Le rêve brisé de tout un peuple

Malgré le soutien inconditionnel de tout un pays, malgré l’ambiance phénoménale d’Hampden Park et malgré un courage énorme, l’Ecosse n’est pas allée au bout de son rêve insensé : obtenir son ticket pour l’Euro 2008 dans le groupe le plus relevé des qualifications, avec trois quarts de finaliste de la dernière Coupe du Monde, dont les deux finalistes. L’Ecosse a eu sa balle de match à la 81e mais ce sont finalement l’Italie et la France qui passent sur une énième erreur d’un trio arbitral lamentable. Logique au vu des forces en présence mais tellement regrettable pour l’ambiance lors du grand raout de juin prochain.

A peine débarqué à l’aéroport d’Edimbourg, je m’aperçois que ce samedi 17 novembre 2007 n’est pas tout à fait un jour comme les autres en Ecosse. Ce jour-là, l’équipe nationale de football y dispute son match le plus important depuis plus de dix ans, contre les champions du monde italiens, et la Tartan Army est en marche. Déjà dans les rues d’Edimbourg, on aperçoit partout des supporters en kilt, drapeau ou maillot sur les épaules, écharpe autour du coup, visage grimé… Même devant le stade de Murrayfield, antre traditionnel des rugbymen, les fans de foot sont présents. A mesure que le train reliant Edimbourg à Glasgow avance dans la lande écossaise, il se remplit, dans le calme et la bonne humeur, de supporters de tous âges.

C’est donc une véritable invasion qui s’étend dans les rues et les pubs de Glasgow, une invasion complètement pacifique puisque les tifosi italiens peuvent arborer fièrement leurs couleurs sans s’attirer autre chose que quelques mots d’encouragement, ce qui doit les changer de la triste réalité de leur championnat. Bon nombre de supporters écossais ne disposent pas de billets pour le match, puisque ces derniers ont été en priorité vendus aux membres du club des fans de l’équipe d’Ecosse. Quant aux quelques billets destinés à la vente au public, ils ont suscité plus d’un million d’appels téléphoniques pour tenter de s’arracher les précieux sésames. Les nombreux recalés suivront donc le match dans les pubs ou les tentes montées pour l’occasion et chanteront tout autant que s’ils avaient été au stade, comme si, depuis chaque pub du pays, les encouragements pouvaient venir se mêler à ceux des 50’000 privilégiés d’Hampden Park.
La réputation grandissante de CartonRouge.ch m’a permis d’obtenir une accréditation en tribune de presse dans le mythique stade national écossais, lequel détient toujours le record d’Europe du nombre de spectateurs pour un match de foot (149’415 spectateurs pour un Ecosse – Angleterre en 1937). Aujourd’hui, Hampden Park n’accueille plus autant de monde et ses dégagements importants sur les côtés et derrière les buts n’en font pas un véritable stade britannique. Qu’à cela ne tienne : l’ambiance y est phénoménale ; c’est tout un stade qui danse, chante et crie, même les sponsors et les VIP, pour pousser son équipe vers une victoire qui la qualifierait pour l’Euro 2008, laissant la France et l’Italie se battre pour le 2e ticket. Je n’essaierai même pas de te narrer le Flower of  Scotland, l’hymne national, ce sont des choses qui ne se racontent pas mais qui se vivent en live.
Poussée par ce formidable engouement, on attendait une équipe écossaise conquérante, c’est tout le contraire qui s’est produit. Une incroyable erreur de marquage sur une touche rapidement jouée par Zambrotta permet à Di Natale de trouver Toni pour l’ouverture du score après moins de 2 minutes de jeu. Les joueurs écossais ont dû disputer tellement souvent ce match dans leur tête durant les semaines précédant la rencontre qu’ils en ont oublié de jouer le jour J. Et voilà le plan de jeu de l’Ecosse, qui consistait, comme lors des deux victoires contre la France, à tenir le 0-0 le plus longtemps possible et espérer marquer sur un malentendu, qui tombe à l’eau. C’est le cas de le dire puisque des trombes d’eau s’abattent sur Hampden Park.

L’Italie aurait pu classer l’affaire sur un centre de Toni repris au-dessus par Camoranesi (3e) et sur un essai du joueur du Bayern détourné par le remarquable gardien Craig Gordon (13e). Il faut toutefois bien plus qu’un début de match raté pour réduire la Tartan Army au silence et l’Ecosse trouve dans les encouragements de son fantastique public les ressources pour redresser la tête, d’abord sur balles arrêtées.
C’est alors que commence le show du trio arbitral. J’avais un mauvais pressentiment en voyant l’identité et surtout la nationalité des hommes en noir. Car, comme Guy Roux, j’ai toujours eu tendance à penser que les arbitres espagnols sont les plus mauvais du continent. Mes craintes s’avéreront malheureusement fondées : tatillon, distribuant les cartons de manière aléatoire, sifflant pour un rien dans un match d’homme, engagé mais correct, M. Mejuto Gonzalez a été le plus mauvais acteur sur le terrain. Si l’un des juges de touche n’avait pas rééquilibré la balance en annulant une réussite transalpine pour un hors-jeu imaginaire puis en validant le but écossais malgré un hors-jeu bien réel celui-là, on aurait même pu parler d’arbitrage partial et pro-italien.

Sur un corner de Ferguson, le ballon revient à McCulloch dont la frappe, qui partait bien, est stoppée par le bras de Zambrotta (16e). Il y avait incontestablement là matière à penalty mais M. Mejuto Gonzalez ne bronche pas, s’attirant pour la première fois (mais de loin pas la dernière) les foudres de la Tartan Army. L’Ecosse est revenue dans le match, Ferguson (reprise au-dessus, 17e) et Hutton (tête trop décroisée, 18e) inquiètent Buffon sur des corners. L’Ecosse se procure sa première occasion dans le jeu à la 30e après une belle combinaison McCulloch-McFadden mais le tir de Ferguson est trop mou. Dans l’enchaînement, l’Italie double la mise grâce à Di Natale, qui se montre le plus prompt à réagir après une parade exceptionnelle de Gordon sur une frappe d’Ambrosini. Mais le juge de ligne invente un hors-jeu inexistant et le but est annulé. Dans les arrêts de jeu de la première mi-temps, Hampden Park se lève et croit à l’égalisation sur un corner repris par Weir, Buffon est battu mais pas Pirlo, qui sauve sur sa ligne.
Après la pause, l’Ecosse peine à mettre sous pression une équipe italienne, qui choisit elle de défendre ce 1-0 et ne cherche pas véritablement à marquer un deuxième but. Il n’y a guère que le latéral droit Alan Hutton, meilleur Ecossais samedi soir, qui amène un peu de percussion. A l’heure de jeu, alors que l’Ecosse doit toujours marquer deux buts pour se qualifier mais ne parvient pas à se montrer dangereuse, on s’étonne de ne voir aucun joueur écossais partir s’échauffer. Comme souvent dans ces cas-là, la solution viendra d’une balle arrêtée : tout part d’une faute de Zambrotta, bien à la peine samedi, sur Hutton, à la limite de la surface de réparation. Le tir de McFadden est freiné par le mur, McCulloch reprend, Buffon peut s’interposer mais la capitaine Barry Ferguson, vraisemblablement en hors-jeu de position, surgit et parvient à égaliser. La Tartan Army n’a jamais cessé d’encourager les siens mais ce but fait encore monter la fièvre.

Malgré son immense expérience, l’Italie commence à subir la formidable pression d’Hampden Park et c’est à son tour de n’être plus capable de se montrer dangereuse autrement que par balles arrêtées, comme ce coup franc de Pirlo juste à côté (73e). Criante en première mi-temps, la supériorité technique italienne se fait beaucoup moins évidente et l’Ecosse gagne la majorité des duels. Les Ecossais se procureront deux balles de qualification : au terme d’une action de handball où la ballon tourne devant neuf Italiens regroupés à l’orée leur surface de réparation, McFadden est décalé sur la droite et tire à côté alors que Miller était seul au 2e poteau (79e). Mais surtout à la 81e, Miller sert McFadden qui se retrouve seul face au but vide mais ne parvient pas à redresser la course du ballon et tire à côté. Il est difficile de reprocher ce raté au joueur d’Everton car, sans lui, jamais l’Ecosse n’aurait été encore en lice pour la qualification avant cette ultime journée ; mais nul doute que l’attaquant écossais va souvent se repasser cette action dans sa tête ces prochaines semaines. Car l’Ecosse vient de laisser passer sa chance.
L’Italie parvient à freiner les ardeurs écossaises et Panucci est tout près de marquer sur un coup franc de Pirlo (89e). Alors que l’on se dirige vers un match nul qui qualifie pratiquement l’Italie, tout en laissant un frêle espoir aux Ecossais en cas de faux-pas français à Kiev, survient le coup de théâtre qui va définitivement faire basculer ce groupe B en faveur de l’Italie et de la France, au détriment de l’Ecosse : Hutton récupère un ballon vers sa ligne de fond, il est chargé par Chiellini qui ne s’est pas préoccupé une seule seconde du cuir. L’arbitre siffle une faute, tout le monde pense qu’elle est en faveur de l’Ecosse, y compris les Italiens qui commencent à se replacer, et que l’on va avoir droit à un ultime long coup de botte en avant. Mais de façon scandaleuse et inadmissible, l’arbitre donne le coup franc en faveur des Transalpins et le juge de touche (pas celui qui avait un problème avec la règle du hors-jeu, l’autre), pourtant idéalement placé, ne daigne pas corriger la décision manifestement erronée de M. Mejuto Gonzalez.

Tu connais la suite : Pirlo dépose le ballon sur la tête de Panucci et plonge Hampden Park dans un silence de mort, juste troublé par les invectives haineuses d’un commentateur de TV italien derrière moi. Je ne sais pas pour qui il commentait (ce n’était pas la RAI) mais si même les commentateurs attisent la haine, il ne faut pas s’étonner que le Calcio soit une oasis de violence sur la planète foot. Oublions ce sinistre personnage pour parler de vrais supporters de football. Après quelques instants de consternation, la Tartan Army recommence à chanter de plus belle. Malgré leur abattement, les joueurs écossais reviendront vingt minutes après le coup de sifflet final pour un tour d’honneur devant un stade qui est toujours plein et qui chante et bouge comme si son équipe s’était qualifiée. Enorme.
L’équipe d’Ecosse n’a peut-être pas le jeu le plus attractif d’Europe mais au niveau de l’ambiance, dans et autour des stades, son élimination représente une immense perte pour notre Euro. Surtout pour être remplacée par l’Italie et le France, dont les supporters avaient surtout brillé par leur discrétion et leur manque d’ouverture vis-à-vis des supporters adverses lors de la dernière Coupe du Monde. Dans les rues de Glasgow, la déception est immense ; les kilts, maillots, drapeaux, écharpes et autres cornemuses restent toutefois de sortie ; malgré cette issue décevante, c’est tout un pays qui a retrouvé la fierté envers son équipe nationale et qui le fait savoir au cours d’une nuit festive à Glasgow dont j’ai eu quelque peine à m’arracher sur le coup des 3 heures pour rejoindre Edimbourg et un vol aux aurores.

Ecosse – Italie 1-2 (0-1)

Hampden Park : 51’301 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Mejuto Gonzalez.
Buts : 2e Toni (0-1), 64e Ferguson (1-1), 91e Panucci (1-2).
Ecosse : Gordon ; Hutton, Weir, McManus, Naysmith ; Brown (74e Miller), Fletcher, Ferguson, Hartley, McCulloch (92e Boyd) ; McFadden.
Italie : Buffon ; Panucci, Cannavaro, Barzagli, Zambrotta ; Gattuso (87e De Rossi), Pirlo, Ambrosini ; Camoranesi (83e Chiellini), Di Natale (68e Iaquinta) ; Toni.
Cartons jaunes : 34e Naysmith, 44e McCulloch, 45e Toni (tous pour jeu dur).

Écrit par Julien Mouquin

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