Le superbe jubilé de Ludovic Magnin

Ludovic Magnin a disputé son tout dernier match chez les pros, dimanche au stade des Trois-Sapins, le temps d’une rencontre de Coupe de Suisse entre Echallens et Zurich. La messe était rapidement dite et Ludo a manqué de peu d’inscrire un joli coup-franc. Récit d’une journée chargée en émotions.

Toute la manifestation aura tourné autour de cet homme : Ludovic Magnin. Cet international à 63 reprises, formé au FC Echallens, ne disputait pas n’importe quelle rencontre du côté des Trois-Sapins, puisque le natif du Gros-de-Vaud affrontait son club d’enfance lors du 32ème de finale de la Coupe de Suisse, pour ce qui restera comme le dernier match de sa carrière.La première grosse séquence émotion de Ludo Magnin devant près de 3’000 spectateurs a pris place au moment du «shake-hands» réglementaire. «Toi qui n’as jamais porté ce maillot, le voici !», s’exclamait un officiel en offrant un tricot du FC Echallens floqué à son nom. Pour l’anecdote, il s’avèrera plus tard que le Zurichois avait à quatre-cinq reprises mouillé le maillot du club de ses débuts. Les jeunes, excités à l’idée de voir leur idole, lui ont fait partager un moment de pur bonheur en célébrant tous ensemble le dernier coup d’envoi de sa carrière de joueur.

Le match

Autant être sincère dès le début, le FC Echallens aura brûlé comme de l’allume-feu. Les visiteurs ne se seront pas fait prier pour ouvrir le score dès la cinquième minute et doubler la mise après six minutes seulement. Voilà qui réduisait quasi à néant les espoirs des locaux. Malgré la différence de niveau notable, les joueurs du Gros-de-Vaud ont tout de même montré de l’envie lorsqu’ils étaient menés. De superbes phases ont trouvé place essentiellement au moment de faire circuler le cuir de la défense au milieu de terrain. Un homme a montré qu’il pouvait rivaliser techniquement face aux pensionnaires de Super League : David Jimenez, portant un certain numéro vingt-trois, bizarre non ? En position de «six» sur le terrain des Trois-Sapins, il a montré la bonne voie à son équipe malgré le chemin interminable pour accéder aux cages d’un Davide Da Costa pratiquement au chômage technique.
Un soupçon de génie «made in Gros-de-Vaud» était élaboré par Martinet à la trente-sixième minute grâce à un retourné acrobatique auquel il manquait un peu d’adresse pour trouver le cadre. Cette action montrait l’envie persistante d’aller chercher l’actuel septième de la Super League de toutes les manières possibles et imaginables. Mais les trois ligues d’écart étaient assez flagrantes surtout quand le milieu droit, Adrien Alvares, tentait vainement un grand-pont sur le capitaine Philippe Koch bien trop rapide.
Après l’hémorragie au sein de la défense, le portier Grégory Mathey va amplifier son cauchemar en manquant de malice juste avant la pause. L’ami et ex-coéquipier de Ludo va passer au travers sur une sortie, ce qui va offrir la troisième unité à Josip Drmic dans la cage désertée. Mais le calvaire ne va pas se terminer de sitôt. Quarante-neuvième minute, Gavranovic s’en va seul face à Mathey. Sans mauvaise intention, Jerôme Hyvernaud va retenir son adversaire et se faire expulser par Nicolas Jancevski pour faute de dernier recours. Sur le coup-franc, le nouveau international suisse (trois sélections, deux buts) Mario Gavranovic va se faire justice en crucifiant un Mathey malchanceux.

54e minute : «Ludo, va te chauffer!» 63e minute : «Arbitre, changement !»

Tout le monde attendait ce moment avec impatience: l’entrée du prodigue régional ! Acclamé durant son échauffement, sa motivation de fouler cette pelouse devait être toujours plus grandissante.
Le revoilà, le génie du football suisse! Dans les bras de son coéquipier, Stefan Glarner, afin de faire son apparition pour les trente dernières minutes de jeu, il ne va pas passer inaperçu. Chaque ballon touché par l’ex-international helvétique va émerveiller le peuple venu en masse. Impérial dans les duels et solide à la relance, Ludo avait encore de quoi faire rougir quelque jeunes présents sur la pelouse avec son toucher de balle impressionnant.
S’en vient le fameux coup-franc de la 73e minute. Le ballon posé minutieusement par l’ancien joueur de Bundesliga va attirer toute l’attention des Trois-Sapins. A plusieurs reprises en train de guetter le positionnement de son vis-à-vis, Ludo Magnin était prêt à armer. Le latéral gauche va toutefois voir son essai terminer sur le poteau gauche de Mathey. Grande sensation, grand moment !

Mario Gavranovic est en forme

Seul joueur à voler la vedette à l’homme du jour, Mario Gavranovic fut l’auteur de trois buts (5e, 51e, 89e). Le Suisse d’origine bosnienne a montré toute l’étendue de son incroyable talent. Formé à Locarno avant de prendre la direction d’Yverdon-Sport avec lequel il a passé une saison, le Tessinois a passé par Neuchâtel Xamax avant de franchir la frontière allemande dans l’effectif de Schalke et de Mayence (totale à l’étranger de 20 apparition pour 4 buts). Le retour en Suisse avec le FC Zurich lui a valu une place dans la sélection d’Ottmar Hitzfeld. Le FC Echallens n’aura eu aucune chance face à une telle arme offensive capable de devenir dangereux à chaque fois qu’il touche le ballon.

L’anecdote

Andy Egli, manager de joueur et ancien entraineur de Thoune, Lucerne, Aarau et Bienne, n’est pas passé inaperçu. Arrivé au stade avec uniquement sa carte d’entraineur, l’ex-international aux sept buts s’est vu refoulé à l’entrée. La carte n’étant pas valable pour cette compétition et n’ayant pas d’argent sur lui, il a forcé l’entrée. Voilà qui ne lui a pas fait bonne presse et en a fait rire plus d’un.

Les mots de Ludovic Magnin

«Je peux remercier les copains ! C’était une source de motivation pour l’équipe, de jouer sérieusement et de marquer quelques buts pour que je puisse rentrer. On a vu, ça c’est bien passé. Pouvoir jouer un dernier match aux Trois-Sapins, quand je pense que j’ai commencé là, c’est vraiment une émotion très particulière. J’ai réussi à être fort, je n’ai pas trop pleuré donc je suis fier.»
«De nombreuses personnes ont été importantes dans ma carrière. Je l’ai dit : cette carrière n’est pas seulement la mienne ! Je pense en particulier à ma femme qui a tenu la famille ; elle m’a laissé le dos libre et j’ai toujours pu jouer mon football sans trop de pensées. Je lui dois une grande partie de mon succès. Mes parents, extraordinaires, m’ont donné une enfance fantastique, m’ont amené partout et m’ont soutenu. Ils ont toujours été là. Je n’oublie pas non plus Lucien Favre, les entraineurs qui ont bossé bénévolement ici ainsi que toutes les personnes avec qui j’ai eu de bons contacts, avec qui j’ai rigolé et eu du plaisir. J’ai réussi à faire quelque chose de beau avec l’équipe nationale, avec les différents clubs pour lesquels j’ai joués. C’est grâce à leur soutien car tout seul on n’arrive à rien !»
«Ah, ce poteau, malheureusement. J’aurais bien voulu marquer contre Greg. J’ai joué avec lui des années en junior. A l’époque il était un peu plus mince… alors je savais que je devais ajuster le petit filet car il prenait beaucoup de place dans le but (rire). Il était prévu que s’il y avait un coup-franc ou un penalty c’est moi qui le tirais. Et en cas de goal, je courrais directement me doucher.»
«On va manger tranquillement avec la famille, ma femme, les amis. On va savourer ce moment. Dans le Gros-de-Vaud c’est férié, mais pas à Zurich alors en bon père de famille, on va rentrer dans la nuit pour que les enfants puissent aller à l’école demain.»
«Je ne sais pas quand je recevrai la prochaine convocation pour entrainer les jeunes, c’est mon directeur sportif qui va me le dire. Mais tant qu’il ne me le dit pas, je vais me reposer (rire).»
Bon vent Ludo, et merci pour ces belles années !
Photos Magnin de Arnaud Bloesch, photo Mathey et Gavranovic de Pascal Muller, copyright www.mediasports.ch

Echallens – Zurich 0-6 (0-3)

Trois-Sapins, 2’600 spectateurs.
Arbitre : M. Jancevski.
Buts : 5e Chiumiento 0-1. 6e Gavranovic 0-2. 43e Drmic 0-3. 51e Gavranovic 0-4. 89e Gavranovic 0-5. 92e Drmic 0-6.
Echallens : Mathey; Karac, Hyvernaud, Bastardoz, Forestier; Jimenez; Martinet (77e Tabin), D. Germanier, M. Germanier, Alvarez (54e Pittet); Rushenguziminega (59e Ruchat). Entraîneur : Marendaz.
Zurich : Da Costa; Glarner (63e Magnin), Teixeira, Djimsiti, P. Koch; Chiumiento (72e Frimpong), Kukeli (69e, Mariani), Buff, Schönbächler; Gavranovic, Drmic. Entraineur : Rolf Fringer.
Note : 50e, expulsion de Hyvernaud (faute de dernier recours).

Écrit par Arnaud Bloesch