Compte-rendu du match amical GSHC-LHC : presque !

Quelques fois, le sport doit se voir dépassé par des sujets de société impératifs, a dit le poète*. Je pourrais me limiter à cela et vous demander, tel un Gustave Parking en goguette, d’y réfléchir plus longuement, mais ce serait un peu trop cavalier. Et puis, j’ai un sujet bien trop important à vous exposer pour vous laisser en plan devant une phrase sibylline, aussi belle et intelligente soit-elle.

Oui, tenez-vous bien, accrochez-vous, reprenez vos esprits : j’ai décidé de vous parler de hockey sur glace. Bon, pas tout à fait. Je reprends.J’ai décidé de vous parler des hockeyades de Le Sentier.
Enfin, presque.
Laissez-moi vous expliquer l’affaire dans le détail.
Il était environ 18h15, le mercredi 15 août 2012, et avant de partir pour Le Sentier afin d’assister au match amical opposant le LHC au GSHC, je terminai une longue session d’entrainement à la guitare. En somme, je finissais d’astiquer frénétiquement mon manche d’ébène quand, à la faveur de la mise hors-tension de mon amplificateur, s’est fait entendre dans mon appartement un long cri porcin qui me glaça les sangs des oreilles aux roustons. Je posai délicatement ma Les Paul Custom sur son pied et me saisis de la batte de base-ball en aluminium qui reposait à ses côtés, tous sens aux aguets.
La transpiration perlait déjà sur mon front froncé, je demandai de l’aide à tous mes dieux avant de me souvenir avec agacement de mon athéisme profond.
– ouïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïï -ouïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïï
Bon sang ! Qui donc assassine cette pauvre bête ? D’où vient ce couinement terminal ? Ça ne peut pas être ce con d’Ali, mon voisin de palier, qui prépare encore un faux méchoui sur son balcon juste pour emmerder les vieux racistes du quatrième avec des enregistrements de cris d’agneaux. Non. Là, il s’agit clairement d’un porc. Une truie, peut-être (car c’est plus aigu). Et Ali, lui, il ne touche pas à ça, même pour blaguer.
J’essaie de contrôler ma respiration et mes battements de cœur et je réalise enfin que la bête agonisante semble se trouver dans mon propre salon.  Mais pourquoi donc mon appartement empeste-t-il l’odeur de ramequin bon marché ? L’image furtive d’un cochon ayant choisi mon appartement pour se suicider à coup de quiche au fromage de la Migros traverse mon esprit.
Je prends mon courage à une main, la batte dans l’autre, et j’entrouvre la porte de ma main libre. J’essaie de tendre mon œil dans le fin entrebâillement de la porte, mais je n’y arrive pas et je ne distingue rien (mais qu’attend l’œil pour subir une sérieuse évolution, ‘vindieu !?!).
– ouïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïï – ouïouïïïouïïïïïïouïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïïï
Assez attendu, la miséricorde m’aide à trouver le courage nécessaire à entrer d’un coup dans le salon afin de mettre un terme aux souffrances atroces de cette pauvre bête. Je pénètre dans la pièce en criant à mon tour et en frappant l’air autour de moi de multiples coups de battes désordonnés.
Et là, surprise. Rien. Ma montre indique maintenant 18h16 et il n’y a personne dans la pièce, si ce n’est un con avec la batte à l’air.
Pourtant, les cris continuent de plus belle.
Machinalement, mes yeux se posent alors sur la télévision.
Quelle erreur ! Les hurlements que j’avais en premier lieu attribués à un animal intelligent émanent en fait d’une blonde à forte poitrine et au nez que l’aigle du drapeau genevois ne renierait pas. Loin d’agoniser, la créature, coupe plutôt courte et racines noires apparentes, semble en fait pousser des cris de joie.

Avant de prendre en main ma guitare, j’avais commis deux graves impairs : laisser la télévision allumée et le poste branché sur une chaine privée française dont je tairai le nom. L’émission, elle, semble s’appeler Secret Story.
Je me préparai à éteindre cette horreur, le cœur battant encore la chamade, quand un perronisme gela tout net mon doigt sur la télécommande.
– Il va couler encore beaucoup d’encre sous les ponts avant que je te pardonne…
Bon sang, la bête a parlé, et elle n’a pas déçu. Moi, je devais partir immédiatement pour me rendre au match, mais je me suis retrouvé forcé de m’assoir, incapable de ne pas regarder ces abrutis emprisonnés volontairement pour redonner des crises de priapisme aux pédophiles de France et de Navarre, de Belgique et de Suisse.
Dès la fin de l’émission, j’appelai immédiatement mes amis proches. Personne ne regardait cette émission en dehors de Sonia.
– Ouais, cette année, c’est pas terrible, me dit-elle. On voit que le concept commence à fatiguer.
– Bon sang !?! Mais que se passe-t-il dans cette émission, d’habitude ? lui demande-je.
– Bah, des pouffiasses qui quittent leurs mecs, des bagarres, des clans qui s’insultent, des conneries comme ça.
– Pis la blonde qui couine comme une truie, c’est une blague ?
– Nadège ? Arrête ! C’est une Genevoise, en plus.
Mes épaules s’affaissent quelque peu.
– Pis c’est loin d’être la plus conne !
Mon dos se voûte légèrement.
C’est entièrement inconsciemment que ma main appuie sur le bouton «terminer l’appel» au milieu de la phrase suivante de mon amie. Mon subconscient a compris que j’en avais déjà trop entendu pour aujourd’hui et a pris le contrôle de mon corps pour protéger ma santé mentale.
Je me suis assis sur mon canapé, la télé maintenant éteinte, et j’ai médité. J’ai beaucoup pensé à rien jusqu’au moment où une voix dans ma tête a suggéré que c’était probablement là l’occupation principale des participants à cette émission.
Agir vite ! Me différencier d’eux dans l’instant. J’ai pensé prendre en main «Critique de la raison pure» que j’avais acheté par snobisme il y a plus de quinze ans et dont je n’ai jamais réussi à dépasser la cinquième page. Mais là encore, le médicament est trop puissant. Un simple «oui-oui» suffirait. Ou mieux, un dictionnaire. C’est vers ce dernier choix que se dirige ma main droite.
J’ouvre mon Petit Robert au hasard et le mot «déliquescence» saute de la page pour brûler mes rétines.
En plaçant mes paumes devant mes yeux, je me traîne lamentablement jusqu’à mon lit et je m’y roule en boule, sanglotant entre chaque respiration.

Quelques jours se sont maintenant écoulés depuis cet incident, et on m’a appris que le GSHC avait battu le LHC sur le score de 5 buts à 1.
En lieu et place de la joie habituelle, j’ai laissé tomber ma tête entre mes mains et j’ai pleuré longuement.
Je ne sais pas encore très bien pourquoi.
Si on me le demande un jour, j’essaierai peut-être d’y répondre.

* ne cherchez pas, il s’agit en fait d’une de mes propres phrases, prononcée après la première incarcération de Marc Roger dans la cellule qu’il partageait avec «Dédé la vérole», qui préférait pourtant le surnom «double-fist».

Écrit par Olivier Tauxe

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3 Commentaires

  1. Que vous chiassiez sur le LHC ou sur le Barça, à la limite de je peux comprendre, ce n’est que du sport…
    Mais pas sur Secret Story, s’il vous plait…
    La seule émission culturelle du PAF que les commentateurs sportifs de la TSR peuvent suivre et comprendre sans consultant…

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