Nie Schweizermeister

Attention, ce qui suit est un peu déprimant pour une fenêtre de calendrier de l’Avent. Sauf si tu détestes Gottéron, évidemment. On a tous un «climax» dans notre vie de fans de sport, pour moi c’est le 12 avril 1992. Mais ça peut encore changer.

Printemps 1992. J’ai douze ans et comme tout le monde à Fribourg, je ne pense qu’à ces play-offs depuis qu’on a fini la saison régulière à la première place. La motive ambiante est décuplée par la façon dont on arrive au cinquième match, décisif, de notre première finale. Après avoir giclé le 8e Biel/Bienne en 4 matches en quarts (malgré une défaite chez nous en prolongation lors du premier match), on a plus de mal contre Ambrì en demi-finale. Après deux victoires à St-Léonard et deux défaites en Léventine, dernier match chez nous. On est le 31 mars et les Tessinois mènent 2-4 au début du dernier tiers avant qu’Andrei n’égalise quelques secondes avant la sirène, puis ne nous qualifie pour la finale en prolongation. Une finale contre le SCB. Le lendemain matin, mon pote de classe Antoine me dit «T’as vu, Ambrì a posé protêt sur le goal de l’égalisation, on va devoir rejouer le match». Je l’ai cru. Depuis, je suis totalement parano chaque 1er avril.Depuis deux ans qu’ils sont là, Bykov et Khomutov n’ont pas seulement révolutionné le hockey suisse, mais aussi les cours d’école fribourgeoises : plus personne ne joue au foot dans le préau. Tous les jours, c’est canne à la main que les classes s’affrontent à la récré avec une balle de tennis. Et on s’y croit à fond.
Pas remis de la dantesque demi-finale et trop légers face aux «Big Bad Bears», les pas encore Dragons se font manger par le SCB dans les deux premiers matches. Après le 11-2 chez eux, nombre de fans fribourgeois se disent qu’on peut tout de suite donner le minuscule trophée à Martin Rauch. Mais Gottéron ressuscite et revient proprement à deux victoires partout (5-1 chez nous et 0-3 à l’Allmend): on jouera le game 5 (comme il ne serait venu à l’idée de personne de l’appeler) de la finale.
Un 5e match. Chez nous. Contre Berne. Pour le titre.

12 avril 1992. J’ai 12 ans, et je sais déjà que je me souviendrai de cette journée toute ma vie : ce soir, on est champions. La journée commence mal, vu qu’en rentrant des commissions en patins à roulettes (que personne n’aurait eu l’idée d’appeler des «quads»), je me fais surprendre par une sournoise bordure de trottoir et exécute un somptueux soleil avec l’arrière du crâne qui vient taper le bitume. Du sang partout sur mon écharpe (la jaune et noire, avec les éclairs) et une cicatrice bien sympa que je pourrai sûrement toujours palper vingt ans plus tard quand, à la frontière du gâtisme, je raconterai cette histoire qui ne t’intéressera évidemment pas. Bref, ça n’arrange pas mon état. Je suis totalement hypnotisé par ce qui va se passer ce soir, sans pouvoir penser une seule seconde à autre chose de toute la journée, avec en plus un puissant mal de crâne.
7633, 9000 ou 30’000 spectateurs si l’on croit tous ceux qui diront avoir été là ? C’était peut-être une question de poids en ce qui me concerne, mais le «sautillez» (sur le mode du «tous ensemble» repris depuis pour faire comme tout le monde), eh ben ce soir-là, tu n’avais pas besoin de faire quoi que ce soit pour, tu sautillais avec. Tous les clubs trichaient plus ou moins avec les chiffres d’affluence ou le nombre de billets vendus, selon leur situation, mais chez nous, ça y allait à la louche. D’autant que les petits bouts de papier qui servaient de billets n’étaient pas trop difficiles à imiter pour qui avait à disposition de quoi faire des copies en couleur.
Du match, on a été tellement en-dessous, comme tétanisés, que je n’en retiens pas grand-chose, si ce n’est qu’on s’est fait marcher dessus et qu’il est très vite devenu clair que ce n’était pas notre soir. Jiri Lala, le renfort tchèque tout juste débarqué, en plantait un ou deux, notre ex et futur Gilou en mettait aussi un si mes souvenirs de môme sont justes, et le seul Rottaris marquait pour nous si je ne me gourre pas. A force de me répéter toute la journée «ce soir on est champions», j’avais fini par totalement occulter l’éventualité inverse. J’aurais mieux fait de m’y préparer, parce que le choc fut brutal. Et absolument impossible à éviter. On avait beau y croire, les jaune et noir avaient beau mettre leurs tripes sur la glace, les Moutzes étaient trop forts ce soir-là. Ah, cette envie de remonter le temps, de revenir juste avant le match en espérant que ça tourne pour nous…
La suite ? Tout le monde sur la glace pendant la remise du trophée, Bernois comme Fribourgeois. (Je parle des supporters, hein. Tu imagines ça en 2012 ?) Des faces défaites d’un côté, des mecs euphoriques de l’autre, mais du respect et des poignées de mains. Et aussi beaucoup de frustration née du sentiment d’abattement qui avait inexorablement conquis la patinoire à mesure que les Haribos nous concassaient. Une nuit affreuse à ressasser. Les sarcasmes de mon père, Lucernois peu intéressé par les choses du sport, mais domicilié sur Berne, le lendemain. L’envie de se dire que tout ça n’a été qu’un rêve, qu’on va tous se réveiller en même temps et aller au match. Mais non. C’est fini, on a perdu.
Le pire souvenir de ma «carrière» de fan de sport. Mais je m’en souviendrai toute ma vie.

Écrit par Hilde Blatter

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11 Commentaires

  1. je m’en rappelle comme si c’était hier…La patinoire pleine à craquer! Je regardais le match sur la pointe des pieds sous la poutre qui domine le koop des Fribourgeois qui avaient la banane en attendant d’exploser de joie!
    Mais quand Stecher a relaché le puck dans son but, j’en ai eu les larmes aux yeux! Il nous reste encore quelques chants en l’honneur des deux tsars soviétiques!

  2. « Jiri Lala, le renfort tchèque tout juste débarqué, en plantait un ou deux, notre ex et futur Gilou en mettait aussi un si mes souvenirs de môme sont justes »

    Désolé, mais tes souvenirs sont assez flous…

  3. @Daniel

    Fais péter la feuille de match, si tu l’as.
    Je me souviens juste qu’on a pris 1-4 et que Lala avait fait le show, pour le goal de Montandon c’est du 90%, et pour celui de Rottaris du 99%.

  4. J’avais aussi 12 ans en 1992 et cette année-là, je me souviens surtout de la campagne de Coupe Davis (l’anonyme Pays-Bas-Suisse, le mythique France-Suisse, l’euphorique Suisse-Brésil et le légendaire USA-Suisse) et du 2-2 que la Suisse concédait à l’Italie après avoir mené 2-0 dans les éliminatoires pour la World Cup.

    J’ai un souvenir très flou, en revanche, des matchs de cette finale des play-offs… Il faut dire que je ne suis pas fribourgeois.

    Mais, j’ai un souvenir TRES précis de ce 12 avril: pendant le repas familial de midi, lorsque mon frère et moi, influencés par la TSR, évoquons la possibilité que FG devienne champion, mon père, grand connaisseur de hockey (et oui, lui était dans les 123 spectateurs du Genève-Servette lorsqu’il évoluait en 1L) sourit avec condescendance et nous explique qu’il y a eu une « combine » après les deux premiers matchs: afin de remplir chaque patinoire une fois de plus et de se mettre des sous la poche, Berne s’est mis d’accord avec FG et a laissé les deux matchs d’après. Avant de remporter le 5ème match. Sur le moment, j’avais pas envie de croire que le sport pouvait être si pourri. Le soir venu, j’avais trouvé FG si pitoyable que les mots de mon père résonnaient dans ma tête.

    J’aimerais bien revoir cette série de matchs, d’ailleurs, pour me faire une opinion de l’opinion sentencieuse de mon père…

  5. Rien que d’y repenser je viens de ruiner ma journée.

    J’y étais pas (par contre j’étais au fameux game 5 contre Ambri, c’était déjà de la folie), j’avais 2 ans de moins, mais le hockey avec la balle de tennis dans la cour d’école avec le maillot de khomutov et la soirée collée au poste radio avec mon père … et pour moi aussi ma pire soirée de supporter, une des 2 fois où j’ai pleuré après un match.

  6. Moi je me souviens juste que mon père avait 2 places, qu’il prenait mon frère et moi pour aller voir les matchs. Mon frère était tellement petit qu’il le prennait sur les genoux, qu’il dormait pendant les tiers et se réveillait à chaque pause pour voir la machine faire la glace….son seul soucis =)

  7. Soirée pleine d’espoir, puis finissant en cacahuète. Me souviens avoir eu deux billets (des vrais) par un pote qui était allé faire la queue à la défunte Banque de la Glâne et de la Gruyère (sic) à Bulle. Me rappelle d’un énorme lâcher de ballons bleus et blancs du côté du kop, nous étions juste en face, serrés comme jamais avec quasi interdiction d’aller te soulager aux pauses, sinon tu revenais plus. (à moins de transiter par les places assises et de sauter par dessus les bandes, comme on pouvait encore le faire à l’époque, pour autant que la sécu te laisse passer…) Autre époque…

  8. Je me rappelle de la foule qui attendait devant les guichets lorsqu’on est rentré du match 4 (j’étais d’ailleurs passé en gros plan à la TV en faisant un (pas) joli geste aux bernois après le 3-0 🙂 ).

    Je ne sais pas combien de personnes étaient là à passé 23 heures, mais il y a une chose que je sais, c’est que j’étais bien content d’avoir l’abonnement.

    Pour le match, je ne me rappelle pas grand chose, si ce n’est l’immense déception et le monde sur la glace à la fin. Souvenir grandiose quand même

  9. Tamtadatamtam tamtam
    Tamtadatamtam tamtam
    Tamtadatamtam Tamtadatamtam Tamtadatamtam
    Tam Tam…..Tam Tam Tadatam Tadatata Tam tam…….j’y étais aussi ce soir là,j’avais 13 ans,ca reste un superbe souvenir mais la défaite nous avait tous fait très mal.St-Léonard n’avait jamais été aussi plein que ce soir là,certaines personnes ont avancés par la suite des chiffres faramineux!La combine de Olmat j’en avais aussi entendu parlé par la suite,on ne saura sans doute jamais…ohhhh Andrei Khooomutov aheeee ahoooooo,,,,Allez Gottéron!!!

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