Nie Schweizermeister

Attention, ce qui suit est un peu déprimant pour une fenêtre de calendrier de l’Avent. Sauf si tu détestes Gottéron, évidemment. On a tous un «climax» dans notre vie de fans de sport, pour moi c’est le 12 avril 1992. Mais ça peut encore changer.

Printemps 1992. J’ai douze ans et comme tout le monde à Fribourg, je ne pense qu’à ces play-offs depuis qu’on a fini la saison régulière à la première place. La motive ambiante est décuplée par la façon dont on arrive au cinquième match, décisif, de notre première finale. Après avoir giclé le 8e Biel/Bienne en 4 matches en quarts (malgré une défaite chez nous en prolongation lors du premier match), on a plus de mal contre Ambrì en demi-finale. Après deux victoires à St-Léonard et deux défaites en Léventine, dernier match chez nous, et les Tessinois mènent 2-4 au début du dernier tiers avant qu’Andrei n’égalise quelques secondes avant la sirène, puis ne nous qualifie pour la finale en prolongation.Depuis deux ans qu’ils sont là, Bykov et Khomutov n’ont pas seulement révolutionné le hockey suisse, mais aussi les cours d’école fribourgeoises : plus personne ne joue au foot dans le préau. Tous les jours, c’est canne à la main que les classes s’affrontent à la récré avec une balle de tennis. Et on s’y croit à fond.
Pas remis de la dantesque demi-finale et trop légers face aux «Big Bad Bears», les pas encore Dragons se font manger par le SCB dans les deux premiers matches. Après le 11-2 chez eux, nombre de fans fribourgeois se disent qu’on peut tout de suite donner le minuscule trophée à Martin Rauch. Mais Gottéron ressuscite et revient proprement à deux victoires partout (5-1 chez nous et 0-3 à l’Allmend) : on jouera le game 5 (comme il ne serait venu à l’idée de personne de l’appeler) de la finale.
Un 5e match. Chez nous. Contre Berne. Pour le titre.
12 avril 1992. J’ai 12 ans, et je sais déjà que je me souviendrai de cette journée toute ma vie : ce soir, on est champions. La journée commence mal, vu qu’en rentrant des commissions en patins à roulettes (que personne n’aurait eu l’idée d’appeler des «quads»), je me fais surprendre par une sournoise bordure de trottoir et exécute un somptueux soleil avec l’arrière du crâne qui vient taper le bitume. Du sang partout sur mon écharpe (la jaune et noire, avec les éclairs) et une cicatrice bien sympa que je pourrai sûrement toujours palper vingt ans plus tard quand, tel un vieil ahuri, je raconterai cette histoire qui ne t’intéressera évidemment pas. Bref, ça n’arrange pas mon état. Je suis totalement hypnotisé par ce qui va se passer ce soir, sans pouvoir penser une seule seconde à autre chose de toute la journée, avec en plus un puissant mal de crâne.
7633, 9000 ou 30’000 spectateurs si l’on croit tous ceux qui diront avoir été là ? C’était peut-être une question de poids en ce qui me concerne, mais le «sautillez» (sur le mode du «tous ensemble» repris depuis pour faire comme tout le monde), eh ben ce soir-là, tu n’avais pas besoin de faire quoi que ce soit pour, tu sautillais avec. Tous les clubs trichaient plus ou moins avec les chiffres d’affluence ou le nombre de billets vendus, selon leur situation, mais chez nous, ça y allait à la louche.
Du match, on a été tellement en-dessous, comme tétanisés, que je n’en retiens pas grand-chose, si ce n’est qu’on s’est fait marcher dessus et qu’il est très vite devenu clair que ce n’était pas notre soir. Jiri Lala, le renfort tchèque tout juste débarqué, en plantait un ou deux, notre ex et futur Gilou en mettait aussi un si mes souvenirs de môme sont justes, et le seul Rottaris marquait pour nous si je ne me goure pas.
La suite ? Tout le monde sur la glace, Bernois comme Fribourgeois. (Je parle des supporters, hein. Tu imagines ça en 2012 ?) Des faces défaites d’un côté, des mecs euphoriques de l’autre, mais du respect et des poignées de main. Et aussi beaucoup de frustration et un sentiment d’abattement qui avait inexorablement conquis la patinoire à mesure que les Haribos nous concassaient. Une nuit affreuse à ressasser. Les sarcasmes de mon père, Lucernois peu intéressé par les choses du sport, mais domicilié sur Berne, le lendemain.
Le pire souvenir de ma «carrière» de fan de sport. Mais je m’en souviendrai toute ma vie.

Écrit par Hilde Blatter

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