néanmoins, les vrais supporters, ceux qui s’attachent mais s’intéressent, pour ceux-ci, c’est la période la plus belle de l’année. Alors que les uns se souhaiteront la bonne année à coups de joyeuses tapes dans le dos, les autres, dans toute leur splendeur sociale, seront scotchés tantôt sur France Football pour avoir une vue d’ensemble, tantôt sur L’Equipe pour Didier Roustan, mais aussi sur Eurosport pour les Footix, sur footmercato pour les conneries, sur Onze Mondial pour… Non pas sur Onze Mondial, sur caughtoffside pour le déluge, ou encore sur So Foot pour rigoler ou sur CartonRouge pour connaître la vérité. (Si vous avez d’autres références, n’hésitez pas à balancer des noms).
Sinon pour l’amateur de sport standard, le mercato de janvier offre une certaine continuité dans l’actualité. Ça lui fait une sacrée excuse pour ne pas ranger le sapin et les boules, et c’est pile entre la Coupe Spengler et la Coupe d’Afrique des Nations, avant d’enchaîner sur le tournoi des Six Nations. Disons que si la Coupe Spengler prépare aux championnats du monde de hockey, le mercato c’est l’échauffement pour l’Euro.

Un autre point essentiel à apprendre avant de zieuter sur les transferts est la prochaine loi de l’UEFA : le fair-play financier. Cette règle censée favoriser l’égalité entre les clubs (elle ne fait en réalité que punir les grosses cylindrées anglaises) oblige les clubs à se doter de finances saines sous peine de se voir refuser l’accès à des compétitions européennes. Fini les milliards de surendettement «à la grecque» et autres dépenses phénoménales. Et bonjour les prix bradés ! Les soldes ont déjà commencé chez les Citizen par exemple, avec les prêts d’Adebayor ou de Santa Cruz et l’on annonce déjà Carlitos le taureau loin de la cité ouvrière. Ils chercheraient à vendre pas moins d’une vingtaine de joueurs. Bon, en sachant que l’effectif comporte 65 mercenaires, quelques départs ne pourront faire que du bien. Finalement la méthode Wenger – on achète des minets encore puceaux et on les revend surévalués – sera bientôt indispensable à tous les clubs.
Enfin, il est impossible de parler de marché des transferts sans qu’un collègue ou ami vienne vous faire, dans toute sa plus profonde faiblesse d’esprit, cette fameuse morale pleine de bon sens : «Je trouve pas bien que l’on dise que les joueurs ont un prix, ce sont quand même des humains !». Et si vous êtes empruntés à l’heure de répondre aux âneries, alors que vous savez parfaitement que c’est son talent que l’on achète et pas la personne comme on achèterait un tableau de Magritte, utilisez ma plus belle réplique : «ta gueule».
En fait, juste une petite question, il coûte à peu près combien Shaqiri ?

Écrit par Matthieu Corpataux